En cours de diffusion sur Canal+, Témoin indésirable est une mini-série en quatre épisodes produite par la BBC et adaptée d’un roman d’Agatha Christie.
L’argument : Rachel Argyll a été assassinée. Son fils adoptif, Jack Argyll, a été arrêté, mais il est mort en prison avant d’avoir été jugé. Dix-huit mois après le meurtre, alors que la famille recommence à vivre, un certain Dr Calgary se présente, avec des informations qui innocentent Jack. Mais si ce n’était pas Jack, qui est coupable ? Rachel avait adopté quatre autres enfants, est-ce l’un d’eux ? Faut-il regarder du côté d’un mari pas assez éploré ? De la secrétaire ? De la cuisinière ? Rachel Argyll ayant été singulièrement difficile à vivre, il n’y a qu’à se baisser pour ramasser des mobiles.
Décors, costume et mise en scène, la BBC fait du cousu main, mais le résultat ne m’a pas emballé, la faute à certains choix d’adaptation. Le principal a été de pousser tous les curseurs au noir le plus noir, tendance panne de courant par une nuit sans lune au fond d’une mine de charbon. Parfois, je grogne quand les scénaristes des Petits meurtres d’Agatha Christie pillent ses intrigues pour nous fourguer du vaudeville avec des cadavres, mais Témoin indésirable se vautre dans l’excès inverse, celui du Festen policier[1].
Très logiquement, tous les acteurs surjouent sur le thème « c’est horrible ce que je suis torturé de l’intérieur, je suis suspect mais j’aimais ma maman adoptive/ patronne/ épouse et comme ce n’est pas moi, qui est-ce ? Arrgh ! C’est forcément quelqu’un avec qui je vis depuis toujours… » Le Dr Calgary, le seul protagoniste dont l’innocence est certaine, pourrait amener une bouffée d’air pur au milieu de ces miasmes. Pas de chance, les scénaristes ont décidé d’en faire… un malade mental tout juste sorti d’un asile d’aliénés, hanté par la peur d’une apocalypse imminente[2].
En parlant d’adaptation, je ne suis pas fan des scénaristes qui changent de coupable. Est-ce pour dérouter les fans ? Parce que le mobile du coupable original n’est plus l’air du temps ? Quoi qu’il en soit, le leur est nettement plus antipathique que celui du bouquin, ce qui leur permet d’avoir une fin – surprise ! – bien bien noire… et que j’ai du mal à trouver crédible, personnellement.
Je parlais de détective et d’enquête, un peu plus haut. De fait, Témoin indésirable se dispense de ces vulgarités : toute l’histoire est une cascade de flash-back, qui nous permettent de comprendre ce qui se passe beaucoup mieux que les protagonistes. Je reconnais que ça fonctionne bien, et je n’ai pas forcément besoin d’une enquête. Mais quand même, la jeter à la poubelle pour nous vendre un drame psychologique à la place est peut-être un peu cavalier.
Oh, en parlant de place : 4 x 43 minutes pour un roman qui, dans mon souvenir, fait environ 250 pages… Ça laisse du temps. Pour raconter. Toute l’histoire. En détail. Et pour revenir sur certains points. Encore. Et encore. Avec des flash-back introduits par un gros plan sur un mécanisme d’horlogerie, au cas où on aurait un doute. Pour reprendre la comparaison avec les Petits meurtres d’Agatha Christie, la série française se compose de petits macarons légers, alors que ce témoin indésirable est un Christmas pudding bien réalisé, mais dense.
Cette mini-série était la première salve d’une série de cinq ou six adaptations d’Agatha Christie réalisées par la BBC. Je regarderai la suivante, mais ce Témoin indésirable ne me donne pas envie de me ruer dessus…
[1]Ce billet aurait pu dériver sur un article consacré à la manière d’adapter une œuvre littéraire, allant du « patrimonial » au « grand nawak », mais on est le 30 décembre et j’ai la flemme. Gardez juste en tête qu’il n’y a pas de bonne manière, mais que les résultats ne peuvent pas plaire à tout le monde.
[2]Car ce sont les années 50, la guerre atomique menace… Du coup, le pauvre docteur surjoue le « j’ai un pet au casque mais j’essaye quand même de fonctionner en société », ce qui en fait un bonne inspiration pour L’Appel de Cthulhu mais un très mauvais détective.
J'avais beaucoup aimé le And then there were none (Dix Petits Nègres) avec un Charles Dance magistral. Je n'ai vu aucune des autres.
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