L'Anomalie / Counterpart

 


Vous le saviez, vous, que le dernier Goncourt, c'était de la SF ? L'Anomalie, que ça s'intitule. C'était un des cadeaux de Noël dans la maison, alors je m'y suis attelé avec curiosité. La première moitié du bouquin est une série de chapitres ayant chacun un protagoniste différent. Tous ces gens ont pour point commun d'avoir embarqué dans le même avion (un Paris-New-York). Et ça se finit à chaque fois avec le FBI qui frappe à leur porte sans que le lecteur sache trop pourquoi. Ça s'accumule par un interminable effet de répétition, on a en tête les passagers de la série Lost, on veut comprendre mais ça n'avance pas. Et la seconde moitié du roman nous donne rapidement l'explication. Je vais bien évidemment vous divulgâcher l'intrigue comme un goret : l'avion a été dupliqué. La copie a atterri 6 mois après l'original, mais l'avion et les passagers sont désormais en double. Et donc les quelques passagers que l'on a suivi au début vont devoir vivre avec l'idée qu'ils sont désormais deux personnes distinctes mais identiques (à part les 6 mois d'écart). Certains vont l'accepter, d'autres vont paniquer, la plupart vont apprendre à composer avec cette situation. Une explication scientifique est donnée (nous vivons dans une simulation informatique, ce n'est pas un bug mais un test pour voir comment nous réagissons pour décider si ça vaut le coup de nous garder virtuellement en vie ou bien d'effacer notre simulation), mais ce n'est vraiment pas le cœur du roman : le coup de la copie parfaite, c'est juste un prétexte pour raconter des histoires différentes sur l'art et la manière de vivre avec son double.

Et c'est là que je saute du coq à l'âne en vous parlant de Counterpart.


C'est la série télévisée que je suis en ce moment. C'est une série terminée, avec 2 saisons de 10 épisodes. Je vais également vous divulgâcher l'intrigue : c'est une histoire d'espionnage qui se déroule à Berlin de nos jours. On y suit des agents qui grenouillent dans une drôle de situation : suite à une expérience hasardeuse, une copie de notre réalité a été produite. Elle est reliée à la notre via un passage qui se situe à Berlin, et donc des ambassades ont été établies de chaque côté. Et comme les gens sont désormais en deux exemplaires, il y a tout un jeu de faux-semblants entre ces deux mondes qui coexistent. La série pose des tonnes de questions sur l'atavisme, le choix, la rédemption... Les 20 épisodes de cet univers qui sent bon la guerre froide sont bourrés de bonnes idées et de situations qui vous font cogiter. Êtes-vous la meilleure version de vous-même ? Est-ce que coucher avec l'autre version de votre femme, c'est tromper ? Si votre copie trahit son camp, est-ce à dire que vous aussi vous allez forcément faire défection ? Chaque épisode apporte son lot de retournement, de questionnement. C'est un feu d'artifices d'intelligence, de demi-mensonges et de compromission. Tous les personnages sont en dégradés de gris, on se surprend à vouloir qu'une tueuse à gages s'en sorte. Bref, c'est un modèle du genre. Un concept fort qui explore les conséquences de son pitch sans pour autant délayer la sauce pendant des années. Une perle, vraiment.

Alors, forcément, quand le Goncourt et cette série se téléscopent ainsi dans ma vie, il m'est impossible de ne pas les comparer. Et d'un côté, j'ai un livre avec des personnages qui n'ont pas le temps d'exister car ils sont trop nombreux (ce dont l'auteur a conscience puisqu'il le fait dire à son éditrice dans le roman). Certains sont malgré tout réussis mais la plupart sont des clichés ambulants : le tueur à gages est ridicule, le militaire violent est caricatural (le pompon, c'est qu'en plus il agresse sexuellement sa fille), les scientifiques insipides... La présence de Trump et Macron m'a fait lever les yeux au ciel. Et que dire de l'approche religieuse du phénomène si ce n'est qu'elle est tellement limitée, même aux yeux d'un athée comme moi. Le roman propose de bonnes idées, mais aucune n'est développée. On saute bien vite à autre chose, on ne creuse rien, c'est juste un catalogue de situation cocasses pour parler d'amour comme seuls les auteurs germanopratins savent le faire.

Bref, entre un bouquin pour qui la SF est juste une excuse de mise en scène et une série qui épouse parfaitement son propos et vous démontre la maestria de son concept sans jamais vous perdre dans sa complexité, il n'y a pas photo. Et que le premier gagne un prix aussi prestigieux tandis que la seconde reste relativement méconnue, c'est à mon avis là que se situe la véritable anomalie.

Commentaires

  1. Merci pour la ub pour la série, j'étais en panne d'idées....

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