Pour une raison que j’ignore, j’ai été pris d’une bouffée d’intérêt pour le post-apo. Mais au lieu de rererelire Le Fléau, ce qui est ma réponse standard à ce genre de crise, j’ai pioché dans mes piles à lire et j’en ai extrait Cthulhu Apocalypse, un supplément pour Trail of Cthulhu publié par Pelgrane Press en 2015.
À l’époque, je l’avais acheté parce qu’il y a le nom de Gareth Ryder-Hanahan sur la couverture, et que c’est plutôt un gage de qualité en général. Il y est accompagné de celui de Graham Walmsley, qui me parle moins tout en me disant vaguement quelque chose.
Donc, l’Apocalypse avec du Cthulhu dedans, mais pas que, parce que la première partie propose quelques menaces additionnelles, genre une version des Martiens d’H.G. Wells qui n’auraient pas été bêtement vulnérables au premier microbe venu.
Mais j’anticipe.
Donc, nous avons là un beau volume de 200 pages, avec jolies illustrations, une belle maquette, une couverture rigide et du papier glacé parce que nous autres rôlistes sommes désormais trop vieux et trop friqués pour triper sur les livrets moches et mal agrafés de notre lointaine jeunesse.
Il contient deux choses : un système pour paramétrer une apocalypse à votre goût, et une campagne en deux parties. Les complétistes et autres collectionneurs noteront que le système et la première partie de la campagne avaient déjà été publiés séparément.
The Apocalypse Machine occupe 65 pages, et ce chapitre fait pile-poil ce pour quoi il est conçu : donner à un meneur de jeu un peu bricoleur des idées et des ajustements techniques pour qu’il conçoive un décor post-apo à sa sauce. Qu’est-ce qui a déclenché la fin du monde ? Comment s’est-elle déroulée ? En dehors de la disparition de 99 % de l’espèce humaine, qu’est-ce qui rend le monde différent de l’avant-cataclysme ? Comment les survivants réagissent-ils au changement ? Sont-ils devenus des barbares paranoïaques qui abattent les étrangers à vue, ou reste-t-il des petits villages hobbi… anglais où l’on accueille les gens de l’extérieur avec une bonne pinte et un bon feu ?
Les possibilités sont nombreuses – une apocalypse qui a altéré les lois de la réalité n’aura pas du tout la même ambiance qu’une autre qui a contaminé les sols. Bien entendu, il est possible que sols contaminés et réalité altérée découlent du même événement. Dans ce cas, les survivants dépendent peut-être de blé importé d’un autre monde, qui sait ?
Là-dessus, on est priés d’ajouter des monstres, parce que c’est Trail of Cthulhu, et que sans monstres, les joueurs seraient tout perdus. Une sélection d’horreurs cthulhiennes défile, mais elle est relativement courte, et la palette des candidats au rôle d’horribles de l’apocalypse est un peu différente de d’habitude, grâce à l’inclusion de quelques créatures empruntées à d’autres œuvres de SF.
Enfin, dernier paramètre à ajuster, la chronologie. La fin du monde a-t-elle eu lieu hier ? Il y a un an ? Trois ans ? Cent ans ? A quoi ressemblent les ruines de l’Avant ? Et que s’est-il passé depuis ?
The Apocalypse Machine est un chapitre dense mais sécurisant. On en sort avec l’impression de disposer d’un solide moyen de cadrer ses idées, et on attaque la campagne en se demandant comment tout ça va être mis en musique.
La campagne, qui n’a pas vraiment de nom en dehors de Cthulhu Apocalypse, est divisée en deux parties. The Dead White World commence immédiatement après la fin du monde, et sa suite, Slaves of the Mother, se déroule trois ans plus tard. Toutes deux se composent d’un axe narratif principal accompagné de scénarios optionnels (deux pour The Dead White World et six pour Slaves of the Mother). L’ensemble exigera pas mal d’huile de coude pour être joué, ce qui peut être une qualité ou un défaut, selon vos attentes.
À titre personnel, sorti des deux premiers scénarios, j’ai eu un peu de mal à accrocher – la trame centrale est un peu trop directive à mon goût, il y a trop de monstres et ils sont trop disparates, certains détails bousculent ma suspension d’incrédulité et d’autres font mal à mon petit cœur de scénariste[1].
D’un autre côté, je reconnais volontiers que les premières scènes sont flippantes, avec l’exploration d’une Angleterre envahie par d’immenses fleurs blanches qui ont tué tout le monde en dehors d’une poignée de survivants, le mystère épistolaire qui structure le début est amusant… bref, il y a de bonnes choses, mais si je la fais jouer un jour, j’essayerai de la bricoler pour la remonter de manière à laisser davantage de liberté au groupe, sans oublier de calmer un peu le jeu sur les monstres[2].
En définitive, que penser de ce Cthulhu Apocalypse ? The Apocalypse Machine fait très bien son job, la campagne peut-être un peu moins bien tout en restant honorable. Il a longtemps été seul sur son segment, avant d’être rejoint par un concurrent : Apocthulhu, un jeu australien qui utilise le même dérivé du BRP que Delta Green. Je vous en parlerai un de ces quatre, si les quatre petits cochons de l’Apocalypse ne mangent pas ma motivation d'ici là.
Un supplément pour Trail of Cthulhu édité par Pelgrane Press.
Prix éditeur :
• 15,95 £ le pdf,
• 26,95£ pour le pdf et la version papier (frais de port en sus)
[1] Notamment la virée aux États-Unis qui monopolise les scénarios optionnels de la 2e partie, et qui donnent l’impression d’être là uniquement parce qu’il y a, à un moment, la possibilité que le groupe récupère un avion.
[2] Et les prix Nobel. Dans un monde où 99,99% de la population a disparu, quelles sont les chances d’en croiser un ? Ou deux ?
Commentaires
Enregistrer un commentaire