J'avoue, j'y allais à reculons. Parce que D&D, parce que Hasbro, parce que je suis comme bien du monde atteint d'un ras-le-bol des blockbusters trop bien calibrés à la Marvel. Je n'avais pas envie de me fader un film d'exploitation. J'y allais pour ma fille, pour qui D&D, c'est le seul JdR qui soit. Et un peu pour pouvoir pester contre un navet. Aimer détester, c'est une part importante de la vie de geek.
Et bien, je me suis fait retourner comme une chaussette, car je suis sorti du cinéma avec la banane. Il ne me viendrait pas à l'idée de prétendre que c'est un bon film, mais c'est indubitablement la meilleure adaptation ciné de D&D. Action, déconnade, drama... Tout est bien équilibré dans cette sympathique quête archétypale. Sans doute un peu trop, on sent la recette qui est appliquée : ce scénario, c'est celui des Gardiens de la Galaxie, des voleurs au grand cœur qui finissent par faire ce qui est juste. Ce sont des voleurs qui ne font pas de backstab et qui n'utilisent pas de poison.
Il y a des passages entiers qui sont directement inspirés des films Marvel : la baston contre l'antagoniste final ressemble à l'affrontement collectif contre Thanos. Il y a tout une scène où un hibours imite Hulk. Et je ne sais pas si c'est la présence de Michelle Rodriguez qui est responsable, mais des pans entiers de dialogue semblent avoir été copiés de Fast & Furious : ça parle de famille, tu toucheras pas à ma famille, jamais je trahirai ma famille, QLF... D'ailleurs, Fast & Furious, une autre équipe de voleurs qui ne sont pas vraiment des voleurs.
Ce que le film a de très formaté (vous aurez droit à des scènes du groupe qui marche dans un décor enchanteur à la Peter Jackson, je vous préviens) est compensé par une bonne volonté. On sent que les gens derrière le film aime D&D. Ils ne se moquent pas du produit, c'est très bon enfant. L'humour est digne d'une table de JdR, c'est clairement des blagues de rôliste qui pourraient se faire un d20 à la main... y compris parfois dans la lourdeur.
C'est également une production qui a conscience de ses limites : pratiquement pas de nains parce que c'est chiant à gérer (les passages avec des personnages de petite taille sont d'ailleurs les plus ratées, techniquement), pratiquement pas d'elfes parce que c'est Rings of Power en proposait treize à la douzaine... Il y a plein de clins d'œil au lore, ça fait étrange d'entendre des noms comme la Porte de Baldur, Padhiver ou Féérune dans une salle de cinéma. Après, je n'ai aucun amour pour ces Royaumes oubliables, donc je ne sais pas s'ils sont bien représentés. Ça reste un décor de carton-pâte dont la cohérence s'effondre dès qu'on réfléchit deux minutes. Les épreuves auxquelles participent les héros à la fin sont particulièrement débiles quand on se met à penser à l'énergie et aux ressources nécessaires pour faire tourner la logistique de cet événement. Idem, pour un univers où la magie est si omniprésente, les gardes sont particulièrement méconnaissant des illusions.
Bref, en étant chafouin, il est aisé de démonter le scénario (où le réflexe d'un paladin, c'est d'aller cacher un objet magique en Outreterre, juste parce que ça permet au scénariste de proposer un environnement qui claque). Oui, c'est commercial par essence. Oui, tout est prévisible. Mais ils ont voulu bien faire. Ça donne un film sympathique avec un casting qui s'amuse. On retrouve les moments iconiques de notre loisir, il y a juste ce qu'il faut de méta pour ceux qui savent, c'est parfait. Par contre, je ne vois vraiment pas comment un non-rôliste pourrait y reconnaître ses petits tant il y a du name-dropping à gogo.
Si vous y allez en vous disant que c'est un Marvel médiéval, c'est un agréable moment de divertissement. Il se pourrait bien que ça nous ramène de nouvelles joueuses, ce qui est toujours bon à prendre. Les adolescents que j'accompagnais sont tous sortis avec une furieuse envie de jouer tout en se répétant les répliques qui les avaient le plus marqués. Va y avoir de la druidesse qui peut se transformer en hibours, tenez vous le pour dit.
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