Je fais remonter une fois de plus un billet de Philippe publié initialement le 20 mai 2007 (punaise, 3 ans).
Trois gamins regardent le ciel par une nuit d'automne. Il y a Jason, le génie, dont la vie est toute tracée : il sera le digne successeur de son père et deviendra un grand capitaine d'industrie. Il y a Diane, sa jumelle, qui n'a aucune place dans la stratégie paternelle. Enfin il y a le fils de la femme de ménage, autant dire un gamin très subalterne. Les trois gosses regardent le ciel quand l'impensable se produit : les étoiles s'éteignent. Rideau sur la scène spatiale. Fondu en noir cosmique. Ces trois vies emmêlées ne vont avoir de cesse de tricoter une relation intense entre elles tandis que le monde perd le nord sans Stella Matutina et ses soeurs.
Comme je le disais dans un précédent billet, si un livre prend la poussière sur ma table de chevet, c'est le signe d'un profond inintérêt. Si j'hésite entre lire un chapitre et regarder le bulletin météo, c'est très mauvais signe. J'ai dévoré Spin en moins de 24h. Quand je suis arrivé au milieu des 600 pages, c'était pour me rendre compte qu'il était déjà minuit. Un livre qui absorbe le temps, vraiment (et à plus d'un titre). Je voulais avoir le fin mot de l'histoire. Pas seulement savoir si l'auteur avait une explication plausible pour son formidable coup de théâtre d'ouverture, mais surtout savoir comment la relation entre les trois personnages allait évoluer au fil des ans.
La grande force de Robert Charles Wilson dans ce roman, c'est de jouer sur plusieurs tableaux. Il y a un niveau sentimental, une couche suspens SF avec des grandes théories sur l'univers, l'évolution et l'hommerie, une épaisseur philo-religieuse... Ce n'est pas un livre de SF, c'est un mille-feuilles.
La seule faiblesse à mes yeux, c'est l'explication du pourquoi du comment de tout ce bazar. Elle n'est pas bancale, elle n'a pas à mes yeux la grandeur que sous-tendait le récit. Je crois que je préfère rester dans l'ignorance plutôt que d'avoir une telle explication. Ça m'avait déjà fait le coup avec Darwinia et dans une moindre mesure avec Les Chronolithes.
Toutefois, malgré le réel plaisir que j'ai eu a dévoré Spin tel un boulimique en fin de carême, je ne vais pas me jeter sur sa suite, Axis. Je ne suis pas certain de vouloir visiter la proposition finale de Spin. Je préfère rester sur une bonne impression.
Mais bon, si Philippe me prouve qu'Axis est aussi fort que Spin...
Les éditeurs qui rédigent les 4e de couverture gâchant le plaisir de lecture devraient subir le même sort que les monteurs de bande-annonce qui racontent tout le film. En attendant que le "spoiling" soit inscrit au code pénal, j'essaie de choisir mes lectures sans retourner le livre pour lire ce fatras marketo-synthétique. Du coup, à quoi puis-je me raccrocher, seul devant un étal en librairie ?
- Au nom de l'auteur : Robert Charles Wilson, canadien, très aimé par la critique, intello, humaniste et très imaginatif selon la rumeur. Car je n'ai rien lu de lui, donc je n'en sais pas plus.
- A la couverture : Oh, surprise, du Manchu. Ce type-là truste les couvs en SF, mais on ne s'en plaindra pas trop. Les perspectives de ses décors et les looks des véhicules qui donnent envie de ressortir sa boîte de Full Metal Planet sont assez plaisants, bien que répétitifs. Mais c'est mieux que les crottes en dégradé de rose et d'orange de Paternoster pour Ailleurs & Demain et le Livre de Poche.
- Au bandeau de couverture : prix Hugo 2006, que ça dit. Est-ce que c'est significatif ? Il fut un temps où le Hugo consacrait un bon roman de SF. Puis on a eu de mauvais romans de SF, de bons romans de Fantasy, et enfin de mauvais romans de Fantasy (essayez Paladin des Âmes, de Bujold, tellement insipide que j'ai même la flemme d'en faire un billet).
- Au nom de l'auteur : Robert Charles Wilson, canadien, très aimé par la critique, intello, humaniste et très imaginatif selon la rumeur. Car je n'ai rien lu de lui, donc je n'en sais pas plus.
- A la couverture : Oh, surprise, du Manchu. Ce type-là truste les couvs en SF, mais on ne s'en plaindra pas trop. Les perspectives de ses décors et les looks des véhicules qui donnent envie de ressortir sa boîte de Full Metal Planet sont assez plaisants, bien que répétitifs. Mais c'est mieux que les crottes en dégradé de rose et d'orange de Paternoster pour Ailleurs & Demain et le Livre de Poche.
- Au bandeau de couverture : prix Hugo 2006, que ça dit. Est-ce que c'est significatif ? Il fut un temps où le Hugo consacrait un bon roman de SF. Puis on a eu de mauvais romans de SF, de bons romans de Fantasy, et enfin de mauvais romans de Fantasy (essayez Paladin des Âmes, de Bujold, tellement insipide que j'ai même la flemme d'en faire un billet).
Bref, tout ça ne donne qu'un a priori légèrement positif envers le dernier livre de Wilson, Spin. C'est plaisant de se laisser surprendre par un livre, et ça l'est encore plus quand on est très heureusement surpris. Je vais finir par acheter tout ce qui sort chez Lunes d'encre de Denoël, car pour le moment je n'ai jamais été déçu par leurs choix éditoriaux.
Le point de départ de Spin est à la fois très original et très ambitieux : une nuit d'hiver, trois enfants voient les étoiles disparaitre : la Terre vient d'être entourée d'une membrane l'isolant complètement du reste de l'univers. Chacun de ces enfants réagira différemment à ce traumatisme, et on assiste, tout au long de leur vie, à leur quête pour essayer d'en comprendre l'origine : recherche scientifique chez un, fondamentalisme religieux chez l'autre, repli sur son quotidien et détachement des autres pour le 3e. A travers eux, on voit l'impact de l'événement sur l'ensemble de notre société. Car cet évènement n'est pas le prélude à une invasion extra-terrestre, mais bien un cataclysme cosmique d'origine inconnue qui va pousser les hommes à s'interroger sur leur place dans l'univers et sur leur planète.
La grande force de Spin, c'est d'équilibrer de façon idéale tous ses éléments constitutifs, sans qu'aucun soit sur-développé au détriment d'un autre : questionnement métaphysique, réflexion sociologique, étude psychologique, débat écologique, stimulation intellectuelle, suspense, jusqu'à la toute dernière page. Avec un début comme ça, on attend évidemment l'auteur au tournant, mais la fin est à la hauteur du reste du livre - ce qui est suffisamment rare en fiction pour être célébré. Qui plus est, le livre est admirablement écrit, avec une construction en flash-backs imbriqués les uns dans les autres, des dialogues prenants et des scènes envoutantes. Mais surtout, Spin réussit parfaitement l'insertion du micro dans le macro, car le destin des personnages, amoureusement dépeints et tangibles, se reflète sans cesse -et vice-versa- dans les questions générales et l'évolution de la société. Et le dénouement du livre réussit à concerner à la fois le mystère originel et le noeud de relations des personnages. Spin n'est pas un roman de hard-science, loin de là, mais il stimule puissamment l'imagination et la réflexion et l'auteur va jusqu'au bout de son idée de départ, surprenant régulièrement le lecteur dans ses développements.
N'en disons pas plus. J'ai essayé de décrire le plaisir de lecture du livre sans rien dévoiler de son intrigue. A vous d'essayer maintenant. Je serais curieux d'avoir d'autres avis sur le message du livre : optimiste ou pessimiste ? Je vais aussi essayer d'autres bouquins de Wilson, qui semble avoir un don pour les bouleversements et les situations science-fictionnelles originales :
- Les Chronolithes : En 2021, un immense obélisque apparaît soudainement, comme surgi du néant, à Chumphon en Thaïlande. Ce monument commémore la victoire d'un certain Kuin... à l'issue d'une bataille qui devrait avoir lieu en 2041.
- Darwinia : Mars 1912, l'Europe et une partie de l'Angleterre disparaissent subitement, remplacés par un continent à la faune et à la flore non terrestre.
- Darwinia : Mars 1912, l'Europe et une partie de l'Angleterre disparaissent subitement, remplacés par un continent à la faune et à la flore non terrestre.
Philippe
Je n'aime pas la SF, mais tu m'intrigues. Je vais jeter un oeil sur la VO... dans 1d10 mois.
RépondreSupprimerA la lecture de ton blog, j’avais retenu Spin comme lecture de vacances et je dois dire que j’ai été fortement déçu. La lecture a été poussif et heureusement que j’avais envie de savoir le fin mot de l’histoire sinon il aurait fini à prendre la poussière parmi les livres « commencés mais jamais terminés ». Je n’ai pas du tout la même analyse que toi. Le style littéraire et le manque de consistance des relations entre les personnages me fait classer Spin entre les romans de gare et les livres de SF, c’est ennuyeux à souhait et on peut sauter ces passages sans rien perdre à l’intrigue et à l’univers. Je trouve les dialogues insipides et creux (extrait : « Nous avons effectué le travail que nous avions besoin d’effectuer.
RépondreSupprimer- Tu peux affirmer cela sans broncher ? À moi ?
- Je l’affirme parce que je le crois vrai.
- Cela n’a donc pas d’importance que j’ai passé ma vie à construire ce tu viens de démolir ?
- De l’importance ? » Jason y a réfléchi comme si E.D. avait posé une véritable question. « En fin de compte, non, je ne crois pas. »).
Pour ce qui est de la construction, les espèces de flash-back sont sans intérêt, ils ne font que anticiper les chapitres suivants sans y apporter quoique ce soit (en comparaison avec « j’ai épousé un communiste » de Philip Roth, je pense pouvoir affirmer que la construction de Spin est vraiment légère).
Un autre point qui m’a énervé c’est la perception de l’auteur du reste du monde (j’entends du reste des US) : s’il y a un échec c’est européen, s’il y a une révolution c’est en Suède (ce qui est assez surprenant de mon point de vue), s’il y a un conflit armé c’est en Europe de l’est ou en Amérique latine, etc.
Par contre au niveau anticipation et exploration du thème qu’il se fixe, je trouve que Spin regorge de bonnes idées. En expurgeant l’œuvre de ses deux tiers, on aurait un bon livre de SF.
Pour ma part je classe la fin dans la catégorie pessimiste. Ca me donne l’impression que l’humanité n’apprend rien de son échec. On prend les mêmes et on recommence et cela indéfiniment…
Je réagis à la note de Pierrot, car moi aussi j'ai lu Spin suite à la chronique de ce blog.
RépondreSupprimerEt contrairement à lui j'ai vraiment été passionné par cette histoire ! Il s'agit pour moi d'un des meilleurs livres de SF depuis que j'ai lu Dune il y a quelques années (j'avoue ne pas en lire beaucoup cependant). J'ai lu ce livre en quelques jours, devant me réfréner sinon je l'aurais fini trop vite sans avoir le plaisir de s'interroger sur la suite de l'histoire.
Là où Pierrot voit un manque de consistance des relations entre les personnages, j'ai trouvé pour ma part qu'il y avait une sensibilité intéressante et surprenante. L'idée de suivre ces personnes depuis leur enfance, puis le prolongement de leurs destins et rapports face aux évènements m'a scotché.
Les dialogues ne sont bien entendus pas tous comme celui que tu cites. D'ailleurs on pourrait faire la même chose avec n'importe quel oeuvre, tirer un extrait de dialogue de son contexte, et forcément ca a tout de suite moins d'éclat.
Les passages de flash-back sont vraiment passionnants, permettant à mon avis de créer un suspens qui m'a accroché. L'intrigue rebondit d'un chapitre à l'autre. Quant à la perception du monde de Wilson, je n'y avais pas fait attention avant que Pierrot le souligne, et même à y repenser, je trouve que ca ne choque pas.
Tous les goûts sont dans la nature ! Je me permets de réagir car comme par hasard je viens de le conseiller au téléphone à un ami, et juste après avoir raccroché j'ai lu la note de Pierrot.
Ayant fini Darwinia il y a quelques semaines, je complète mon billet : l'idée de départ est géniale, le traitement est assez convenu, et la fin plutôt décevante. Un livre qui ne tient pas ses promesses, malgré quelques bons moments pouvant assez facilement être réutilisés dans Guildes (un continent surgi du néant excitant l'avidité colonialiste, une faune et une flore complètement inconnues...). A lire si vous êtes MJ de Guildes, à ignorer sinon.
RépondreSupprimerVous n'avez toujours pas lu la suite?
RépondreSupprimerJ'ai essayé Axis, mais il traîne sur ma table de chevet - ce qui est mauvais signe. J'ai décidé de le ranger, car je viens d'apprendre que ce serait finalement une trilogie. Je vais donc attendre la parution du 3e tome, Vortex, pour lire les deux d'affilée. Mais pour le moment, je préfère considérer Spin comme un one-shot.
RépondreSupprimerÀ lire la critique sur le Cafard cosmique, Axis a l'air d'un beau ratage. J'ai l'impression qu'un Bob a donné des conseils à Robert Charles Wilson.
RépondreSupprimerJe vais faire comme pour Highlander et oublier les suites.
Munin, je suis d'accord avec tout ce que tu dis : Spin est génial (peut-être un problème de traduction pour le VF ?), les Chronolithes aussi, Axis n'est pas excitant, très en-dessous de Spin, et Darwinia est une idée géniale salopée.
RépondreSupprimer"A travers temps" sort chez Denoel ce mois-ci et ça m'a l'air de bonne qualité. En tout cas j'achète dès que ça sort.
Je te linke. Mon post est là : http://quoideneufsurmapile.blogspot.com/2007/05/spin.html
J'ai backlinké ! :)
RépondreSupprimerJ'ai aimé Spin. Bien qu'un peu chiant par moment, c'est quand même très fort. Par contre Axis ne m'attire pas du tout.
RépondreSupprimerSpin est excellent, Axis est lent et totalement différent. Un bon roman de transition, vu la fin, mais pas inoubliable.
RépondreSupprimerNous sommes d'accord, Spin est un excellent roman. Je n'ai pas encore lu Axis par contre.
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