Comme beaucoup de monde, sous le prétexte d'avoir vu deux films avec Arnold Schwarzenegger et lu une poignée de mauvais pastiches, je pensais naïvement avoir fait le tour de Conan. Heureusement pour moi, Bragelonne s'est mis en tête d'éditer une intégrale en trois volumes. Pas les textes bidouillés par Sprague de Camp et Lin Carter, non les textes originaux de Robert E. Howard. publiés dans l'ordre de leur parution dans les magazines pulps de l'époque.
Le tout prend donc la forme d'une série de nouvelles généralement d'une trentaine de pages qui mettent en scène le barbare désormais archétypal à différents moments de sa vie d'aventurier, le tout dans un désordre chronologique total (sans que cela soit un obstacle à la lecture, au contraire). Conan y apparait invariablement comme une brute inflexible confrontée à des personnes civilisées finalement plus barbares que lui. Une fois sur deux, il croise la route d'une créature horrible issue des cauchemars de Lovecraft ou d'un sorcier plus vicelard qu'un congrès du PS, mais dans tous les cas il finit par trouver une solution à son problème en se servant de ses muscles et de son épée pour trancher le noeud gordien. Souvent, Conan est affublé d'une jeune bimbo peu vétue, avec un QI inférieur à celui d'une candidate de Loft Story, qui passe son temps à se serrer lascivement contre le corps musclé du héros en flirtant avec l'ambiance des films érotiques italiens. Et ces jeunes filles qui n'aiment pas s'habiller trop chaudement sont toutes des filles de nobles.
Alors oui, pour avoir lu le premier volume de 570 pages au cours d'un marathon de Noël, c'est un poil répétitif. C'est sans doute parce que l'oeuvre originale était destinée à une lecture plus espacée. Mais il se dégage de l'écriture de Howard une puissance d'évocation terrifiante. Le monde de Conan prend sa source au même endroit que les récits de H.P. Lovecraft (avec qui Howard entretiendra une correspondance jusqu'à son suicide à l'âge de 30 ans) en y puisant des dieux anciens, des horreurs indicibles et une humanité sombre. Conan n'est pas seulement le champion du monde de bodybuilding de son époque : c'est un homme avec des valeurs simples mais puissantes, qui tente de se frayer un chemin dans un monde civilisé qui cache sa noirceur derrière sa sophistication. En 2008, les histoires de Conan peuvent paraître primitives (et même par moment racistes), mais remises dans leur contexte (les années 30), elles sont les racines premières de cette fantasy que nous affectionnons tant. Autre point agaçant : Conan parle toutes les langues et possède toujours le même niveau de langue quelque soit l'idiome qu'il emploie. De manière générale, tous les personnages parlent dans un language soutenu, du soudard moyen à la dernière des ribaudes.
Cette édition est rendue encore plus efficace avec les illustrations de Mark Schultz. Ses compositions sont d'une rare efficacité, elles mettent en scène une réelle énergie dans les scènes de combat. Et les images de temples en ruine ou de paysage exotique sont superbes.
Le travail de Patrice Louinet est hallucinant de passion : il remet superbement bien les nouvelles en contexte en expliquant les vicissitudes de la vie d'auteur de Howard, les petites facilités scénaristiques qu'il se permet souvent, sa mauvaise foi... Même si certaines nouvelles sont mauvaises, on prend plaisir à voir se construire lentement une légende littéraire.
Bref, moi qui ait été élevé avec la fausse croyance que Tolkien avait écrit la bible de la fantasy, je découvre une fois de plus que c'est faux. Howard, Lovecraft et Lieber sont les vrais apôtres du genre. Ceux qui prétendent le contraire sont des hérétiques.
Note pour plus tard : pour les deux prochains volumes, ne pas tout lire d'une traite. Afin d'éviter l'indigestion conanesque, lire une nouvelle de temps à autre, comme au bon vieux temps de Weird Tales.
Le tout prend donc la forme d'une série de nouvelles généralement d'une trentaine de pages qui mettent en scène le barbare désormais archétypal à différents moments de sa vie d'aventurier, le tout dans un désordre chronologique total (sans que cela soit un obstacle à la lecture, au contraire). Conan y apparait invariablement comme une brute inflexible confrontée à des personnes civilisées finalement plus barbares que lui. Une fois sur deux, il croise la route d'une créature horrible issue des cauchemars de Lovecraft ou d'un sorcier plus vicelard qu'un congrès du PS, mais dans tous les cas il finit par trouver une solution à son problème en se servant de ses muscles et de son épée pour trancher le noeud gordien. Souvent, Conan est affublé d'une jeune bimbo peu vétue, avec un QI inférieur à celui d'une candidate de Loft Story, qui passe son temps à se serrer lascivement contre le corps musclé du héros en flirtant avec l'ambiance des films érotiques italiens. Et ces jeunes filles qui n'aiment pas s'habiller trop chaudement sont toutes des filles de nobles.
Alors oui, pour avoir lu le premier volume de 570 pages au cours d'un marathon de Noël, c'est un poil répétitif. C'est sans doute parce que l'oeuvre originale était destinée à une lecture plus espacée. Mais il se dégage de l'écriture de Howard une puissance d'évocation terrifiante. Le monde de Conan prend sa source au même endroit que les récits de H.P. Lovecraft (avec qui Howard entretiendra une correspondance jusqu'à son suicide à l'âge de 30 ans) en y puisant des dieux anciens, des horreurs indicibles et une humanité sombre. Conan n'est pas seulement le champion du monde de bodybuilding de son époque : c'est un homme avec des valeurs simples mais puissantes, qui tente de se frayer un chemin dans un monde civilisé qui cache sa noirceur derrière sa sophistication. En 2008, les histoires de Conan peuvent paraître primitives (et même par moment racistes), mais remises dans leur contexte (les années 30), elles sont les racines premières de cette fantasy que nous affectionnons tant. Autre point agaçant : Conan parle toutes les langues et possède toujours le même niveau de langue quelque soit l'idiome qu'il emploie. De manière générale, tous les personnages parlent dans un language soutenu, du soudard moyen à la dernière des ribaudes.
Cette édition est rendue encore plus efficace avec les illustrations de Mark Schultz. Ses compositions sont d'une rare efficacité, elles mettent en scène une réelle énergie dans les scènes de combat. Et les images de temples en ruine ou de paysage exotique sont superbes.
Le travail de Patrice Louinet est hallucinant de passion : il remet superbement bien les nouvelles en contexte en expliquant les vicissitudes de la vie d'auteur de Howard, les petites facilités scénaristiques qu'il se permet souvent, sa mauvaise foi... Même si certaines nouvelles sont mauvaises, on prend plaisir à voir se construire lentement une légende littéraire.
Bref, moi qui ait été élevé avec la fausse croyance que Tolkien avait écrit la bible de la fantasy, je découvre une fois de plus que c'est faux. Howard, Lovecraft et Lieber sont les vrais apôtres du genre. Ceux qui prétendent le contraire sont des hérétiques.
Note pour plus tard : pour les deux prochains volumes, ne pas tout lire d'une traite. Afin d'éviter l'indigestion conanesque, lire une nouvelle de temps à autre, comme au bon vieux temps de Weird Tales.
L'avis de Philippe
Je suis moins avancé que Cédric dans ma lecture, initiée suite aux billets du Pendu (ici et là ), mais je partage son avis enthousiaste, tempéré par le besoin d'espacer la lecture des nouvelles sous peine de lassitude rapide - mais c'est pareil pour tous les auteurs de Pulp. Relire Conan dans cette édition enfin fidèle à l'auteur, c'est se débarrasser des clichés accumulés par tous les pastiches, hommages, contrefaçons du barbare, et découvrir des histoires nerveuses, des images persistantes, dont l'écho (images ? écho ? hmm... j'aime bien cette métaphore) continue de résonner dans les textes les plus modernes.
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