Fronti Nulla Fides

Ce recueil de scénarios était l’un des bonus du Kickstarter de la 3édition de Cthulhu Invictus. Il a connu une histoire éditoriale tourmentée, avec des scénarios retirés pour qualité insuffisante puis remplacés par d’autres en cours de développement. Je suis surpris – et content – de le voir arriver cette année !



En définitive, ce pdf[1]de 72 pages contient six scénarios. La quatrième de couverture explique que la plupart ont été joués dans des conventions pour montrer au public que oui, il était possible de jouer à L’Appel de Cthulhu sous l’empire romain.

• The Clockwork Oracle, d’Oscar Rios (10 pages). Théoriquement situé à Corinthe mais déplaçable à peu près n’importe où, ce scénario est la version horreur antique d’un run : les personnages sont engagés pour s’introduire dans la villa d’un riche patricien afin d'y faire quelque chose de modérément légal. Leurs trois employeurs ont tous des missions parallèles et pas forcément compatibles à confier à certains d’entre eux. Bien entendu, ce qu’ils trouvent une fois sur place ne correspond pas totalement à leur briefing initial. Marrant à lire, il doit bien fonctionner en jeu, et la petite phase d’enquête qui sépare le briefing de l’infiltration de la villa autorise un poil de roleplay avant de faire péter les glaives. Ce n’est pas forcément ma came, mais c’est du travail bien fait.

• Goddess of the White Apes, de Jeffrey Moeller (16 pages). Ce scénario est la suite de The Vetting of Marcus Asina, qui était l’un des points forts de De Horrore Cosmico. Nous sommes dix ans après l’affaire initiale, et l’horreur revient sous une forme inattendue… Ce scénario est bien écrit, bien construit et parsemé de pointes d’humour. Il renouvelle le vieux cliché de la cité perdue peuplée par une civilisation décadente, tout en essayant de dire des choses sur Rome et l’humanité en général. J’ai bien aimé, même si la continuité avec son prédécesseur n’est pas évidente : on passe d’un James Ellroy en toge à un Edgar Rice Burroughs en sandales, et ça ne conviendra pas à tout le monde.

• Following Seas, de Charles Gerard (11 pages). Ce huis clos à bord d’un corbita, un cargo romain, se déroule théoriquement entre Antioche et Chypre mais peut être déplacé n’importe où en Méditerranée. Il est un chouïa court en bouche, mais il exploite intelligemment les particularités du navire et a un casting un peu nuancé… Faire monter la tension exigera un peu de boulot, mais moyennant quelques efforts de mise en scène, il a du potentiel.

• Manumission, d’Oscar Rios (9 pages). Le postulat du scénario est très « romain » : un abruti a vendu son fils comme esclave pour payer ses dettes. Son beau-frère charge les personnages de retrouver le gamin et de le racheter. Assez court, ce scénario réserve une ou deux surprises et se terminera sans doute dans la violence – même si une option « faisons intervenir la loi » est très sommairement esquissée à un moment donné. Selon la manière dont les joueurs et le Gardien des arcanes l’aborderont, ça peut être une affaire judiciaire ou un bain de sang, et on doit pouvoir le faire jouer en gommant presque tous les aspects surnaturels.

• The Dragon of Cambria, de William Adcock (9 pages). Les investigateurs sont envoyés dans un coin reculé de Bretagne pour y traquer… un dragon mangeur d’hommes, que les autorités locales prennent au sérieux puisque les naturalistes romains y croient. D’ailleurs, des gros reptiles carnivores, il y en a plein le Nil, c’est bien la preuve que les dragons sont possibles, non ? C’est un scénario « la Bête rôde, étrangers », avec un groupe de chasseurs rivaux, une quantité de PNJ pittoresques et/ou inquiétants… et il donne aux investigateurs la possibilité de vraiment tuer un dragon et se faire un max de sesterces en revendant sa peau[2].

• The Sword of Emeric, d’Oscar Rios (9 pages).Ce scénario se déroule sur la frontière germanique, au nord de l’actuelle ville de Mayence. Un chef barbare du nom d’Emeric joue les fauteurs de troubles, et d’après la rumeur, il possède une épée magique. Les soldats romains envoyés lui botter les fesses ne sont pas rentrés, serait-ce un effet de votre obligeance d’aller voir ce qui leur est arrivé ? Contenant quelques bonnes scènes mais assez franchement orienté baston, c’est le plus léger des six scénarios. Il souffre de quelques choix maladroits dans le nom des PNJ, ce qui est assez récurrent dans la gamme lorsqu'il faut nommer des barbares. Et bon, il suffit de modifier quelques syllabes pour corriger le tir...

Au bilan, Goddess of the White Apes est plutôt amusant dans le genre « pulp barré », Manumission est un bon scénario de lancement pour une campagne orientée « détectives antiques » et The Dragon of Cambria est un gentil film de monstre. Les trois autres sont un peu plus oubliables, mais tous sont consommables. Vous y trouverez de quoi meubler des scéances courtes, peut-être en alternant avec les scénarios plus copieux de De Horrore Cosmico

Bref, pour un supplément dont je n'attendais pas grand-chose, c'est une bonne surprise.


[1] Le pdf ne devrait pas tarder à être en vente sur le site de Golden Goblin, et j’imagine qu’une version PoD sera disponible dans un avenir pas trop lointain.
[2]Pour une valeur un peu particulière de « dragon », bien sûr. « Mais où va-t-on trouver assez de sel pour conserver correctement la peau du monstre ? » est l’une de ces difficultés post-chasse au dragon que la plupart des scénarios n’évoquent pas.

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