Une autre réclame pour le Legs de St-Aymond


Et donc, la campagne de financement du Legs de St-Aymond est en cours. Ça va bien, on frise les 200 souscripteurs, les paliers tombent tels des dominos, les commentaires sont globalement positifs...

Il me vient à l'idée de vous expliquer pourquoi, quand j'ai pensé à un cadre de jeu pour Nephilim, je me suis projeté dans un village endormi. Mon arrière-grand-mère était une paysanne vivant à Crapéou, un lieu-dit de la commune de Conzieu. Mais si, vous voyez bien : juste après Ambléon, il y a les ruines du château de Montcarrat sur un éperon rocheux. Eh bien le hameau est au pied du château. Mes parents m'expédiaient là-bas pendant les vacances, et comme c'était à 12 bornes de la sous-préfecture où nous vivions, je pouvais y aller en vélo (de facteur, car mon père était postier). J'ai donc grandi là-bas, dans une ambiance simple. La maison n'avait qu'une grande pièce, la cuisine, dans lequel il fallait constamment alimenter un poêle à bois en fonte massif avec des bûches fendues sur un billot. C'était comme un athanor, il y avait toujours une cafetière italienne qui chauffait paisiblement ou un ragoût qui mijotait. La photo de feu mon arrière-grand-père en uniforme trônait sur le haut du buffet. On entendait l'accordéon d'André Verchuren qui jouait dans le lecteur de K7 audio de mon grand-oncle Anthelme. Et on lisait le Pèlerin Magazine, oh ça oui, car mes arrière-grands-parents étaient tellement catholiques qu'ils se prénommaient Marie et Joseph. J'ai donc été élevé dans un étrange mélange de prêchi-prêcha et de peurs païennes (en effet, il y avait une vouivre qui vivait dans le lac d'Ambléon). J'ai appris comment tuer et dépiauter les lapins, comment ne pas avoir peur des abeilles, comment montrer à cheval avec la plus gentille des juments du monde (Minouche), comment bien s'occuper du petit veau qui venait de naître (et de l'inévitable prise de conscience qu'un jour, il est parti aux abattoirs) et tout un tas de trucs parfaitement inutiles dans ma vie d'aujourd'hui mais indubitablement constitutifs de la personne que je suis.

Mais cette enfance idyllique n'était qu'une facette de ma vie. Le reste du temps, je vivais dans un lotissement, je glandais au club de jeu de rôles et j'essayais d'avoir la moyenne pour ne pas redoubler. Et en 1992, Nephilim est arrivé dans ma vie. La critique dans Casus m'avait rendu curieux, et un vieil étudiant (il devait avoir 20 ans) du club de JdR qui revenait dans notre petite ville les fins de semaine m'en a rapporté un exemplaire. J'avais 16 ans. Cet été là, quand je suis allé en vacances chez ma mamie, je ne le savais pas, mais c'était la dernière fois que je dormais dans ma petite chambre. J'avais apporté avec moi le livre de base et je le lisais avidement. Je ne faisais plus de barrage sur le ruisseau, je ne taillais plus de flèches en noisetier pour mon arc, je ne regardais plus les têtards grandir... j'avais été entièrement absorbé par un jeu-univers. Désormais, je rêvais de Templiers, d'Agartha et de d'épée en orichalque. J'étais devenu quelqu'un d'autre. Comme si une autre personnalité avait pris le contrôle de mon corps.

C'est pour ça que cette histoire du Legs de St-Aymond est si personnelle, pour moi. Ce n'est pas un calcul marketing pour cibler pile la génération qui a le plus de pouvoir d'achat avec un produit finement ciselé pour appuyer sur toutes les touches de la nostalgie. Si je raconte comment une bande de gamins a vu sa perception du monde changer au cours d'un été idéalisé, ce n'est pas juste une allégorie sur les étapes menant à la vie adulte : c'est littéralement ce qui m'est arrivé. Au début de juillet, mon objet le plus précieux était ma lame Opinel car elle me rattachait à mes racines paysannes, tandis qu'à la fin août, je n'avais qu'une envie : retourner à la grand ville pour filer à la bibliothèque et en apprendre plus sur la multitude de sujets connexes dont cette lecture estivale m'avait instruit.

Cet été là, Crapéou a perdu de sa magie. Et le Legs, c'est une manière ludique de corriger le tir. De prolonger cet état de grâce. Voyez cette campagne comme un akasha qui s'est cristallisé autour de ces regrets. C'était une étape incontournable de ma vie, j'étais condamné à tourner le dos à cette parenthèse enchantée... et par le jeu de rôles, je peux m'amuser aujourd'hui à imaginer un prolongement à ces moments formateurs. Et j'ai la prétention de penser que cette expérience, elle est plus ou moins universelle. Nous sommes nombreux à avoir passé les meilleures vacances de notre vie sans penser que c'était peut-être les dernières. Et la vraie magie, pour moi, c'est qu'on peut s'asseoir autour d'une table avec des ami(e)s et y retourner presque instantanément par le truchement du jeu. C'est pourquoi je vous invite à ces vacances prometteuses dans la maison de la famille Ronflet, en plein cœur de St-Aymond.

Le Legs de St-Aymond (en financement jusqu'au 9 septembre).

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