Cela fait plusieurs fois que, par mail ou commentaire, on me demande quels sont mes lectures favorites, surtout en Fantasy, genre sur lequel j'ai plus blogué que le reste. J'inaugure donc une série de billets (identifiée par un tag, pour plus de facilités) dans lequel je décrirai quels sont mes bouquins favoris. Je commence évidemment par la Fantasy. Au menu cette fois, le cycle du second soleil de Teur de Gene Wolfe, qui m'avait tellement marqué à la lecture que mon premier pseudo, lors de ma découverte d'Internet, fut "Severian". La récente réédition du cycle en deux volumes chez Lunes d'Encre rend ce choix d'actualité.
L'histoire se passe dans un futur tellement lointain qu'il ressemble à un passé éloigné : des éléments de science très avancée voisinent avec des thèmes plus "fantasy", donnant un cachet mi-archaïque, mi-futuriste à l'univers. Severian, un homme manifestement puissant, profite de sa mémoire éidétique pour faire le récit de son enfance et de sa jeunesse, alors qu'il était apprenti de l’ordre des Enquêteurs de vérité et des exécuteurs de Pénitence, plus connus sous le nom de bourreaux. Comme tous les autres orphelins éduqués par l'ordre, Severian ne connaît du monde que la vieille citadelle et la tour Matachine, qui est la résidence des bourreaux. Son apprentissage se passe sans réel incident, jusqu'à ce que la Tour Matachine accueille une condamnée pour laquelle Severian va se prendre d'affection, au point de commettre une grave faute : lui permettre d'échapper à sa condamnation en se suicidant. Severian sera, pour cette faute, nommé bourreau dans une ville de province lointaine, qu'il lui faudra rejoindre à pied. Là commence sa véritable aventure...
Je ne vais pas en dire plus sur l'histoire, une très bonne critique de cette intégrale en deux volumes est disponible sur le site du Cafard cosmique
Je vais plutôt dire pour quelles raisons je place ce livre au-dessus des autres.
Superbement écrit, l'Ombre du Bourreau est un récit d'apprentissage complètement dépaysant, dans un monde à la fois exotique et familier, dont les trouvailles, monstres et merveilles marqueront durablement le lecteur. Les personnages du roman, Thecla, le Dr Thalos, Maître Palaemon, et tous les autres, sont tous des figures fascinantes, finement composées, quelle que soit leur importance dans le récit. Mais, surtout, c'est le personnage de Severian - et, par la même, la qualité d'écrivain de G. Wolfe, qui retient l'attention : malgré sa mémoire photographique, Severian ne fait pas un récit fidèle de ses aventures. Tout d'abord, il ne décrit que ce qui le surprend, et le récit laisse donc dans l'ombre des éléments de Teur considérés comme normaux pour lui. Mais aussi, Severian se met en scène, occulte des faits, se justifie, et le lecteur attentif repère les contradictions, interprète les non-dits, et finit par découvrir un récit dans le récit qui lui permet d'avoir un deuxième éclairage sur les motivations et les choix du narrateur. On revient au récit d'apprentissage, et on découvre une construction en poupée-gigogne. Que s'est-il passé dans la cellule de Thecla ? Quels sont les pouvoirs de la Griffe du Conciliateur ? A ces questions s'ajoutent aussi l'intrigue plus vaste, liée à la domination de Teur, à l'extinction progressive du Soleil, qui prennent de plus en plus d'importance à mesure que le regard de Severian embrasse d'éléments. A la fois intimiste et riche en rebondissements, le récit, merveilleusement ciselé, surprend toujours, jusqu'à la conclusion.
Le second cycle, proposé dans la suite du 2e volume de l'intégrale, est moins convaincant, mais il possède quand même ses qualités. On peut toutefois se satisfaire des quatre volets de l'histoire de Severian, superbes et originaux.
Pour aller plus loin :
- Il existe un supplément GURPS sur Teur (cf. GROG)
- La série Soldat des brumes, Soldat d'aretê vient d'être conclue par Soldier of Sidon, qui a raflé le World Fantasy Award. Vivement la traduction ! Les aventures de Latro dans la Grèce antique sont aussi passionnantes : au lieu de se souvenir de tout, Latro, au contraire, est amnésique, et doit relire chaque matin ce qu'il a écrit la veille. Mais la blessure qui l'a rendu comme cela lui a aussi donné la faculté de voir les dieux et êtres mythologiques autrement invisibles. Là encore, on a un récit à deux niveaux de lecture, où il faut faire la part entre les faits et la vision de Latro. A trois niveaux, même, puisque Latro, en lisant le récit de ses aventures, se posent les mêmes questions sur les non-dits qui peuvent exister dans le texte que lui-même a rédigé.
- Le Chevalier et le Mage sont dispos en poche. Je ne les ai pas encore lus, ils sont dans ma pile.
beau billet
RépondreSupprimerjuste avant j'ai commandé les 2 volumes chez Amazon
depuis le temps que cela me faisait de l'oeil
le plus dur lire ...
J'attends avec impatience ton feedback sur cette lecture!
RépondreSupprimerla je suis sur Perdido Street Station
RépondreSupprimerTiens ? Connais pas. ;)
RépondreSupprimerSi vous saviez ce que ce blog déclenche comme achats / Lecture / visionnage :)
RépondreSupprimerc'est effrayant ^^
Nous sommes sponsorisés par le syndicat des éditeurs :)
RépondreSupprimerBon, ça me fait plaisir, je vais continuer ma série des "best of" alors !
Encore un bon souvenir, qui explique que j'ai du mal à accrocher à la fantasy actuelle !
RépondreSupprimerJ'avais décliné cet univers pour Runequest, il y a longtemps...
Pour moi aussi ce blog est une des principales causes de mes fringales de lectures en fantasy et "occulte" contemporain.
RépondreSupprimerContents de voir que nos goûts sont partagés. De retour de vacances, je vais reprendre mes "best of", du coup. :)
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