Pour fêter la remise sur les rails de Thaumates farcis et le rush final pour boucler les textes, voici la 2e nouvelle du supplément, en cadeau à nos fidèles lecteurs... Pardon pour l'énorme retard, mais cette fois-ci, promis, on ne s'arrête pas tant que ce n'est pas bouclé !
Une douleur lancinante lui vrillait les yeux quand Morgan reprit peu à peu connaissance. Que lui était-il arrivé ? Il se revoyait chez lui, seul, dégustant un verre de chardonnay. La sonnerie avait retenti, et il avait ouvert la porte... Une odeur âcre, une bouffée de quelque chose, et puis plus rien. Et maintenant... Morgan ouvrit les yeux. Il était dans une cuisine de restaurant. Une cuisine ultra-moderne, tout en acier, verre et inox, qui semblait n'avoir jamais servi. Tout était d'une propreté surréaliste, et on n'entendait que le léger vrombissement de l'énorme armoire-frigo. Baissant les yeux, Morgan vit qu'il était attaché dans un fauteil Chesterfield, assez incongru dans le décor. Une porte sur sa gauche s'ouvrit et apparut dans son champ de vision un homme grand et svelte, la cinquantaine portant beau, vêtu d'un impeccable smoking.
« Ah, Morgan. Merci d'avoir répondu à mon invitation.
- Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ? Vous êtes complètement toqué ! Relâchez-moi !
- Toqué. Quel bon jeu de mots. Je vois que vous faites preuve du même humour que dans votre film.
- Comment ça ? Que voulez-vous dire ?
- Morgan, mon ami, l’humour dont je vous créditais est bien la seule chose qui m’ait plu dans votre film. Celui-ci m’a fait le plus grand tort, et m’a causé beaucoup de peine, sachez-le.
- Mais qui êtes-vous, bordel ? Vous bossez pour McDo, hein, c’est ça ? »
L’espace d’un instant, les traits paisibles de l’homme furent déformés par une rage insane.
« Ne prononcez pas, jamais, plus jamais, ce nom devant moi ! », hurla-t-il ! Puis, reprenant son calme :
« Non, Morgan, je ne travaille pas pour eux, c’est même tout le contraire. Le fast-food est une invention du diable, la négation de millénaires de traditions culinaires à travers le monde. Le concept même de se nourrir vite, de la nourriture ramenée à un besoin primordial satisfait à toute allure, en se poussant à deux mains des amas graisseux au fond du gosier, est une hérésie. Brillat-Savarin disait « La destinée des nations dépend de la manière dont elles se nourrissent ». Hé bien, je plains votre pauvre pays, mon ami. » Morgan s’aperçut seulement à ce moment que, malgré un anglais impeccable, l’inconnu parlait avec un accent presque imperceptible.
« Mais je ne me suis pas présenté. Appelez-moi… Mr. Wasp. Voilà, Mr. Wasp, un très bon nom », dit l’homme, se souriant à lui-même comme d’une bonne plaisanterie. Tout en parlant, il se saisit dans un placard d’un tablier, qu’il revêtit par-dessus son smoking, puis commença de sortir divers ustensiles des placards et étagères. Après avoir disposé son attirail avec un soin méticuleux, il ouvrit l’énorme frigo et étala sur l’immense plan de travail un incroyable nombre d’ingrédients et de condiments. Morgan contemplait tout cela les yeux ronds, sans réussir à se persuader de la réalité de la scène.
« Vous saviez que, après sa mort, on trouva la tombe de l’apôtre Jean, remplie de manne ? Vous savez, la nourriture divine. » ? Morgan ne sut que répondre. Il regardait avec stupéfaction Mr. Wasp émincer avec la dextérité d'un cuistot japonais légumes, ail et oignon. « La manne, c'est un peu comme l’ambroisie, sauf que Dieu partage plus que Zeus ! » Encore une fois, Mr. Wasp rit de sa plaisanterie, tout en ajoutant des ingrédients à une casserole qu’il avait mise à chauffer. « Ce n’est pas la seule différence entre Dieu et Zeus, d’ailleurs. Prométhée est une figure christique – le saviez-vous ? Non ? Pourtant, le supplice, le don à l’homme, tout ça. Enfin, bon. Prométhée et Jésus ont bien des points communs, mais Jésus a mieux été traité par Dieu que Prométhée par Zeus. Il faut dire… On me ferait manger tout le gras et les os d’un bœuf, je ne demanderais pas à féliciter le chef. Ah. Le moment délicat. » Mr Wasp se mit alors à écumer précautionneusement le jus de la cuisson qu'il était en train de faire. Ceci fait, il égoutta le contenu de la casserole et revient à son plat de travail, et se mit à manipuler des bouts de chair à côté desquels des tranches de carpaccio auraient eu l'air de solides pavés.
"Maintenant que j'ai réservé les légumes, revenons à la viande. Jésus... C'était un bon vivant, vous savez. A cause de toutes ces statues dans les églises, les gens ont une image de blondinet rachitique, mais c'était plutôt l'inverse." Mr Wasp se retourna vers Morgan : "D'une part, il aurait été bizarre que vu son pays de naissance, il soit autrement que d'une complexion basanée. D'autre part, pour passer ses épreuves physiques - le désert, le chemin de croix, la crucifixion - il fallait qu'il soit un sacré colosse. Et je ne blasphème pas, non. Ca n'enlève rien à tout ce dont on le crédite par ailleurs."
L'homme revint alors à ses méticuleux découpages, tout en continuant à parler : "Mais bon, une carcasse comme ça, il fallait bien la nourrir. Vous vous rappelez quel a été le tout premier miracle de Jésus ? Non ? Cana, ça vous dit quelque chose ?". Mr Wasp fixa son interlocuteur, semblant attendre un commentaire, et, devant le silence médusé de celui-ci, secoua la tête d'un air déçu. "Ce manque de culture, chez quelqu'un qui prétend éduquer au moyen de documentaires, est stupéfiant." D'une aisance née d'une longue pratique, il retira alors la casserole du feu. "Mais voilà que c'est prêt. Vous allez goûter, mon ami, et après, vous conviendrez avec moi que votre film appelle un démenti. Non, ne secouez pas la tête : vous allez voir que vous allez tomber d'accord avec moi. En fait, vous ne pourrez pas vous en empêcher. Vous allez réaliser une ode à l'obésité, à la boulimie, aux excès alimentaires, aux calories, à la graisse !"
Mr Wasp était debout, agitant les bras, de plus en plus énervé. "Et alors... Alors, on pourra dire : Quand il ouvrit le troisième sceau, j’entendis le troisième être vivant qui disait : Viens. Je regardai, et voici, parut un cheval noir. Celui qui le montait tenait une balance dans sa main. Et j’entendis au milieu des quatre êtres vivants une voix qui disait : Une mesure de blé pour un denier, et trois mesures d’orge pour un denier ; mais ne fais point de mal à l’huile et au vin."
Sympa, le texte, pour un supplément qui est (était, plutôt, désormais) attendu.
RépondreSupprimerLe Levitique (aux alentours du verset 10) fait pas mal référence à la popote, mais rien n'est plus Unknown Armies-esque que ce court extrait du très grand nanar "La Revanche de Samson" :
http://www.dailymotion.com/video/x6q3mn_la-revanche-de-samson_shortfilms
Vous noterez les subtiles allusions sexuelles au travers de la bouffe...
> Sympa, le texte, pour un supplément qui est
RépondreSupprimer> (était, plutôt, désormais) attendu.
Juste comme ça, en passant : ça fait une éternité que les textes de ce supplément sont prêts. Philippe refuse de mettre un point final car il veut éditer le supplément parfait pour UA, rien de moins.
Je lui envoie un courriel tous les 6 mois pour le relancer pour Thaumates farcis, mais le bougre est très inventif au niveau des excuses... ;o)
Loris, n'hésite pas à faire pression sur Philippe, je ne désespère pas de le faire craquer avant 2025.
Ouais, ouais, je dois m'y remettre !... Grmmff...
RépondreSupprimer"shlack" "shlack" "shlack"
RépondreSupprimerOuaiisss, 3 charges mineures !
RépondreSupprimerPhilippe,
Epideromancien
Bonjour à vous deux.
RépondreSupprimerJe suis un grand fan d'Unknown Armies et je voudrais savoir quand le supplément Thaumates Farcies sera dispo? De même pensez vous mettre à disposition les scénars et les aides de jeu que vous avez publié chez Casus et qui sont désormais introuvables, du fait que le magazine n'est plus édité?
amicalement,
Furens
*schlack*
RépondreSupprimerOuch !
RépondreSupprimerD'accord, d'accord. Je m'y remets !
"Tu connais l’ancien boxeur qui fait d’la pub pour un grill qui met KO les graisses ? Ouais, Georges Foreman. J’ai entendu dire que si tu te sifflais un verre du jus qui sort de ce truc, tu pouvais arrêter de te nourrir pendant 15 jours. Par contre, faut surtout pas manger la viande que t’as fait cuire dessus, ça pompe ton Mojo."
RépondreSupprimer*Chlack*
Ouch !
RépondreSupprimerNe fais point de mal à l'huile ou au vin. http://nsa21.casimages.com/img/2012/03/25/120325011144902315.jpg
RépondreSupprimer*Re-Chlack*