Carbone modifié


Je suis nostalgique du cyberpunk.

La lecture de mon tout premier William Gibson avait ouvert la porte sur des univers incroyables, même si j'ai oublié toutes les nouvelles qui composent ce recueil. Et puis il y a eu l'excellent film Strange Days de Kathryn Bigelow, le nanard Johnny Mnemonic et l'incroyable Blade Runner. Je n'ai jamais été un fanatique du genre cyberpunk, mais mon adolescence a résonné de mots tels que Night City, neuromat, datajack, matrice, corpo, rockerboy, charcudoc...

J'avais un peu oublié ce plaisir. Telle une madeleine de Proust, j'ai à peine lu le 4ème de couverture de Carbone modifié que tous ces souvenirs gravés sur chrome sont remontés à la surface :
Dans un avenir pas si lointain, la mort n'est plus définitive : vous pouvez sauvegarder votre conscience et vos souvenirs et les réimplanter dans un nouveau corps. De fait, pour Takeshi Kovacs, mourir n'est plus qu'un accident de parcours : il a déjà été tué plusieurs fois. C'étaient les risques du métier dans les Corps diplomatiques, les troupes d'élite du Protectorat des Nations unies expédiées à travers la galaxie. Mais cette fois, on le ramène sur Terre pour mener l'enquête : un riche magnat veut élucider sa propre mort. La police a conclu au suicide. Or, pourquoi se suicider quand on sauvegarde son esprit tous les jours, certain de revenir parmi les vivants ?
Le livre de Richard Morgan est un polar. Cyberkeupon, mais polar avant tout. Kovacs est hanté par son passé, coincé dans un nouveau corps qui a lui aussi un lourd passif et plongé au milieu d'une intrigue complexe où il tente de survivre. La technologie permet donc de sauvegarder la personnalité de quelqu'un et de la réincarner dans un autre corps, un clone ou un construct artificiel. Le concept de meutre devient donc plus complexe que de nos jours puisqu'il est possible de réincarner une victime pour la faire témoigner si l'assassin n'a pas eu le temps ou le reflexe de détruire la sauvegarde. Et puis, il y a les Maths (Mathusalems), des gens suffisamment riches pour se payer des corps parfaits, des sauvegardes régulières et des fonctionnaires corruptibles.

J'ai retrouvé tous mes fantasmes d'adolescent : les corps câblés qui décuplent les réflexes, les pirates informatiques qui falsifient les bases de données ou les images d'une caméra de sécurité, les incontournables IA, la réalité virtuelle, les magouilles sordides des corpos sans âme et, je l'avoue, une violence latente et une sexualité très présente. Même s'il utilise des éléments cyberpunk vieux d'une vingtaine d'années, ce roman le fait avec une réelle modernité : les implications techniques et sociales de la réincarnation sont très bien traitées et viennent supporter l'intrigue policière.

Ma seule critique est une certaine longueur par moment. Le roman aurait gagné à être plus ramassé.

Pour finir de vous convaincre, j'ajoute que le roman a reçu le prix Philip K. Dick en 2003. Les droits du livre ont été achetés par Joel Silver (ok, ça, c'est pas forcément un bon argument de vente, mais l'auteur peut désormais vivre uniquement de son écriture, ce n'est pas rien) donc il est possible de voir débarquer sur nos écrans une grosse super production du type Matrix. Vous êtes prévenus.

Pour finir, il existe deux suites à ce premier roman : Anges déchus et Furies déchaînées. Dès qu'ils sont disponibles chez Milady, je fonce dessus.

Bref, Cyberpunk never dies, comme disent les chinois.

Commentaires

  1. Anonyme15/12/08

    J'avais été moi aussi très favorablement impressionné par la lecture de ce premier roman. Etant peut-être lecteur plus assidu de Cyberpunk, je n'y ai pas tant retrouvé de choses de ce style mais j'en ai vraiment apprécié le caractère novateur des enquêtes sur la vie, la mort, les identités multiples, le virtuel...

    Tout cela a d'ailleurs un incroyable potentiel ludique en terme de jeu de rôles (le joueur est l'esprit intangible, le personnage son corps interchangeable) qui me semble très peu exploité pour le moment, même dans Transhuman Space (moins avancé technologiquement que l'univers de Richard Morgan).

    Par contre, je me rends compte que j'ai négligé de lire les suites. Quelqu'un les a lu ?

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  2. Anonyme15/12/08

    L'utilisation des possibilités de la numérisation de la personnalité est stupéfiante dans ce roman. J'ai rarement lu quelque chose d'aussi créatif dans le domaine. J'ai lu les suites, moins aimé la première, plus la seconde. Enfin il y a L'homme noir, traduit récemment, qui dans un genre différent est aussi excellent même si un peu plus cyberpunk traditionnel (ça m'a fait penser à Walter Jon Williams par exemple).

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  3. OK, ben moi j'étais passé complètement à côté de cet auteur. Merci de l'avoir mis en lumière !

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  4. Gromovar, en quelques mots, quels sont les points forts/points faibles des deux suites ? L'auteur allonge la sauce ou bien développe-t-il son univers ?

    À lire le pitch de Black Man, j'ai l'impression que je vais succomber...

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  5. Anonyme17/12/08

    En quelques mots, le second tome est beaucoup plus classique que le premier et les possibilités novatrices de la numérisation imaginées par Morgan s'y retrouvent moins. Peut-être aussi que l'effet de surprise n'a plus joué. J'ai préféré le troisième car il est de nouveau novateur et les personnages, bien développés, y sont attachants. Je n'en dis pas plus pour ne pas spoiler.

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  6. Merci pour ce survol Gromovar, je vais essayer de me laisser porter par l'enthousiasme du premier pour lire le second en attendant le renouveau du troisième.

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