Shalom Auslander est dans la trentaine. Sa femme est enceinte d'un petit garçon. La question est : faut-il le circoncire ? La réponse n'est pas simple pour Shalom, car il entretient un rapport très complexe avec Dieu. Élevé dans une famille orthodoxe new-yorkaise, il haït Dieu, mais on ne passe pas outre des milliers d'années de tradition aussi facilement. Malgré son mépris pour son éducation orthodoxe, il possède dans ses valeurs un drôle d'atavisme qui le pousse à bout même quand il se croit définitivement libéré du joug religieux.
Quand Shalom Auslander raconte sa vie de gamin orthodoxe, c'est à hurler de rire. Il a non seulement un plume trempée dans l'acide mais un contexte familial et religieux en or pour faire jaillir des moments de pure cynisme. D'un côté, sa famille est très disfonctionnelle, avec un père colérique et une mère obsédée par l'avenir rabbinique de son fils. Mais il y a surtout cet héritage religieux oppressant qui l'enferme dans la folie. Un Dieu vengeur, colérique et moqueur qui exige des rites quotidiens tous plus étranges les uns que les autres. Des bénédictions à toutes les sauces, une culpabilité permanente, une volonté farouche de ne surtout pas s'intégrer au reste du monde pour ne pas perdre son identité. Il arrive à rendre tout cela comique, mais on rit jaune devant ce que l'auteur surnomme de la "maltraitance spirituelle".
Pour contrebalancer cette vie de tabous, Shalom fait tous les excès possibles et imaginables : sexe, drogue et cheeseburger. Il pousse au bout la logique du rapport de force qui l'oppose à ce Dieu sadique. Cette transgression est jubilatoire, mais on en revient toujours à Dieu, surtout quand on essaye de le défier. Shalom a beau avoir conscience d'avoir été élevé comme un veau dans une orthodoxie qui n'est qu'un "immobilisme intellectuelle", il ne peut pas pour autant se déprogrammer. D'où la question du prépuce de son fils.
Le livre est bien évidemment une charge contre l'orthodoxie juive, mais on peut aisément remplacer la Torah par la Bible, le Coran ou le Capital. Il ne suffit pas de dire "Dieu est mort" pour s'en débarrasser. Il y a un travail de deuil à faire. Et quand débarque la génération suivante, on se demande bien ce qu'on va pouvoir lui raconter pour en faire un être humain libre à un tel point qu'il aura le droit de renoncer à cette liberté pour la sacrifier sur l'autel de Jehovah, Ganesh ou Lady Gaga.
Futur parent, athée curieux, apostasié militant ou simplement en quête de rire, tout le monde trouvera quelque chose qui le touche dans cette lamentation du prépuce. Parce que c'est terriblement vrai mais en plus raconté avec une férocité rare, de l'intérieur.
À lire le samedi, en écoutant du hard rock et en mangeant des trucs pas casher. Obligé.
Je crois que je vais l'essayer. Juste une question : Comment se retrouve-t-on dans une librairie et se dit-on "Tiens je vais acheter La lamentation du prépuce" ?
RépondreSupprimerAcheté il y a une heure.
RépondreSupprimerC'est la couverture qui a d'abord attiré mon attention.
RépondreSupprimerJ'ai lu le 4e de couv' et j'ai été intéressé par le thème prépucien.
Le quatrième de couverture me donnait déjà envie. Là je suis convaincu : ajouté dans la liste des futurs achats possibles.
RépondreSupprimerAcheté hier...
RépondreSupprimerEn effet, c'est excellent.
RépondreSupprimerBonsoir, je confirme que c'est un excellent roman (l'est-il?) drôle et qui ne donne pas envie d'être Juif orthodoxe, c'est trop astraignant (voir mon billet du 15/10/09). Bonne soirée.
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