Caryl Ferey - Zulu



On vous avait déjà parlé des polars maori de Caryl Ferey, cet écrivain-voyageur à la plume acérée. Il récidive en tournant cette fois son regard vers l'Afrique du Sud, pays dont on risque d'entendre beaucoup parler ce mois-ci. Zulu se déroule à Cape Town, entre townships, plages paradisiaques, et quartiers huppés. On y suit trois policiers soudés par une indéfectible amitié, sur la piste d'un tueur d'une brutalité sauvage. L'un est d'origine zouloue, et a quitté les ghettos suite au meurtre sauvage de son père et son frère par les milices noires vendues au pouvoir de l'Apartheid; l'autre est blanc, et a renié son milieu pour rejoindre l'ANC alors qu'elle était encore clandestine; le troisième, le plus jeune, est le seul dont le passé n'est pas marqué par la lutte raciale.

A la différence des auteurs des polars ethnographiques écrits qui proviennent des quatre coins du monde, Ferey n'est pas originaire des pays sur lesquels il écrit. Cela lui donne un regard et un recul qui font sauter aux yeux les problèmes sociaux de ces pays. Car l'enquête, encore plus que dans ses précédents livres, est uniquement là pour le fil rouge : l'auteur vend de toutes façons rapidement la mèche en mettant en scène les criminels et en expliquant leur motivation. Non, l'intérêt du livre vient du portrait qu'il dresse de l'Afrique du Sud, du rappel qu'il fait de son histoire récente, et des personnages des trois flics, magnifiquement campés avec une efficacité et une économie de moyens qui rappellent les trois tomes du Quatuor de Los Angeles d'Ellroy basés sur trois personnages (le Grand nulle part, LA Confidential et White Jazz). Ferey a muri, si la violence est présente, elle n'est ni outrée ni exagérée comme on peut le reprocher à Haka : il gère ses effets, évite les clichés du roman noir, et la tension ne redescend pas une seule seconde.

Que l'on s'intéresse ou non à l'Afrique du Sud, ce roman couronné de prix vaut le détour, et j'espère que Ferey continuera à voyager et à faire découvrir les dessous des pays qu'il traverse. Je le verrais bien écrire sur les mégapoles d'Amérique du Sud, comme Rio, Bogota ou Mexico, ou sur la collusion entre politiques et criminels en Jamaïque.

Commentaires

  1. Caryl Férey a bossé pour le Guide du Routard. D'où cette attirance pour l'ailleurs.

    Je mets la main sur un best of de Johnny Clegg et j'attaque Zulu.

    RépondreSupprimer
  2. Ayé, je l'ai dévoré.
    C'est effectivement un très bon Férey. Très corsé.
    Le bouquin m'a replongé le nez dans les magouilles sans nom qui ont rythmé les journaux télévisés de quand j'étais jeune.
    Du coup, j'ai réécouté la chanson Biko de Peter Gabriel, et elle avait un drôle de goût amer.

    RépondreSupprimer
  3. Puisque tu as aimé, je te laisse l'honneur d'attirer l'attention de nos lecteurs sur l'initiative suivante de Férey, alors. C'était toi le découvreur de toutes façons.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire