John Adams


À une époque où le Tea Party clame haut et fort qu'il faut absolument en revenir aux valeurs des pères fondateurs, HBO propose justement un portrait en 7 épisodes de John Adams, le second président des États-Unis. Et quelles sont-elles, ses fameuses valeurs primordiales. Si l'on en croit le portrait dressé par la série, les bonnes valeurs d'antan sont : la partisanerie, les coups de pute diplomatiques et le salissage de réputation via des articles diffamatoires. Ah, le bel Âge d'or que voilà...

C'est donc en 1770 que John Adams, alors simple avocat à Boston, va accepter de défendre une bande de militaires anglais accusés d'avoir fait feu sur la foule un peu gratuitement. Ça brasse entre les colonies et l'Angleterre, il y a comme un vent de liberté. Et John Adams est partisan de l'indépendance. Alors il s'embarque dans cette lutte politique de longue haleine et abandonne tout derrière lui : la ferme familiale, sa femme, ses enfants. C'est un homme bavard, grandiloquent, qui s'écoute le plus souvent parler. Pas du tout un meneur d'hommes, mais un constitutionnaliste maladroit et borné. Pour se débarrasser de lui, on l'envoie bien vite en Europe pour négocier un appui financier auprès de la France. La rencontre est savoureuse entre ce bonhomme qui veut tout et tout de suite et la noblesse française qui s'amusent du spectacle de ces Américains si rustiques. John Adams n'a aucune fibre diplomatique et le peu de crédit qu'il arrive à obtenir est aussitôt sapé par Benjamin Franklin (lui aussi à Paris) qui l'assassine à coups de lettres perfides. Quand il finit par rencontrer le roi d'Angleterre, on se rend compte avec stupeur qu'Adams a finalement bien plus en commun avec cette noblesse lointaine qu'avec ses concitoyens.

Une fois l'indépendance déclarée vient la politique interne. Ah... La présidence lui échappe, on lui préfère le silencieux mais imposant Washington. À Adams la vice-présidence, le pire lot de consolation. Il s'empêtre dans les jeux de coulisses. Il est incapable de fédérer derrière lui. Quand il finit par accéder à la présidence après les deux mandats de Washington, c'est presque par dépit. Et là, son ami de 30 ans, Thomas Jefferson, le trahit comme il se doit.

La série ne glorifie personne, surtout pas Adams. C'est un père absent, un petit chef, un penseur incapable de livrer correctement ses idées. En fait, ce qui fait la grandeur d'Adams, c'est sa femme, Abigail, sa véritable colonne vertébrale. Car ses grands principes, ses idéaux absolus, ils ne tiennent jamais bien longtemps la route. Quand il décède le jour du 50e anniversaire de l'indépendance, c'est son propre fils John Quincy qui accède à la présidence. Une vraie lignée. Les décors sont très beaux pour de la télé, en particulier toute la phase de construction de la Maison-Blanche qui est à l'image de ce pays qui a les pieds dans la boue mais qui hérite des rêves de grandeur de la vieille Europe. Des acteurs aux petits oignons. Une réalisation pas toujours compréhensible (pourquoi donc mettre systématiquement la caméra de biais pour filmer des plans inclinés ? Le caméraman était-il plus court sur une patte ou bien avait-il un torticolis ?) mais des moyens de production qui permettent d'aller tourner en France (avec Jean-Hugues Anglade en caméo).

Moi, ce que je savais de la révolution américaine, c'était ce qu'on avait bien voulu m'en dire à l'école. Principalement que c'était La Fayette qui était allé les sauver avec son panache et sa grandeur d'âme. La Fayette, cette série ne le montre même pas, c'est tout juste si elle cite son nom. Mais celle qu'elle met en scène, cette série, c'est des états pas si unis, des pères fondateurs qui se mettent des bâtons dans les roues, des financiers qui commencent à spéculer, des partis politiques qui font un travail de sape... C'est bigrement actuel. Du coup, le temps béni des pères fondateurs, il en prend pour son grade. Et le romantisme démagogique du Tea Party devient pour le coup ridiculement évident.

Commentaires

  1. Je suis TRES tenté. Et comme je suis TRES honnête, faut que je commande les DVD s'il y en a.

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  2. Dans ce cas, je crois que tu aimerais beaucoup
    A Great Improvisation: Franklin, France, and the Birth of America de Stacy Schiff.

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  3. Ca a l'air excellent ! Et je vois que c'est tiré d'un bouquin. Je vais peut-être commencer par là, puisque la série n'est pas encore dispo en VOD visiblement.

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  4. Anonyme26/1/11

    Le bouquin de Stacy Schiff a été traduit par William Olivier Desmond et publié chez Grasset en 2006 sous le titre : La grande improvisation : Benjamin Franklin, la France et la naissance des Etats-Unis.

    C'est un des bouquins d'histoire les plus réjouissants qu'il m'ait été donné de lire. Pour résumer à très gros traits la thèse de Stacy Schiff, la naissance des Etats-Unis est une immense farce internationale.

    A ma droite, vous avez les insurgents américains : fauchés, puritains, étriqués, divisés, dépourvus de flotte et d'armée. A leurs côtés, leurs alliés français : fourbes, décadents, sophistiqués, désordonnés, humiliés par la puissance britannique.

    A ma gauche, vous avez l'Angleterre. Première économie du monde, première armée du monde, première flotte du monde, services secrets ultra-performants.

    Pourtant, c'est l'alliance hétéroclite franco-américaine qui finit par l'emporter. Pourquoi ? Selon Stacy Schiff, parce que les franco-américains étaient si gravement désorganisés que cela neutralisait efficacement le renseignement anglais (les franco-américains ne faisaient jamais ce qu'ils avaient décidé de faire) et perturbait complètement le splendide appareil militaire britannique. Par exemple, au cours de la campagne de Virginie, La Fayette finit par poursuivre l'armée régulière de Lord Cornwallis avec des troupes d'irréguliers deux à trois fois moins nombreuses ! La Fayette écrit à Washington que ses troupes sont au bord de la désagrégation alors que l'armée anglaise bat en retraite en bon ordre devant lui…

    Bref, la Guerre d'Indépendance est présentée comme le triomphe du brouillon sur l'ordre.

    JPJ

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  5. Merci pour ces précisions sur ce livre, ça a l'air très intéressant comme approfondissement.

    À titre personnel, ce qui m'a marqué dans la série, c'est une scène toute simple où un peintre montre à John Adams le tableau officiel qui représente la signature de l'acte d'indépendance. Adams entre alors en furie car lui sait très bien comment se sont passées les séances de négociation et qu'il a dû courir à droite à gauche pour obtenir les signatures une à une. Or le tableau est d'une sérénité incroyable, avec des hommes bons et inspirés, emportés par un même élan de camaraderie, qui signe unaniment un document qu'ils ont établi dans une concertation respectueuse. Le peinte argue d'un droit à l'utilisation d'une certaine licence, mais Adams est furieux qu'un moment aussi important de sa nation soit si ouvertement présentée sous un angle mensonger. Et c'est ce discours sur notre manie de magnifier l'Histoire qui m'a marqué. Certains tableaux incarnent véritablement certains moments clés de notre Histoire. Or ce sont des vues d'artistes qui n'ont la plupart du temps qu'un rapport lointain avec la réalité historique. Quand David peint Le serment du jeu de paume, est-ce une représentation fidèle du moment ? Et que dire des citations inventées ou attribuées aux mauvaises personnes...

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  6. Anonyme27/2/11

    Je viens de finir de lire une Histoire populaire des Etats Unis d'Howard Zinn, et cette mini me semble tout-à-fait dans le ton pour continuer sur ma lancée !

    Merci de m'avoir fait connaitre son existence :)

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