Company of liars


La peste débarque en Angleterre. Ce sont ces maudits français (qui ne se lavent pas, c'est bien connu) qui l'ont introduite en scélérat dans la verte Albion qui n'en demandait pas tant. Et dès les premiers morts, c'est la panique : il faut fuir. Le hasard et la nécessité vont forcer des inconnus à s'allier pour une course en avant tandis que la maladie les talonne avec autant de ténacité qu'un agent du fisc. Le groupe est hétéroclite : un camelot, deux musiciens vénitiens, un magicien, un peintre et sa femme enceinte jusqu'aux dents, un conteur, une jeune femme et une petite fille étrange. Tout ce beau monde va apprendre à la dure à vivre ensemble sur les routes. Il faut marcher, marcher, trouver de la bouffe, un toit, s'arrêter quelques temps dans un village pour gagner quelques piécettes, reprendre la route... Mais surtout, il faut supporter les autres. Car les caractères de certains membres du groupe sont explosifs. Il faut s'amadouer, se faire confiance, faire avec les préjugés des uns. C'est compliqué, la vie commune. Mais c'est un voyage superbe, cruel. On y croise des villages moribonds, un clergé détestable, des traditions ignobles. C'est un moyen-âge en noir et blanc, qui pue et qui pète. Les gens ont des trognes pas possibles. Les petites gens sont mis de l'avant. C'est très intéressant comme récit.

Et puis au milieu du bouquin, un meurtre se produit. Puis un autre. Puis un autre. On bascule alors dans le mystère (le mot polar serait exagéré) sans que cela pleinement assumé par l'auteur. On se doute bien que c'est un membre de la compagnie qui a fait le coup, alors on essaye de collecter des indices, comme il se doit. Mais ça ne fonctionne pas. La charme est rompu. De l'itinérance désespérée on passe à une grossière chasse au coupable qui semble bien artificielle. Surtout qu'au final, l'enquête est bouclée presque par hasard, au mépris des règles du genre. Oh, il y a des révélations qui se veulent surprenantes (après tout, le titre le dit dès le départ, c'est une compagnie de menteurs), mais elles manquent de saveur (en particulier la toute dernière, qui est particulièrement fadasse. Je n'en reviens toujours pas de l'explication finale). On a l'impression que l'auteur veut à tous prix nous en mettre plein les yeux avec une intrigue tarabiscotée alors qu'elle avait déjà entre les mains un récit super riche qui n'avait pas besoin de cette surenchère.

En résumé, une ouverture très prometteuse, qui sent bon la glèbe et la misère. Puis une seconde moitié qui se veut intelligente mais qui ne fait que diluer le propos. J'aurais adoré simplement suivre la fuite éperdue de ces gens simples qui doivent survivre au sein d'une Angleterre rongée par la peste. Je n'en demandais pas plus. Les dangers de la route, la quête d'un logis et d'un repas étaient des éléments dramatiques suffisamment forts pour que j'avale les pages l'une après l'autre. Je n'avais pas besoin d'assassin introuvable, d'indices semés avec parcimonie ou de mobiles abscons pour marcher avec eux. Dommage.

Et le pire, c'est que Gromovar m'avait prévenu.

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