Un féal ami a mis à ma disposition l'ouvrage séminal de la série des Nicolas Le Floch en me faisant assavoir "Tu verras, l'auteur s'écoute un peu écrire, mais c'est super bon". C'est sans avoir vu la récente adaptation télévisuelle que j'ai encommencé cette série par son enquête liminaire. Nicolas Le Floch, jeune pupille recueilli par des gens munificients, se retrouve catapulté depuis sa Bretagne jusqu'en la cité de Paris pour s'y voir inculqué une industrie probe. Par le truchement des recommandations et du patronage, il va diligemment faire carrière dans la police du roi (nous sommes en 1761) en entrant dans le sillage des quelques argousins royaux. Au vrai, Nicolas va s'instruire de ses bons offices lors d'une inquisition faite de casualismes et de funestes occurences qui vont n'avoir de cesse de l'emmouscailler. Sans contredit, il y aura aussi des moments d'extraversion avec des transports amoureux, des atterrements et des échafaudages conjecturaux.
Si vous aimez mon imitation de la prose de Jean-François Parot, alors vous aller apprécier cette plume qui rend parfaitement une certaine fatuité d'époque. Le roman est littéralement bourré de vieux mots et d'expressions oubliées qui sentent bon la naphtaline et la pédanterie. Hélas pour moi, je me lasse vite de ce style ampoulé où l'auteur fait péter sa science à chaque paragraphe. Le procédé est efficace pour recréer l'ambiance de l'époque, mais est indigeste à la longue. Surtout que l'auteur use et abuse des notes de bas de page en pontifiant en long, en large et en travers. Moi, ça me brûle les doigts, mais je comprends que l'on puisse apprécier ce style professoral.
Concernant l'intrigue, c'est exactement ce que l'on attend d'un polar historique. Des meurtres, des interrogatoires, une scène d'action, une visite dans un bordel... La recette est connue et bien appliquée. Nicolas Le Floch manque de saveur à mon goût. C'est un personnage sans relief, sans tripe. Roman historique oblige, on convoque le who's who de l'époque, en particulier le bourreau Sanson qui sert d'excuse pour faire du CSI : la Bastille à l'ancienne. Et oui, il y a ce qu'il faut d'anecdotes pour évoquer ce siècle. Et là où Parot est fort, c'est qu'il ajoute à son histoire un aspect lui aussi fort à la mode en ce moment : la gastronomie. Recette d'époque, description de gueuletons... Il est dans l'air du temps.
Je comprends maintenant le phénomène et ce qui fait son charme, mais je renâcle devant l'obstacle. On me dit que la série s'améliore à mesure que les titres s'enchaînent. Si l'aspect vidocquien s'accentue, pourquoi pas ? Mais si ça reste aussi académique que L'énigme des Blancs-Manteaux, ça sera sans moi. Parce que les citations de Marivaux ou Eschyle en tête de chapitre, les amours impossibles du jeune héros ("Non, nous ne pouvons point, je suis fille de marquise, vous êtes sans terre...") et la révélation de l'épilogue dans le plus pure style d'Eugène Sue et du feuilleton populaire, ça me donne la jaunisse.
Eh ben tout pareil mon brave monsieur. Je ne suis pas allé plus loin que ce premier tome. Il est même tout près de rejoindre mon carton de poches à vendre. Mais il a tout de même échappé à la dernière purge. La prochaine lui sera-t-elle fatale ?
RépondreSupprimerExcellente critique !
RépondreSupprimerCela devient vite indigeste et sent le produit "calibré"...
L'adaptation télé est de la même eau...
L'adaptation télé souffre surtout d'acteurs en grande partie incompétents.
RépondreSupprimerVoilà qui est assez clair !
RépondreSupprimerVoila qui ne fait pas envie.
RépondreSupprimerC'est clair qu'il faut être fan du XVIIIe pour apprécier. Je ne pense pas que les romans s'améliorent avec le temps, mais le perso de Nicolas Le Floch devient un peu moins fade. Il a encore un méga balais dans le cul mais on le sent vieillir un peu, c'est cool. En bon fanboy de merdre, j'ai aussi tous les films et bon c'est pas glorieux. Mais comme la seule vue de mecs en tricorne qui défouraillent me remplis d'aise, je suis pas difficile :)
RépondreSupprimerC'était Thomas B. au dessus :)
RépondreSupprimerLes perruques poudrées m'ont tout de suite fait penser à toi. Je vais en rester là, mais je comprends que la série ait ses aficionados.
RépondreSupprimerUne fois de plus (parce que c'est fréquent finalement) je comprends parfaitement tes réserves, voire, je les approuve, mais j'avoue qu'à la lecture, les défauts que tu soulignes ne m'avaient pas frappé. Disons, pas tant que ça. J'ai surtout apprécié l'immersion dans ce Paris du XVIII ème siècle. Bon, pour tout dire, j'ai dû en lire deux ou trois et ne pas éprouvé l'envie de poursuivre (pourtant j'en ai d'autres à lire). C'est sans doute un signe.
RépondreSupprimerTu as clairement pointé les défauts de ces romans et, tout « fondu » de XVIIIe siècle que je sois, je serai bien le dernier à les nier.
RépondreSupprimerJe n’enfoncerai pas beaucoup plus le clou, déjà bien enfoncé, du « produit calibré ». L’enquêteur, plutôt beau gosse, qui fricote aussi bien avec de nobles demoiselles qu’avec des filles publiques, enfant illégitime qui prend grand-soin de sa propre progéniture illégitime, homme de l’ombre qui a l’oreille du roi (XV puis XVI). Son compère policier, efficace et dévoué, porteur d’idées très républicaines avant l’heure. Le bourreau, dont on nous trace le portrait d’une sorte de médecin-légiste humaniste, en oubliant que la torture à vocation judiciaire faisait partie, de manière certes moins développée que précédemment, de son fonds de commerce. Etc.
Je confirmerai le côté lourdement appuyé de la leçon d’histoire, de politique et de vie quotidienne que peuvent constituer ces romans. C’est le fléau d’une grande majorité de romans historiques, et le fléau de la quasi-totalité des « polars historiques » : leurs auteurs ne peuvent pas s’empêcher de tout étaler au fil des pages, sous la forme de descriptions qui, parfois, tirent à la ligne, ou de dialogues totalement artificiels entre des personnages « qui savent » (ce sont les porte-parole de l’auteur) et des personnages « qui en savent pas » (ce sont les oreilles du lecteur).
En outre, comme beaucoup de « polars historiques », ces polars dix-huitièmistes sont écrits par quelqu’un qui n’est pas un vrai auteur de polar, et qui n’a donc pas le talent d’écrire une intrigue solide, qui prend aux tripes, qui rend le lecteur impatient. On est, par exemple, à des lieues du roman de David Liss Une conspiration de papier.
Pour ce qui est de la gastronomie, je reconnais sans détour qu’elle fait partie des passages que je saute, dans ces romans. Si je veux des recettes de l’époque, j’ai quelques sources spécialisées sur le sujet, je n’ai pas franchement besoin qu’on me les redonne en détails deux ou trois fois par roman. C’est le genre de pratique qui me lasse très rapidement. Qui plus est, ça n’a rien d’original : pour ne citer que lui, Manuel Vázquez Montalbán avait lancé son détective privé gastronome, Pepe Carvalho, au début des années 1970.
Alors, pourquoi est-ce que je m’accroche tout de même à cette série de romans ? Par faiblesse, certainement. Parce que, franchement, je n’ai pas trouvé que la série s’améliorait au fil des sorties. Je ne dirais pas non plus, pourtant, qu’elle a empiré. Non, plus simplement, elle est assez inégale. Jamais très bonne, jamais franchement mauvaise. Mais, j’assume mon penchant dix-huitiémiste (comme Thomas B., un peu plus haut ; salut, Thomas!) qui me fait acheter les romans de cette série au fur et à mesure qu’ils paraissent. Et le fait que je sois, au fil de ces lectures, devenu familier de l’univers peint par Parot et de sa galerie de personnages me conduit probablement à de l’indulgence.
Je me prends parfois à rêver de polars qui seraient au XVIIIe siècle ce que les polars de Lindsey Davis sont à la Rome des Flaviens : du polar hard-boiled et cynique, en tricorne.
Merci pour avoir cité Lindsey Davis, jusqu'à maintenant je lisais les romans de Steven Saylor, mais je vais pouvoir varier les plaisirs.
RépondreSupprimerPour le reste, les fanboys des perruques poudrées sont comme tous les FBDM : incorrigibles.