Effet secondaire du iPad, je lis plus de comics. L'écran a pile la bonne taille pour ça, du coup vous risquez de voir passer plus de critiques de ce genre à l'avenir.
Y: The Last Man met en scène Yorick, un jeune branleur de 22 ans qui a une particularité toute simple : il est le dernier homme vivant sur Terre. En effet, tous les mammifères mâles de la planète sont morts subitement le 17 juillet 2002. Il ne reste donc que des femelles. Accompagné d'un singe capucin lui aussi mâle et survivant, Yorick est plongé dans un étrange monde post-apo où les femmes doivent réinventer le monde. Fini le machisme. Génial. Mais pourquoi il y avait-il autant d'ingénieurs hommes dans ces centrales nucléaires ou de pilote d'avion ? Rapidement, plusieurs factions veulent mettre la main sur Yorick qui est le dernier espoir de l'humanité si on veut repeupler le monde. Il va donc vivre des aventures endiablées à mesure qu'il va traverser les USA puis le reste du monde pour aller rejoindre sa petite-amie, qui a eu la bonne idée de partir en Australie juste avant la catastrophe. Et donc, l'amour c'est beau, Yorick va vouloir la rejoindre coûte que coûte. Mais entre temps, il va en chier des ronds de chapeau car tout le monde veut mettre la main sur le dernier étalon reproducteur.
Quand je dis tout le monde, ce n'est pas exagéré : Amazones, agents secrets, nymphomanes, ninja (sic), armée israélienne, le gouvernement australien... La série entasse les menaces sans scrupules. À mesure que la série a eu du succès, il a fallu maintenir l'intérêt du lecteur. D'où une certaine escalade dans le grotesque avec des sectes débiles, des pirates, des astronautes, des nanas psychopathes et tout le tralala. D'autant que la série, qui devrait mettre de l'avant le féminisme puisque 99,999 % de ses personnages sont féminins, est écrite par un homme. Et ça se voit : toutes les nanas que croise Yorick sont mignonnes, elles ont toutes les seins refaits et la bouche pulpeuse, on se croirait dans un film porno hongrois. Oh, la série critique bien le féminisme et l'atavisme machiste, mais ça ne va jamais bien loin. D'autant qu'au début, la série est très pudibonde. Yorick est entouré de gonzesses en manque, mais non, il est fidèle. Il faut attendre un bon moment avant que le lesbianisme soit explicite, et encore, c'est juste pour faire bander le lecteur (qui est un mâle, ne l'oublions pas) car il n'y a aucune réflexion sur le changement de paradigme sexuel engendré par la disparition des hommes.
De manière générale, l'univers est vide. Il est censé rester 3 milliards de femmes sur Terre, mais on ne les voit jamais. Idem, on parle d'un post-apo, mais l'aspect survival est totalement occulté. Tantôt il est difficile d'obtenir des biens de consommation, tantôt le monde n'a pas l'air d'avoir changé d'un iota. Il n'y a aucun réel impact sur la disparition des hommes, c'est juste un fait comme un autre. De même, la disparition de mammifères mâles n'a aucun impact sur le monde, c'est risible. Le décor est très flou. Surtout que la narration est, comment dire... légère. Le hasard fait bien les choses, c'est le moins que l'on puisse dire.
Alors pourquoi se forcer à lire 60 fois 22 pages ? Ben pour avoir l'explication, pardi ! Je veux savoir ce qui a causé la mort de tous les porteurs du chromosome Y. Et bien tenez-vous bien : il n'y a aucune explication définitive. On survole deux ou trois théories (surnaturelle, religieuse et scientifique) mais au final il n'y a pas de raison plus vraie qu'une autre. C'est juste un prétexte. Ça ne m'aurait pas dérangé si la série était béton niveau contenu, mais l'éternelle fuite en avant et l'absence d'explication est réellement frustrante. Sans surprise, l'auteur de Y: The Last Man a été aussi scénariste pour la série Lost. C'est dire s'il s'y connait en rebondissement sans fin. Je ne compte pas le nombre de fois où un chapitre se termine avec un ou deux personnages qui se jettent d'une fenêtre... pour s'en sortir sans une égratignure dans le chapitre suivant. Idem avec les combats : la chirurgie fait des miracles scénaristiques.
Le dessin ? Classique. Pour vous donner une idée, à un moment un des personnages centraux explique qu'elle est sino-japonaise. Pourtant, elle est dessinée et colorée comme une WASP pendant un bon moment. Cherchez l'erreur. Ça s'améliore au milieu de la série, avec un trait et une colo plus moderne. Y'a même un hommage aux comics d'antan, c'est bien vu.
Reste un personnage central, Yorick, très sympa. Il aime l'évasion à la Houdini et a toujours à portée de langue une réplique bien cinglante faisant immanquablement référence à la pop culture du lecteur, d'où une complicité instantanée. Les relations compliquées qu'il va nouer avec les autres femmes sont bien amenées et menées. Bon, la résolution de sa quête de sa petite amie lointaine (qui, comme dans les pires jeux vidéos, change de château au dernier moment pour allonger artificiellement l'intrigue) est très très prévisible, mais ce n'est pas la plus grosse couleuvre à avaler dans la série.
De manière plus globale, cette série montre bien les limites du format : on sent que l'auteur invente à mesure, qu'il ne sait jamais quand il va pouvoir finir son histoire ou s'il doit relancer le mystère pour encore 20 issues. D'où des personnages pas vraiment morts qui débarquent, des antagonistes sans motivation et une surenchère qui mine le peu de crédit que la série arrive à obtenir avec le reste. C'est vraiment dommage car le pitch était vraiment sympa et il y avait de quoi raconter des histoires plus intéressantes que cette course hasardeuse dans un décor post-apo qui n'en est jamais réellement un. Il fallait peut-être confier l'écriture à une femme, tout connement.
Ajout de Munin
Pour vous faire votre propre idée, vous pouvez découvrir le premier n° en VO sur le site de DC Comics.
Il avait été question d'une projet de film réalisé par le tâcheron DJ Caruso, mais heureusement cela semble être mort-né.
Autres avis :
Je l'avais lue chez un copain et ça m'avait fait la même impression. Mais j'ai tenu 3 numéros seulement...
RépondreSupprimerJe vous trouve un peu dur. C'est pas exceptionnel mais le personnage de Yorrick est sympa et le road-movie distrayant.
RépondreSupprimerCédric m'a piqué ma chronique. Il a dégainé avant moi. Ceci dit, j'aurais dit à peu près pareil, avec la dent moins dure sur les motivations des personnages, que j'ai trouvés bien campés. J'ai même trouvé que la caractérisation était le vrai talent du scénariste, car ce n'est pas pour sa capacité de "world building" qu'il passera à la postérité. En fait, le seul moment où la série est vraiment bien, est quand elle se limite au genre du road-movie, qui est une sorte de huis-clos en mouvement, en définitive. Dès que le regard embrasse un peu plus que les 3 ou 4 personnages centraux et leurs poursuivants directs, ça cafouille. Mais Yorick, ni héros ni anti-héros, est très réussi.
RépondreSupprimerAh tiens, moi j'ai tenu un tome et demie... Qui dit moins ?
RépondreSupprimerUn tome en français, ça fait déjà 5 épisodes de 24 pages : tu as lu 180 pages ! Je suis sûr qu'on peut trouver des gens qui ont lu encore moins. :)
RépondreSupprimerMoins!
RépondreSupprimerJ'ai lu le premier volume en TBP anglais et je n'ai jamais acheté les autres. Pas que ce soit mauvais, hein, juste que ça ne m'a pas intéressé.
Moi je trouve ça très bien. Je suis en train de me faire toute la série à vil prix (je début le 7ème tome). Très chouette comics. Frais, enthousiasmant, amusant, excellemment dialogué (Brian K. Vaughan c'est surtout l'auteur d'Ex-Machina, The Runaways, plus qu'un même qui a pondu une paire des meilleures épisodes de Lost) et ultra-rythmé. De l'aventure, des aventures, pas mal de persos hauts en couleurs et s'il y a des baisses de régime, ça reste parfaitement exécuté et profilé pour ce que c'est, du divertissement pur et dur.
RépondreSupprimerEDIT : Encore une fois, je pense que c'est typiquement une "oeuvre" qui n'est pas pour toi. Attention, je ne dis pas ça façon méprisante (oui en le disant, je le dis, le serpent se mord la queue). Mais pour moi c'est typiquement un comics qui s'adresse au même lectorat que disons les amateurs de Scott Pilgrim, Buffy, Alias, Ultimate Spider-man. Très teenage, avant-tout porté sur le soap et ses ressorts (bon la plupart des comics mainstream ont une composante soap) mais qui s'adresse à un certain type de lectorat... C'est un peu comme si on me demandait de faire la critique de la filmographie de Meg Ryan, faut pas s'étonner de ne pas aimer.
Hey, mais j'ai rien demandé, moi.
RépondreSupprimerCe n'est pas ma guerre.