L'École des films



Non, ce n'est pas un livre du David Gilmour de Pink Floyd. C'est un livre de littérature canadienne, un genre qui provoque souvent la controverse sur ce blog (non ?). Ce n'est pas un roman, ce sont des mémoires. Ce David Gilmour est un ancien critique de cinéma et un animateur culturel à la télé anglophone canadienne. Il est dans la cinquantaine, et sa carrière a connu des heures plus glorieuses. La télé le boude, il ne pige dans plus aucun journal et peine à faire jouer son réseau pour se dégotter un travail dans sa branche. Et son fils Jesse, qui a 16 ans, a de gros problèmes à l'école. Il s'enfonce lentement mais sûrement dans l'échec scolaire. Témoin de cette catastrophe annoncée, son père lui propose un marché étonnant : Jesse peut arrêter d'aller à l'école, mais en échange, il doit accepter chaque semaine de regarder 3 films choisis par son père. Un drôle de gambit éducationnel.

Et donc le père choisit des films qu'il pense emblématiques pour éveiller l'intérêt de son fiston. Des vieux classiques en noir et blanc (mais pas que). Et cette pédagogie est ardue. Jesse n'est pas un cinéphile, de prime abord. Mais comme en échange de ses visionnages, il est nourri, logé et blanchi, il se force. Son père ne l'abreuve pas de considérations esthétiques ni de mises en contexte longues comme le bras : il lui dit sur quelle scène il faut se concentrer ou lui raconte des anecdotes de tournage. Car David Gilmour a rencontré bon nombre de réalisateurs et acteurs dans sa carrière. Il sait de quoi il parle. Et il essaye de faire parler Jesse puis de trouver des films qui collent aux sentiments de l'adolescent. Car sans école, le fiston file un coton pas très blanc. Il s'acoquine avec des rappeurs blancs, se saoule, tombe amoureux de pétasses, fait des petits boulots merdiques. À plusieurs moments, son père se sent très coupable de l'avoir précipité dans cette dynamique négative. Mais les films trouvent toujours un écho dans les galères de Jesse. Et petit à petit, il subit moins les films et commence à développer des goûts personnels.

Histoire vraie ne veut pas dire solution miracle. Ce parcours de vie n'est pas transférable sur n'importe quel adolescent. Il se dégage toutefois de cette relation père-fils un parfum de réelle authenticité. David Gilmour n'est pas tendre dans le portrait qu'il fait de son fils, mais il est tout aussi rude avec lui-même. C'est évidemment un défi que de recadrer son fils sans le braquer. Gilmour sème ses graines dans un terreau pas toujours très fertile. On regarde Jesse vivoter sa vie de glandouille, ne pas comprendre l'intelligence d'Hitchcock ou même ne pas savoir où se trouve la Floride. Ça finit par porter ses fruits, mais ce sont trois années compliquées où il fait son apprentissage de l'amour, du travail et du cinéma.

Il y a un petit côté La Dernière séance avec Eddy Mitchell quand le père introduit un film ou raconte son entrevue avec tel acteur. Gilmour n'est pas un critique pédant : en même temps qu'il fait l'apologie de Casablanca (vous saviez que le réalisateur avait tourné une fin alternative joyeuse au cas où ça coince au niveau du studio ?), il sait s'enthousiasmer pour un Tarantino (il aime aussi le Nikita de Besson, c'est dire). Le fait que Jess soit finalement capable de citer le nom de 3 réalisateurs de la Nouvelle vague ne le transforme pas soudainement en parfait petit élève. Mais il a ouvert un œil. Il a compris que des films sont capables d'entrer en résonnance avec ses questions existentielles. Et c'est déjà pas si mal. 

Commentaires

  1. Tu m'as perdu à la première phrase. ;)

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  2. J'avoue : c'est en cherchant des informations sur l'écrivain que je me suis rendu compte qu'il y avait un musicien du même nom qui avait eu son petit succès dans le temps.

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