Les Visages


Ethan Muller est propriétaire d'une galerie d'art à New York. Il correspond trait pour trait à l'image que l'on se fait de la profession : riche, égocentrique, branché, bien introduit, élitiste... Sa copine est à l'identique, et ils sont dans une relation non-exclusive. Et un jour, un ami de sa richissime famille lui parle avec insistance d'une grosse série de dessins naïfs laissés dans un appartement. Ethan y va et tombe sous le charme de cette collection iconoclaste qui représente la carte mentale d'un artiste aussi inconnu que dingue. En bon galeriste, il flaire un bon coup et se lance dans la mise en marché de cet art nouveau. Sauf que parmi les multiples éléments qui composent cette oeuvre, un flic retraité remarque les visages de plusieurs crimes sexuels vieux de 30 ans et jamais élucidés. L'artiste est-il le meurtrier ?

Et je dois avouer qu'au départ, l'idée d'un narrateur qui ne soit pas un flic alcoolique de plus m'a intéressé. Sauf qu'Ethan se prend pour le nombril du monde. Sa petite vie mondaine, son appartement parfait, sa désinvolture face à la gestion de sa galerie, son rapport obsessionnel au pognon... tout était fait pour m'empêcher de m'intéresser à lui. Pas même la vision faussement critique du milieu de l'art qui ne dépeint que des connards d'acheteurs sans goût ou des pétasses d'artistes complètement cintrées. Car pour Jesse Kellerman, les riches sont intrinsèquement mauvais ou cons (quand ce n'est pas les deux). Et comme un spécialiste en art moderne ne peut pas mener une enquête, il lui adjoint une amourette en la personne de la fille du flic retraité, procureur dans le Queens. Y'a même des scènes à la CSI avec collecte d'ADN. Ah oui, le fiancé pompier de la fille est mort dans les tours jumelles et le flic retraité a dans son salon une copie de l'avis de recherche de Ben Laden. Trop bien.

À cette enquête tirée par les cheveux viennent se mêler des chapitres historiques où l'on suit la famille Muller depuis la venue en Amérique de cette famille allemande. Du caniveau à Picsou en quelques générations. Avec de lourds secrets familiaux qui finissent évidemment par rejoindre l'enquête contemporaine pour donner au final une explication bâtarde à un mystère qui ne prend jamais son envol. Et les effets de manche de l'auteur, qui fait plusieurs fois briser le quatrième mur à son héros en interpellant directement le lecteur pour lui dire "Hé, ho, t'as vu, c'est pas un polar" tout en abusant des ficelles du genre, n'aident pas le livre.

Le lecteur n'apprend finalement rien sur le monde de l'art, si ce n'est qu'il est peuplé d'imbéciles friqués. Ce n'est pas tant un polar qu'une saga familiale avec une histoire de génie socialement inadapté très caricaturale. Les Visages, prix des lectrices du magazine Elle et d'autres prix du NY Times, est à l'image du monde qu'il décrit : fat.

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