Dans un monde qui a connu les joies du champignon nucléaire, les mutants pullulent et menacent les gènes de quelques survivants qui se nomment eux-mêmes purhommes. Feric Jaggar est la quintessence de cette pureté raciale : il mettra toute sa hargne génétiquement parfaite pour prendre le pouvoir sur son coin de pays grâce à son armée des fils du Svastika afin d'éliminer les Dominateurs, qui contrôlent insidieusement le monde, et la racaille universalistes, qui mélange ses gènes sans vergogne. Il y a aura du sang. Il y aura de la cervelle qui gicle. Ad nauseum.
L'idée maîtresse de Norman Spinrad, c'est que Hitler aurait migré aux États-Unis et serait devenu un auteur de SF/Fantasy comme les autres. Et au lieu de plonger l'Europe dans l'horreur, il aurait mis tous ces idées malsaines dans un livre à succès mettant en scène une version exaltée d'Adolph repoussant la vermine. L'ascension de Feric Jaggar suit donc les grandes étapes de la vie du vrai Hitler : création des SS, marche musclée pour prendre le pouvoir, Anschluss puis guerre totale contre tout ce qui le répugne (la liste est longue). D'où des pages entières dédiés aux massacres de mutants et de fier lutte contre l'infâme diktat des Dominateurs. Le tout avec tout l'étendu du champ lexical aryen et la joyeuse imagerie nazie.
Sorti en 1972, je comprends vaguement l'idée de Spinrad. Montrer que toute cette merde idéologique aurait pu sortir autrement si Hitler avait choisi une autre carrière que dictateur. Appuyer là où ça fait mal en insistant sur les poncifs fascistes de nombreuses oeuvres de Fantasy (insérer ici une attaque contre le racisme supposé de Tolkien). Je ne crois pas une seconde que Spinrad fasse l'apologie du nazisme dans son roman. Mais est-ce que ça en fait un bon bouquin pour autant ? Pas à mes yeux. Au début, on s'amuse à chercher les correspondances fantasy des vrais évènements ou personnages du IIIe Reich, mais très vite la lassitude gagne tant ce massacre systématique est nauséeux. La surenchère permanente rend très bien l'horreur du nazisme, si bien que le livre n'est pas plaisant à lire.
L'idée d'un Hitler qui devient un Tolkien lovecraftien n'est pas mauvaise en soi, mais il aurait alors été intéressant d'écrire sa biographie, de lui inventer une correspondance avec d'autres auteurs, et non d'écrire son chef d'oeuvre. Parce que là, c'est juste pas intéressant.
J'ai plutôt l'impression que ça marche dans l'autre sens : montrer que pas mal d'histoires de SF et de fantasy de l'âge d'or sentaient un peu trop le surhomme triomphant et l'épuration ethnique.
RépondreSupprimerCe n'est pas le livre principal, qui est important. D'autant plus que Spinrad l'a _volontairement_ très mal écrit. Ce qui est important dans ce livre, c'est la postface. Il faut ABSOLUMENT la lire. Spinrad y défonce avec plaisir son propre bouquin et c'est assez génial.
RépondreSupprimer(pub si on veut) http://lectureslibres.blogspot.com/2009/10/fantasmes-dacier.html
J'ajouterais qu'en fait, ton écœurement à la lecture est prévu et planifié, puisque les critiques que tu émets sont celles émises par Spinrad lui-même dans l'excellente (je me répète) postface. ;)
RépondreSupprimerJe pensais en avoir déjà lu, mais en me jetant sur wikipédia, en fait non. Par contre j'ai lu quelque résumé, et le côté sanglant à l'air assez récurrent chez cet auteur.
RépondreSupprimerJ'avais trouvé la postface très très intéressante et réjouissante. Mais là où Borges aurait fait de ce sujet une nouvelle (contenant seulement des références au roman), Spinrad a écrit 300 pages de gloubiboulga dégueu. Bon.
RépondreSupprimerAh, je suis - partiellement - d'accord.
RépondreSupprimerL'idée est que, soit on fait le roman, auquel cas on le fait jusqu'au bout, soit on fait juste la postface, étendue en exégèse (avec extraits, résumé, etc.) en vrai travail académique, soit on ne fait _rien_.
Dans un tout autre genre mais avec un oeuvre fictive dont il est fait l'étude académique détaillée (avec force références, extraits et citations), il y a le génial mais complètement barré House Of Leaves, de Mark Z. Danielewski (laissez tomber pour ce qui est de le trouver en VF).
En relisant le billet, je m'aperçois que Cédric est passé à coté de plus que la postface...
RépondreSupprimerRêve de fer a été écrit pour critiquer la SF galactique de l'époque. Fondation, Dune, etc. Tous ces romans avec des empires galactiques dictatoriaux, des notions de sang, de race, d'atavismes, de civilisations supérieures, de pogroms, etc. Pour aussi bien que ces grands et célèbres cycles fussent, ils étaient basés sur des notions morales douteuses. Et c'est bien CA que Spinrad critique et très violemment.
Lire Rêve de Fer au premier degré et n'y voir que l'uchronie en parlant de la naissance d'un Tolkitler, c'est n'avoir compris que la surface du bouquin...
Certes, je suis passé à côté.
RépondreSupprimerMais ce qu'on me donne à lire de prime abord, c'est 300 pages de merde (assumée, mais de merde quand même) pour finalement faire une analyse plus intéressante.
La postface aurait dû être le coeur du livre, je me serai très bien contenté d'extraits de l'oeuvre centrale.
Ce qui est saisissant, c'est que son roman est finalement pas si éloigné de ceux de Warhammer 40,000. Qui passe pourtant comme une lettre à la Poste chez les plus anti-nazis primaires.
Je suis d'accord, mais comme dit plus haut. Soit tu écris vraiment les 300 pages, soit tu ne fais pas ce roman.
SupprimerEt WH40k fais partie des cibles (involontaires) de tous ces cycles critiqués.
Mais non, Wh 40k est bien plus subtil que ce Rêve de Fer ! Je te le jure sur la tête de l'Empereur de Terra.
Supprimer"La postface aurait dû être le coeur du livre, je me serai très bien contenté d'extraits de l'oeuvre centrale."
SupprimerEt passé à côté d'un des aspects majeurs du livre. Lire ce bouquin, se laisser aller au côté entrainant (même s'il est vrai que toute une littérature "post-moderne" parue depuis nous fait mieux repérer les "ficelles" et amoindrit l'effet par rapport aux années 70) et ENSUITE lire la postface et réaliser ce qu'on a lu, c'est ce qui avait fait son effet à l'époque (même si personnellement je ne l'ai lu que vers 77-78). Et çet effet était impossible sans écrire tout le roman.
Tu sais que je n'ai pas le dégout facile. Je n'ai donc pas été dégouté, mais je me suis ennuyé comme rarement. J'ai eu du mal à le terminer tellement je m'ennuyais.
RépondreSupprimerJe pense que j'ai lu en diagonale, voire en quantique (je la lis - ou pas), les cent dernières pages.
RépondreSupprimerCe livre a surtout mal vieilli; nous avons fait le tour du nazisme du IIIème Reich, là où Spinrad jouait avec une sorte de "tabou" de l'époque. A mon humble avis. Mais rien que pour la fusée phallique ensemençant les étoiles de purs aryens blondinets, ça vaut le coup de ricaner en lisant ce bon mauvais livre ^_^
RépondreSupprimer