Attention : ce billet n’est pas un billet sur la série
télévisée Leverage. Merci.
Et donc après Smallville et
Marvel, poursuivons fort logiquement l’exploration de la galaxie Cortex+. Leverage est à la base une série
télévisée mettant en scène une bande de voleurs qui travaille pour des gentils
afin de faire tomber des méchants. C’est un peu la rencontre entre l’Agence tout risque et Ocean’s Eleven. Je n’ai vu que le
pilote de la série, mais on connait tous le procédé : il y a une
injustice, l’équipe débarque, monte un plan pour corriger la situation, le plan
A foire, on passe au plan B en y allant à l’esbroufe et tout finit bien dans le
meilleur des mondes.
La différence entre Leverage et
l’Agence tout risque, c’est que le premier use et abuse des flashbacks. Les
héros sont coincés ? On balance une séquence en noir et blanc qui montre qu’ils
avaient prévu le coup. Le méchant a gagné ? Et re-belotte, en fait c’était fait
exprès, il a cru qu’il gagnait mais il s’est condamné lui-même en criant
victoire trop tôt. C’est une écriture scénaristique efficace, mais c’est bien
évidemment tellement téléphoné que ça perd assez vite de sa fraîcheur quand
c’est systématique.
Et donc, sans surprise, le
système de jeu permet de reproduire cette ambiance à la Mission Impossible. Il y a
cinq rôles majeurs (le cerveau, l’arnaqueur, le cogneur, le voleur et le pirate
informatique), mais chaque personnage choisit un rôle dominant et un rôle plus
ascendant, ce qui fait qu’on obtient des PJ moins stéréotypés. Un mélange
cerveau/cogneur donne un stratège militaire. Le mariage arnaqueur/pirate fait
penser à ce Nigérien qui vous envoie régulièrement des courriels. Évidemment,
il y a tout un ensemble de petits pouvoirs pour simuler les prouesses de votre
personnage. Car à Leverage, on ne joue pas un petit merdeux du fric-frac :
on incarne un pro, une épée, un cador. L’équipe gagne forcément à la fin, c’est
un fait. L’intérêt est dans la question : comment vont-ils réussir ?
Si les règles sont sympas et
assez légères (il n’y a pas de points de vie. Non, je le jure, y’en a pas),
l’accent est surtout mis sur la mise en scène. Ça tombe bien, les histoires comme
Micmacs
à tire-larigot fonctionnent avant tout grâce à une mise en
place efficace. Et donc, il y a toute une mécanique narrative au service des
joueurs pour mettre en scène les fameux flashbacks qui permettent d’expliquer a
posteriori qu’on avait anticipé les complications potentielles. Quand le
méchant fait feu sur le notre cogneur sans défense, le récit s’arrête et l’on
raconte comment l’arnaqueur avec subtilisé l’arme dans une scène précédente
pour y glisser des balles à blanc. Forcément.
Côté MJ,
le livre propose une analyse très bien foutue de la structure narrative de ce
genre d’histoire. Il divise le scénario en cinq étapes-clés, liste les arnaques
les plus courantes, établie les motivations possibles pour le client ou la
cible, propose des retournements pour surprendre tout le monde… Si bien qu’il
est possible de s’asseoir à une table et de choisir plus ou moins aléatoirement
différents éléments pour monter la trame du casse du siècle. Le reste n’est que
brodage autour des éléments incontournables du genre. En plus, il y a un résumé
épisode par épisode des deux premières saisons de la série si vraiment vous ne
voulez pas vous fouler un neurone.
On
comprend assez vite que le principe de Leverage est déclinable selon plusieurs
ambiances. Si on a été élevé avec Nightprowler et qu’on a lu Locke Lamora, on peut facilement mettre en jeu une guilde de voleurs et des
cambriolages de haut vol (il faut juste remplacer le pirate informatique par un
alchimiste). Mais on peut aussi aisément faire dans le futuriste ou imaginer
des plans alambiqués dans Venise en s’inspirant d’Assassin’s Creed (même
si Leverage part du principe que les PJ ne tuent pas).
Je doute
d’arriver à maintenir l’intérêt en campagne, mais il y a dans ce livre de quoi
improviser une belle série de scénarios où les joueurs vont se faire plaisir en
y allant à l’épate. Le travail du MJ et des joueurs est de faire en sorte que
tout le monde soit à son avantage. Et des fois, ça fait du bien à l’ego
rôlistique.
Mes
seules critiques seraient envers le système de jeu. Il y a de bonnes idées
mais :
- je
n’arrive pas à bien cerner comment le MJ détermine la difficulté d’une action
(il doit jeter des dés, mais c’est assez flou). Je préfère la gestion du
Trouble Pool de Smallville et Marvel.
- les personnages sont définis
via des caractéristiques, et c’est très redondant avec leur rôle. Je zapperais
bien volontiers ces caractéristiques pour les remplacer par le trio
Solo/Complice/Équipe inspiré de Marvel afin de mettre l’accent sur la
difficulté qu'ont ces gens-là à bosser en équipe quand ils ont toujours
travaillé seul ou avec juste un complice pendant des années. Ça permettrait de
jouer un pirate informatique qui fait le kakou en solo mais qui est une buse
quand il faut jouer collectif ou un cerveau brillant pour monter des plans avec
un complice, mais qui galère quand il est seul. Les PJ montraient donc leur
plan en se disant "Hum, pour telle partie, je vais avoir besoin d'un
complice, car je suis mal à l'aise en solo." Et le MJ pourrait compliquer
l’histoire en séparant un duo ou en isolant un membre de l'équipe. À voir.
Je ne connaissais pas mais grâce à toi j'ai commencé à regarder la série. Le pilote m'a vraiment fait penser à un scénario shadowrun / cyberpunk: l'ex-corpo en quête de rédemption, le solo scrupuleux, le hacker geek-cool, l'arnaqueuse qui ferait un bon média et une monte en l'air psycho. Avec, cerise sur le gâteau, le Johnson qui se retourne contre les héros. Puis effectivement le coté "année 80 / buddy movie" est assez frais.
RépondreSupprimerJ'ai pour ma part regardé toute la saison 1 dans les dernières semaines. C'est... léger. J'aime bien les personnages, mais en rafale, les épisodes semblent s'auto-parodier. Je me suis forcé pour finir cette première saison, je n'ose imaginer ce que fait quand tu te cognes toutes les saisons.
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