Hypérion et La Chute d'Hypérion de Dan Simmons




J'ai lu Hypérion et La Chute d'Hypérion de Dan Simmons pour la première fois lorsque j'avais 17 ans. J'en gardais un souvenir mitigé, avec des images très vivaces du premier tome et le sentiment d'une fin brouillonne et bâclée à la fin du second. Ça faisait un moment que l'envie de relire ces deux bouquins me trottait dans la tête, et j'ai profité de la pause estivale pour le faire.

Dès les premières pages, j'ai été happé par Hypérion. Il y a peu de bouquins qui soient capables de vous bouffer tout entier au point que leur lecture en devient obsessive. A toute heure du jour, vous ne pensez qu'à une chose c'est de reprendre votre lecture. Il faut dire que Simmons sait y faire, sur le fond comme sur la forme. L'écriture est précise, le texte fréquemment descriptif, mais rien n'est gratuit. La scène d'ouverture par exemple, dans le salon du Consul, son piano, les paysages sauvages de quelque planète inhospitalière par la verrière... On en apprend plus long sur le Consul à travers ces quelques paragraphes que pendant les trois quart du bouquin qui suivent.

Les descriptions ont aussi un rôle plus impressionniste: Simmons ne nous expose jamais l'univers futuriste de son roman, il le peint par petites touches, si bien que le vocabulaire obscur, les concepts étranges, tout cela se découvre en immersion à travers le contexte des scènes. Du coup, on l'assimile et on y croit. Très efficace.

Evidemment, quelle meilleure manière de nous amener dans son monde qu'à travers les histoires racontées par les sept personnages centraux qui voguent vers leur mort probable sur Hypérion. Pour passer le temps, pour tenter de comprendre ce qui leur arrive, tous sept décident de se raconter leurs vies respectives, ou en tous cas les parties de celles-ci qui les ont menés où ils sont.

Leur voyage a une portée plus grande: Hypérion est menacée par une invasion des Extros, les "barbares" de la civilisation humaine, une diaspora concurrente qui a refusé l'hybernation au moment de fuir l'Ancienne Terre, ne béneficie pas des technologies de pointe développées depuis et constitue en fait une inconnue pour les gouvernants "civilisés". L'objectif des Extros en attaquant Hypérion est de prendre le contrôle des Tombeaux du Temps, artéfacts étranges et incompréhensibles dont l'existence même menace les modèles prédictifs des intelligences artificielles qui, si elles sont depuis longtemps émancipées de la tutelle de leurs créateurs humains n'en restent pas moins bienveillantes à l'égard de l'humanité.

Bref, à travers ces histoires courtes, sortes de nouvelles dans le roman Hypérion, on découvre petit à petit non seulement l'univers tel qu'il est devenu mais aussi les fils de la trame qui se dénoue dans La Chute d'Hypérion. Outre le procédé littéraire inhabituel (au moins pour de la SF), ces petites histoires sont d'une grande profondeur et, pour certaines, puissamment émouvantes. Chacune fait preuve d'une inventivité rare et campe non seulement leurs protagonistes mais l'histoire plus large. J'avais lu ou entendu dire que certaines de ces histoires étaient en fait des nouvelles écrites par Simmons de manière décousue et réutilisées pour Hypérion. Si c'est le cas, le travail de rapiécage est d'une qualité exceptionnelle: la manière dont, petit à petit, les fils des différentes histoires se recoupent est tout simplement époustouflante.

Au moment d'attaquer La Chute d'Hypérion, j'appréhendais un peu. D'abord parce que Hypérion s'était montré aussi bon, pour ne pas dire meilleur que dans mon souvenir. Ensuite parce que la tâche de réunir en une fin satisfaisante tout l'écheveau dessiné me semblait impossible à tenir. Et pourtant, la (re)lecture de la Chute d'Hypérion s'est montrée aussi addictive que celle du premier roman. Certains aspects narratifs dont j'avais un mauvais souvenir (et en particulier un début très haché entre ce qu'il se passe sur Hypérion et ce qu'il se passe au sein du gouvernement qui gère la crise politique et militaire) m'ont finalement parus sensés et efficaces. De plus, mon a priori quant au dénouement s'est avéré infondé: il est tout à fait satisfaisant. Bien sûr, de nombreux aspects de l'histoire restent inexpliqués, ou en tous cas à interpréter, mais autant à 17 ans je voulais tout voir disséqué, autant à 40 j'apprécie le mystère de ne pas tout savoir. Je pense aussi que j'étais trop jeune et trop pressé pour bien saisir les subtilités d'une intrigue plutôt complexe, mais que je juge aujourd'hui très solide.

Bref, tout ça pour dire que d'un souvenir mitigé il y a plus de 20 ans à ma première lecture, je ressors de la seconde avec un grand plaisir et la conviction qu'Hypérion et La Chute d'Hypérion constituent une oeuvre de SF de tout premier plan. Je ne peux que recommander (aux trois péquins qui ne l'auraient pas encore lus) ce livre foisonnant, complexe et ambitieux mais finalement éminemment satisfaisant.

(Nota 1: Pour les rôlistes amateurs ou intéressés par Fading Suns, il est étonnant de voir combien d'éléments, importants ou anecdotiques ont été inspirés d'Hypérion et de la Chute d'Hypérion dans l'univers de Fading Suns...)

(Nota 2: Comme me l'avais fait remarqué Cédric, les couvertures des bouquins en VO sont d'une laideur rarement atteinte. Plus généralement, j'en viens à me demander s'il y a un meme secret avec les couvertures de bouquin SF et Heroic Fantasy, un accord tacite pour les rendre moches à souhait...)

Commentaires

  1. Rah, tu me donnes envie de relire ces bouquins, tiens.

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  2. Faudrait que je les lise tout court, moi.

    Mais pas maintenant, parce qu'à cause d'un satané corbeau que je ne citerai d'autant moins qu'il a posté juste au-dessus, je me retrouve à lire de la fantasy.

    Et le pire, c'est que j'aime ça...

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  3. il faut lire Flashback...son dernier boukin, ça va vous dégoûter de l'auteur....

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    1. c'est un manifeste républicain de dingue....

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  4. Atreyou, entre Scott Card et lui, il faut de toute façon faire abstraction de la politique des gars... tant que ça ne figure pas dans les romans...

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  5. S'il ne fallait lire que des auteurs de gauche, ça serait d'un chiant.

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  6. Si j'ai bien tout suivi, bienvenue au nouveau chroniqueur ;-)

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  7. Guillaume44, merci, ça fait un petit moment quand même, mais c'est ma première chronique de la rentrée!

    Sinon, pour Cédric, ça me dérange pas qu'il soit auteur de droite (ou de gauche, ou de zanzibar) mais s'il écrit un bouquin dont la morale est de me démontrer que les démocrates nous mènent à l'apocalypse, j'ai les prestations radiophoniques de Rush Limbaugh qui font ça très bien ;-)

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    1. Et en quoi un bouquin de SF ne pourrait pas partir du principe que les Démocrates nous mènent au bord du gouffre ? Simmons ne se présente pas au Congrès, il écrit des histoires. C'est pour moi une prémisse aussi intéressante si ça raconte une histoire forte et bien menée.
      C'est bien qu'il écrive de la SF politiquement incorrect, y'a de pire qu'une SF à pensée unique.

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    2. Question de goût sans doute. Personnellement, je n'aime pas les pamphlets qui se font passer pour des romans. Mais avec tout ça, je vais peut-être me forcer à lire Flashback. Ou pas.

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    3. J'avais raté ton arrivée sur ce blog alors. Cela rattrapera mon étourderie, même si c'est tardif ;)

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  8. Je suis un des trois péquins... Mais je le lirai un jour ! :D

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  9. Hypérion est un très grand livre. Pas de doute là-dessus.

    Et Flashback est un bon bouquin, quels que soient les désaccords qu'on puisse avoir (ou pas) avec ses prémisses.

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  10. Rah c'est malin j'ai envie de les relire maintenant (surtout Hypérion que j'ai adoré, la Chute d'Hypérion laissé un souvenir assez confus en fait). J'ai bien Endymion qui m'attend mais Flashback m'a un peu refroidi dans mon exploration de l'oeuvre de l'auteur xD

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  11. Le premier tome est vraiment excellent, au dessus des autres, qui sont néanmoins très bons.

    Un grand souvenir de lecture !

    Après, les opinions politiques de Dan Simmons ... bwaaa

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  12. faut que lise la chute ...

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  13. Anonyme4/9/12

    J ai un souvenir tres precis d Hyperion.
    C est d etre reste scotche au livre des jours durant, completement captive par l intrigue, car c etait une grosse surprise pour moi, je l avaisi achete quelques jours apres sa sortie en grand format,et je ne vivais que pour le lire....
    Puis arrive la page finale et la... je comprends qu il faut attendre la suite....
    Mais de suite me sont venues des questions existentielles.
    Et si le bouquin ne se vend pas, est ce que je connaitrai un jour la suite..... c etait vers le debut des annees 90, sans internet et sans aucune info sur les sorties a venir.
    L attente allait durer un an. quelle misere d attendre tout ce temps dans l espoir de voir la suite etre publiee.
    --Mister joe13--

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  14. Endimion et sa suite ne sont pas mal non plus (surtout la suite!). Par un (mal)heureux hasard j'ai d'abord lu "the rise of Endimion", la suite sans savoir qu'Endimion existait. Evidement il me manquait quelques informations mais, au total, je trouve qu'il se suffit à lui même et qu'en fait, Endimion n'est pas nécessaire. Par contre "the rise of Endimion" est excellent !

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