Tout commence quand un mafieux propose un drôle de marché au commissaire
Montabalno : ce truand à la terrible réputation souhaite se rendre, mais
il veut que la police y mette les formes. Pour pas qu’on dise qu’il s’est
rendu en lâche. Et en même temps, il y a un vol étrange dans un supermarché de
Vigata. Et une histoire de grotte… Tout ça finira par raconter une histoire
très ancienne qui permettra à Andrea Camilleri d’évoquer la Sicile de la
seconde guerre mondiale.
Cette seconde enquête est aussi passionnante que la première, La forme de l'eau.
Montabalno s’incarne plus, on commence à voir que sa dépendance à la bouffe est
une part importante de sa personnalité. Il ne veut surtout pas monter en grade,
il a pour ami d’enfance le tenancier d’un bordel à ciel ouvert, son amante qui
vient du nord a bien du mal à le cerner. Cette série est un délice. Elle parle
de mafia sans cliché à la con, elle met en scène une Sicile honnête avec
elle-même. Une salope vertueuse, une vraie.
Et il est impossible de parler des bouquins de Camilleri sans évoquer le
cas de son traducteur : Serge Quadruppani. Car Camilleri utilise
grosso-modo trois niveaux de langue : l’italien, le sicilien et l’italo-sicilien.
Si les deux premiers se traduisent assez classiquement, c’est le troisième qui
demande une belle gymnastique à Quadruppani. Il doit arriver à transmettre au
lecteur français l’inconfort de proximité que le lecteur italien a en lisant
les enquêtes de Montabalno. Et il réussit cet exploit en incorporant un soupçon
d’argot méridional (mais pas trop, car comme il le dit lui-même, il ne veut pas
faire du Pagnol), en conservant les inversions grammaticales originales (le
héros ne dit pas « Je suis Montabalno » mais « Montabalno, je
suis »), en usant d’une conjugaison parfois hasardeuse (mais pourtant
totalement justifiée) et en dénaturant les mots comme le font les adjoints
parfois très imbéciles du commissaire (qui disent « pirsonne » au
lieu de « personne »). J’adore aussi la manière de parler des témoins qui disent « Mon
fils, il fait le médecin à la capitale ». Le tout donne un enfer pour prof de français.
On a parfois l'impression d’avoir entre les mains un exemplaire non relu. Certains
dialogues osent un savoureux sabir italo-marseillo-pas-de-chez-nous qui sonne
juste à mes oreilles qui n’y connaissent rien à la Sicile. C’est du travail d’orfèvre.
Chapeau bas, monsieur Quadruppani.
"bouquins d Camilleri"
RépondreSupprimer"comme le fond" ?
"On a parfois le moment d’avoir entre les mains un exemplaire non relu"
je confirme que c'est le cas avec ce billet :-)
cela dit, ça donne tout de même envie de le lire !