The Arabian Nights: A Companion de Robert Irwin



Depuis mon plus jeune âge j'ai toujours aimé les Contes et Légendes. Que ce soit la collection Gründ (que j'ai recommencé à amasser à l'âge adulte) ou les livres blanc et or de Flammarion, je les lisais et les relisais avec délectation. Il n 'est pas surprenant du coup que j'ai dès le départ apprécié les Mille et Une Nuits ou en tous cas l'imaginaire des Mille et Une Nuits tel qu'il transparaissait dans les quelques extraits que j'en avais lu (Aladin, Ali Baba et quelques autres).

J'ai acheté ma première édition des Mille et Une Nuits (j'en possède trois... pour l'instant) il y a 20 ans lorsque je vivais en Angleterre, celle de Burton en 6 volumes. J'y ai picoré pendant quelques temps mais je n'étais pas parvenu à la lire en entier, ni même en grande partie. Répétition, lassitude, difficulté de la langue aussi (la traduction de Burton rend le mot truculent parfaitement inadéquat...)

Il y a quelques années, j'ai acheté la première traduction Européenne, celle de Galland. Puis la version en collection Bouquins, à savoir la traduction de Mardrus (il y en a deux autres en Français que je ne possède pas, celle de Khawam et celle de Bencheikh.) Bref, les Mille et Une Nuits étaient devenues une obsession, mais paradoxalement, si j'ai continué à picorer dans ces éditions successives, je n'avais toujours pas lu l'ensemble du cycle.

Il y a quelques années, en faisant des recherches sur internet en vue d'une campagne de JdR qui se passerait dans le Baghdad abasside, j'ai entendu parler d'un bouquin considéré comme la référence en matière de contexte sur les Mille et Une Nuits, à savoir The Arabian Nights: A Companion de Robert Irwin. Après une tentative avortée de lecture à l'époque, j'ai repris l'affaire depuis le début il y a quelques semaines et viens de terminer ce bouquin très touffu, mais passionnant.

The Arabian Nights: A Companion s'articule essentiellement en trois grandes parties: un survol de l'histoire des Mille et une Nuits et de ses traductions successives, une analyse des composantes des récits et de leur inspiration historique et enfin une section sur l'impact des Mille et Une Nuits sur la littérature du XVIIIè au XXè siècle.

La complexité de toute analyse littéraire ou historique des Mille et Une Nuits, c'est qu'il n'existe pas de livre de ce nom. La première traduction européenne, celle de Galland, se base sur quatre manuscrits dont seulement trois ont été retrouvés. Les traductions Anglaises de Lane et Burton sont basées sur d'autres manuscrits du même titre mais ne comprenant pas toujours les mêmes histoires ni les mêmes langages. Tout ce qu'on peut dire sur le matériau d'origine, c'est qu'il était assemblé pour être lu à haute voix pas des conteurs, pas pour être lu par des lecteurs, et que par conséquent chaque collection d'histoires était différente en fonction de celui ou ceux qui l'avaient assemblé.

Le démarrage du Companion est donc assez ardu puisqu'on se perd rapidement dans le labyrinthe des manuscrits, qui est rendu plus complexe par le fait que les traductions antérieures au XXè siècle n'étaient pas vraiment des traductions. Galland par exemple a éliminé les passages en vers et focalisé ses récits sur la politique et les affaires de cour, la vie quotidienne, etc. Exit l'érotisme et le fantastique trop marqué. Burton et Mardrus, au contraire, ont non seulement traduit tous les passages sulfureux mais en ont rajouté dans l'exotisme et l'érotisme.

Bref, ce détricotage historico-littéraire est passionnant mais vraiment difficile à lire pour le non-initié, truffé qu'il est de référence à des exégèses érudites. De même, l'analyse de l'origine des contes (entre la théorie Indienne, la théorie Persanne, les structures Grecques, etc.) est intellectuellement stimulante mais touffue à la lecture. Une fois passé ce cap, par contre, on a les bases pour comprendre le contenu des histoires elles-mêmes, et on rentre dans ce qui fait de ce bouquin un trésor (pour moi) à savoir l'analyse des éléments constitutifs des contes.

En cinq chapitres, respectivement sur les conteurs arabes et leur métier, les camelots, la vie criminelle, les aspects sexuels et les aspects merveilleux, Irwin passe en revue les composantes des récits, les compare à ce qu'on sait de leur parallèles historiques et d'une certaine manière dissèque les éléments constitutifs du récit sans toutefois systématiser une approche trop scientifique.

C'est d'ailleurs de ces tentatives de structuration sémantique qu'il parle ensuite en examinant les travaux de divers philologues, philosophes et autres sémiologues de construire une grammaire du conte en général et du conte oriental en particulier. On sent qu'Irwin lui-même n'adhère pas trop à ces approches qui - convaincantes ou non - enlèvent toute magie à l'histoire, mais sa description des analyses elle-même est très intéressante, en particulier pour un esprit rôliste susceptible de réfléchir à la construction d'une narration.

Le livre se termine par un long examen des influences plus ou moins assumées des Mille et Une Nuits (ou sans doute devrait on plus justement dire 'des traductions des Mille et Une Nuits') sur la littérature. Dans un premier temps, la traduction de Galland et les premières traductions Anglaises ont des influences directes sur les auteurs de l'époque; pastiches ou suites arabisantes sont publiées dans les années qui suivent, avec plus ou moins de bonheur. Ensuite, l'influence des Mille et une Nuits se fait plus subtile, d'une part sur le romantisme Gothique Anglais et d'autre part sur les structures de récits imbriqués et fantastiques. Les auteurs examinés vont de Dickens à Borges en passant par Proust ou Potocki, mais l'auteur lui-même reconnaît que le sujet n'a pas été étudié de manière approfondie et qu'en tout état de cause on pourrait faire plusieurs livres uniquement sur ce sujet.

Je ne recommanderais pas The Arabian Nights: A Companion à des gens qui n'ont pas de prime abord un intérêt marqué pour les Mille et Une Nuits ou pour la nature et la structure des Contes en général. Mais si vous tombez dans cette catégorie c'est un bouquin certes touffu, qui nécessite de s'accrocher au moins sur le premier tiers, mais qui est aussi une mine de renseignements et d'idées.

Suite à cette lecture, j'ai décidé d'entreprendre un nouveau plongeon dans les Mille et Une Nuits, de la première à la dernière page. Je vous en reparlerais bientôt, car j'ai bien l'intention de tenir une sorte de journal de bord de cette lecture, nuit par nuit, sur les pages même de Hu-Mu!

Commentaires

  1. Salut !

    Comme rédacteur il faudrait que tu sois un peu plus drôle, genre les métaphores à la con ça marche pas mal et un peu moins précis.

    j'ai l'impression d'être sur ce blog que j'ai quitté parce que trop pointu et complexe et avec des références de dingue que mon cerveau sous staffé en neuronne n'arrive pas a suivre.

    voila c'est mon avis, sinon j'aime beaucoup tes sujets.

    voilou ;)

    Renaud,

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