Invincible de Robert Kirkman


A part quelques vagues souvenirs de lectures de numéros de Strange qui, pour une raison qui ne m'a jamais été expliquée, traînaient dans l'appartement de vacances de mes grands parents quand j'avais 8 ans, je n'ai pas vraiment été confronté à des histoires de super-héros avant l'âge adulte, et je n'ai jamais ressenti une attirance particulière pour le genre. Pendant longtemps, je n'ai pas même fait l'effort de suspension d'incrédulité pour accepter l'axiome fondateur de gars en collants qui lattent des méchants encore et encore.

Mine de rien, au fil du temps, j'ai quand même découvert suffisamment de perles pour apprécier certains aspects du genre tout en trouvant que la plupart des grands classiques manquaient singulièrement d'originalité. La plupart de mes titres favoris (Powers, Love Fights, Common Grounds, Astro-City) sont périphériques au genre dans le sens où ils s'en servent pour raconter des histoires qui parlent de gens, pas de héros. Mais il y a quelques années, j'entendais tellement de bien d'Invincible que j'ai fini par m'acheter le premier volume de l'intégrale. Puis les autres.

Invincible est donc le premier comic de super-héros à proprement parler que j'apprécie. Ça mérite une petite chronique, non?

Expédions le pitch en quelques lignes: Invincible (de son vrai nom Mark Grayson) est le fils d'Omni-Man, le plus puissant super-héros de la planète, un alien venu protéger les terriens des menaces extérieures. A l'adolescence, il découvre ses pouvoirs et devient Invincible (ainsi qu'invincible, à peu de choses près). Il doit faire le job de tous les super-héros, à savoir sauver le monde. Dix fois par jour. Tout en passant son bac. Et en tombant amoureux. Jusqu'à ce qu'un événement majeur (que je vous laisserais le plaisir de découvrir) vienne sérieusement remettre en cause sa vision du monde et son rôle d'apprenti protecteur de la Terre.

A priori un pitch très classique qui n'est pas sans rappeler le concept Spider-Man, auto-flagellation en moins. Ce qui différencie Invincible c'est qu'il conserve tout les éléments constitutifs des comics de super-héros classiques, mais les pousse à leur paroxysme, presque à leur point de rupture (et dans certain cas bien au-delà). Invincible (le titre) a un côté fleur bleue inévitable pour un personnage central adolescent de bonne famille, mais quand ça devient tendu et violent, ça devient tendu et violent. Les 'bad guys' sont souvent des belles raclures, quand ça castagne c'est monstrueusement (et graphiquement) violent, et malgré des niveaux de pouvoirs des personnages principaux très très balaises, les adversaires sont à la hauteur.

L'histoire ne se prive pas également de présenter des dilemmes moraux assez inextricables à Invincible et de lui faire se poser des vraies questions morales sur son rôle de super-héros, la violence, la mort, l'amour. Bref, c'est un titre qui assume à fond la nature super-héroïque de ses personnages sans pour autant renier les racines du genre.

Du coup, ça se dévore non seulement comme un bon récit d'aventure super-héroïque mais comme un bon roman à feuilleton dont les rebondissements, pour l'essentiel, ne font pas chiqué. Ils comptent pour les personnages et du coup pour nous aussi.

Graphiquement, Invincible est à la fois très lisible, moderne et audacieux dans ses cadrages et certaines trouvailles graphiques qui rendent la composition de certaines pages hyper-dynamiques. Je ne suis pas expert en matière de graphismes, et ma culture des comics n'est pas suffisamment étendue pour juger de l'originalité de la chose, mais Invincible a à mes yeux un style distinctif et très efficace. Ça me suffit bien.

Bref, sans défaut?

Pas tout à fait. Il y a une chose que je reproche à Invincible et qui, malheureusement, est sans doute un des tropes du genre dans lequel Kirkman plonge ses racines: la sérialisation. C'est paradoxal sans doute, considérant que je viens de m'enfiler 7 tomes assez denses des intégrales, mais on ne sent à aucun moment la perspective d'une fin, et ça me dérange. Les histoires sont généralement bien, mais manquent pour la plupart de résolution. Les adversaires d'un jour reviennent (presque) toujours, aucune situation n'est réglée de manière réellement satisfaisante.

C'est un classique du genre. Mais c'est sans doute celui dont je me serais bien passé. Pour le moment ce défaut ne m'agace pas suffisamment pour me faire lâcher le titre, mais je ne suis pas sûr de tenir la distance en l'absence de perspective d'une conclusion satisfaisante...

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