C'est auréolé du prestige d'un premier roman encensé par tous que Warchild est arrivé en haut de ma pile. Du space-opera à la fois militariste et intimiste, psychologique à souhait, à mi-chemin entre C.J. Cherryh et Mémoires d'un enfant-soldat. Peut-on faire mieux sur ce créneau très particulier que la Stratégie Ender ? Pour faire court, la réponse est non. Ok, la critique de Bifrost est élogieuse, mais, écrite sur un livre du Bélial par un auteur du Bélial dans la revue du Bélial, on peut la prendre avec une pincée de sel.
Le roman se déroule dans une frange frontalière de l'espace, disputée par la marine terrienne, des pirates esclavagistes, et des aliens ressemblant à des elfes-ninja de l'espace (et là, je me rends bien compte qu'avec cette expression je tue dans l'oeuf toute envie de lire ce livre chez 90% de nos lecteurs). Jos, capturé à l'âge de 8 ans, va passer d'un groupe à l'autre, comme jouet sexuel, disciple, puis soldat, et subir successivement l'influence de trois hommes forts dans chaque camp : un capitaine pédophile, un prêtre-assassin (cette fois-ci, l'expression est celle de l'auteur) et un officier de marine.
La question du roman est : à la fin du livre, quelle loyauté l'emportera ? En filigrane, il y a également la question de la construction sexuelle du héros, dont on ne peut pas dire que, violé par un pirate à l'âge de 8 ans, elle commence très bien.
Plutôt bien écrit, même si la narration à la seconde personne de la première partie du récit fonctionne moins bien en français qu'en anglais, Warchild aurait pu être un bon roman. Las, il est de mon point de vue handicapé par trois défauts rédhibitoires :
- Tout d'abord, la passivité totale du narrateur, qui subit pendant la totalité du roman les effets de sa situation : prisonnier, novice, puis fantassin. Aucun de ces rôles ne le place en position d'avoir la moindre prise sur l'intrigue, et tout ce que le roman propose, ce sont ses doutes, peurs et envies. A l'exception des 20 dernières pages, pas de choix, pas de dilemme moral, pas de conséquences. J'aime bien les romans "psychologiques", mais à condition que la psychologie éclaire l'action du roman, pas qu'elle la remplace. Rien à voir ici avec la puissance des romans de space-opera de Stephen Donaldson. Parler de "Mme Bovary dans l'espace" est un raccourci facile, et injuste : le roman de Flaubert est, quand il n'est pas assené en 4e par un prof blasé, passionnant dans son genre.
- Non seulement les scènes sont très pauvres en action (au sens premier du terme, avec un protagoniste qui agit, et non au sens "Die Hard" du terme), mais elles sont répétitives au possible. 80% d'entre elles racontent comme les personnages secondaires sont attirés par Jos, et sont repoussés par son apparente froideur et sa crainte des contacts physiques. Pire, à l'exception des trois icônes, ces personnages secondaires sont soit sans saveur (ses compagnons de chambrée) soit horripilants : son copain d'enfance, notamment, mériterait bien une bonne paire de coups de pied dans les dents.
- Enfin, la place de l'homosexualité est très bien trouvée : elle est fondamentale dans la construction du caractère du héros, sans avoir une place centrale dans le roman. Mais la lier de cette façon au viol, à la torture, et à la pédérastie était-il vraiment nécessaire ? Serait-il possible d'avoir un personnage gay et gai ? Cela confère une ambiance malsaine au roman, où le sexe, quand il est évoqué, même entre adultes consentants, l'est toujours en terme de possession, d'asservissement, et jamais comme la récréation festive qu'il devrait être au sein d'un régiment de jeunes gens en parfaite santé cantonnés pendant 5 ans dans un vaisseau spatial. A la 20e phrase du genre "Tu es ma pute, ton cul m'appartient", on se lasse fortement.
Aborder des thèmes adultes dans un roman de space-op est une chose; réussir à le faire en est une autre.
Ca donne clairement pas envie. Ayant en plus lu récemment The Forever War où il est question en filigrane à la fois des relations sexuelles dans le régiment et de l'homosexualité comme norme, je suis grandement refroidi par ce que tu dis. Bon, en même temps j'aurais jamais entendu parler du bouquin si tu n'avais pas écrit dessus ;-)
RépondreSupprimerQuoi ? Tu n'es pas abonné à Bifrost ? ;-)))
SupprimerNon, pour l'homosexualité c'est un faux procès qui est fait à l'auteur. Elle a juste voulu montrer que dans la guerre il y a des choses terribles. Surtout que l'aspect "viol" n'est pas franchement explicite. Sinon, c'est un super livre qui se lit super bien. J'ai adoré.
SupprimerJe sais pas ce qui se dit ailleurs sur l'auteur, et je m'en fiche. Je relate le livre tel que je l'ai lu, et pour moi il n'est pas bon.
SupprimerOulà, je vais l'esquiver celui-là.
RépondreSupprimerC'est vraiment pas pour moi.
Merci d'avoir sauté sur la grenade pour sauver le reste du peloton.
Sir, Yes, Sir !
SupprimerNon, je t'assure, Cédric, c'est vraiment un bon space opera qui se lit bien. Aussi bien que Wastburg, par exemple...
SupprimerMais quelle fréquence de blogging de dingue !!!
RépondreSupprimerGay et gai, bonne idée. D'autant qu'il parait que l'étymologie est la même.
Sinon le livre, je zappe. Merci.
J'ai lu deux étymologies de "gay" :
Supprimer- Good As You : les pancartes avec lesquelles les homos défilaient
- Gay Life : par opposition à Straight Life
J'ai lu ce bouquin il y a des années, quand c'est sorti pour la première fois en vf, et bon, j'avais pas aimé. De mémoire, les trois points relevés sont justes, et ça m'avait aussi dérangé.
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