La Fille automate


Ça se passe au XXIIIe siècle, à Bangkok. Le monde est salement parti en sucette. Plus une goutte de pétrole, donc plus d'avions. Des ordinateurs à pédales. Des maladies transgéniques qui déciment les populations. Une montée des eaux catastrophique. Et au milieu de tout ce fatras thaï, des personnages qui essayent de s'en sortir. Un farang (étranger) qui dirige une usine alimentée par des éléphants mutants pour produire de nouveaux ressorts. Son assistant, un vieux chinois ayant survécu à une purge islamiste et qui bidouille, ment et vole pour avoir un semblant de lendemain. Un fonctionnaire incorruptible, ancien champion de muay-thaï, qui défie ses collègues ripoux. Et cette incroyable créature née dans une cuve japonaise, une fille automate à la surchauffe facile... Tous vont se croiser dans une version de Bangkok qui engouffre une quantité incroyable de ressources et d'énergie pour repousser la mer qui devrait l'engloutir. Ça grouille, ça sue, ça crie. C'est incroyablement réel.

Il y a du China Miéville dans les descriptions de Paolo Bacigalupi. Il déborde le lecteur avec un million de détails, sans jamais prendre le temps d'expliquer les choses avec une note de bas de page mais en lui faisant confiance. Pire, il balance des mots et des verbes thaï sans les traduire. Et pourtant c'est limpide. Ça fait sens. Le charabia local fait partie intégrante de l'ambiance et facilite la plongée en apnée dans cet univers dru qui m'a fasciné dès les premières pages. Bacigalupi a le don pour vous happer dans ses histoires de fruits OGM, de maladies pas encore connues. Rapidement, on est comme ses personnages : on attend la mousson avec impatience, on trouve les venelles trop exiguës, on voudrait pouvoir céder à la tentation de l'air climatisé.

Qui plus est, les intrigues politiques et génétiques qui servent de moteur à ces personnages sont diablement intéressantes. On y croise des personnages incroyables, comme l'Enculeur de chiens et des gens de haut rang proches de la famille royale. C'est écrit avec une belle intelligence. J'ai refermé le livre et il a pourtant continué à me parler pendant plusieurs jours. J'ai repensé aux personnages, je me suis demandé ce qu'ils deviendront car ce que décrit Paolo Bacigalupi était si concret l'espace de ce roman que j'ai eu véritablement le sentiment de partager cet espace de vie avec eux. Malgré les distances culturelle et géographique, j'ai erré dans Bangkok, pas juste pour une nuit mais pendant plusieurs jours. À m'y perdre sans pourtant jamais m'égarer. Un tour de force littéraire.

Je jalouse ce talent.

Commentaires

  1. Anonyme15/2/14

    Un roman qui est dans ma PAL… Je suis impressionné par le nombre de bonnes critiques que je lis à propos de ce bouquin !

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  2. Tu ne seras pas étonné que je plussoie ;)

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    1. Pas vraiment car si j'ai acheté le livre, c'est en me disant "Tiens, si je me souviens bien, Gromovar avait adoré" à la librairie.

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  3. Si ça peut te rassurer, sache que son bouquin suivant est perclus de poncifs et bâti autour d'une intrigue assez peu originale...

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  4. Bonjour à tous
    Peut être que je deviens vieux mais j'ai trouvé la description poussée des sévices subis par la fille automate bien racoleuse. j'aurai préféré une description plus poussée du background qui est par contre bien plus intéressant. Je suis quand même surpris de l'abondance de prix qu'a reçue le roman.
    Cordialement
    Uglah

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  5. Ayé lu, bon franchement j'ai rien capté avant la 220eme pages.. lorsque enfin on comprend les camps, et les tenants et aboutissants du monde. Donc du coup après ce fut un vrai plaisir. Très bon livre...a partir de la 220eme pages... jusqu'a la 638eme.. :D

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  6. Je vous invitee à lire "la constellation du chien" vraiment pas mal dans le registre anticipation fin du monde.

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