Tyler Cross de Brüno



La patte graphique de Brüno, c'est ce que les Anglais appellent un 'acquired taste'. Un goût qui se forme au fil de la lecture de ses œuvres. Personnellement j'adore depuis que j'ai lu son Nemo il y a bien longtemps, mais je sais pour en avoir parlé autour de moi que comme celui de Sfar son graphisme peut déranger.

Là où Brüno fait rarement défaut toutefois, c'est sur son efficacité scénaristique. A l'exception de son excursion (qui semble devoir se confirmer) dans la BD érotique avec un Lorna qui m'a laissé de marbre, ses romans graphiques et ses séries m'ont toujours comblé, que ce soit la SF dystopique de Biotope ou le roman de guerre décalé de Commando Colonial en passant par le western mystique de Junk.

Avec Tyler Cross, Brüno s'attaque à un nouveau genre pétri de culture américaine alternative, le roman noir. Entendons-nous bien, les ambiances poisseuses ne sont pas étrangères à l'auteur comme en témoigne l'excellent Inner City Blues, une série Blaxploitation qui fait passer Soda pour un conte de fée.

Tyler Cross est plus sombre encore. C'est une sorte de road-movie dans l'Amérique profonde, ou quand un trafiquant de drogue à la manque se retrouve coincé dans un bled paumé avec pour seule porte de sortie de faire tout péter.

C'est enlevé et puissant, graphiquement peut-être le plus abouti de Brüno à aujourd'hui. C'est fidèle au genre, mais pas dérivatif pour autant. Les personnages, Tyler Cross le premier, sont solides, bien qu'un peu caricaturaux (comme souvent chez Brüno) et la fin est juste parfaite dans ce mélange d'espoir et de déchéance.

Finalement, Brüno c'est un peu le Tarantino de la BD Européenne, mais sans les incessants clins d’œil au 7ème Art qui peuvent être si fatigants chez le réalisateur Américain. Il y a la même admiration pour des genres bien marqués du cinéma d'action, le même respect pour le fond tout en brisant les codes et les attendus. Tyler Cross est une parfaite illustration de cette approche, et c'est sans doute le truc le plus enthousiasmant que vous lirez dans la veine polar cette année.

Commentaires

  1. "Là où Brüno fait rarement défaut toutefois, c'est sur son efficacité scénaristique." C'est un scénario de Fabien Nury, hein :)
    Pardon de faire le relou, mais comme il n'est pas mentionné dans l'article, ça peut prêter à confusion.

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