Suite et fin de ma séquence Emmanuel Carrère avec Un roman russe. Amoureux mais éternel insatisfait, l'auteur décide de partir en Russie pour aller tourner un documentaire sur un patient hongrois unijambiste qui, depuis la guerre, a passé 50 ans dans un hôpital psychiatrique russe et qui est sur le point de rentrer chez lui (si tant est qu'il en ait encore un). Et de fil en aiguille, l'auteur se met martel en tête de tourner un au documentaire sur un bled paumé de Russie dont le seul intérêt est d'être à une cinquantaine de kilomètres d'une usine d'armement chimique. S'en suit une quête éperdue de l'auteur pour reparler le russe comme dans son enfance, de longs moments dépressifs qui entrent en résonance avec la folie de son grand-père (un immigré russe de petite noblesse ayant joué les traducteurs pour l'occupant allemand avant de se faire zigouiller par en 44 par des résistants) pour déboucher sur le massacre méthodique d'une relation amoureuse.
D'habitude, Carrère trouve toujours un moyen de parler de lui tout en faisant le portrait d'un autre, là il réussit l'exploit de ne dresser aucun portrait concret tout en nous abreuvant d'intimité. Il parle de sa mère, de son grand-père, des gens qu'ils rencontrent en Russie, de l'équipe qui l'accompagne pendant le tournage, de la femme qu'il aime, de son incapacité à reparler couramment russe. On le voit saborder son histoire d'amour, devenir dingue de jalousie, toucher du pognon public pour tourner un documentaire qui ne trouvera un sens que par hasard... Le tout avec la mauvaise conscience larmoyante du bobo qu'il a la conscience d'être. Il étale sa vie, vous recopie la nouvelle pornographique qu'il a publié dans Le Monde pour déclarer son amour à celle à qui il reproche de ne pas être de son milieu.
Autant les passages en Russie m'ont passionné, avec cette cité anonyme, ces petites gens qui ne comprennent pas ce qu'un documentaliste français peut bien leur trouver (réponse : rien. Ce n'est qu'une excuse pour plus d'égocentrisme). Autant les phases dépressives sur l'île de Ré et les doutes existentialistes d'auteur nombriliste m'ont indifféré. Il semble honnête quand il se décrit en petit salopard amoureux, mais cet apitoiement littéraire m'est insupportable. Le côté "En plus, Philippe Sollers il a fait rien qu'à dire du mal de mon texte, bouhouhou, je vais repartir en Russie pendant un mois". Quand l'auteur germanopratin quête votre compassion et vous prend à témoin de sa déconfiture de fils de ou vous impose la lecture d'une lettre destinée à sa mère, mon empathie fout le camp.
"Ça aussi, c’est un émerveillement inépuisable : non seulement les femmes sont nues sous leurs vêtements, mais elles ont toutes cette chose miraculeuse entre les jambes, et le plus troublant c’est qu’elles l’ont tout le temps, même quand elles n’y pensent pas."
RépondreSupprimerMon Dieu, que c'est stupide.
Le pire, c'est qu'il se vante d'avoir torché le texte en trois jours.
SupprimerEt il n'y avait personne au Monde pour dire que le roi était nu.
Merci pour m'avoir fait découvrir ce texte en tout cas. Tu as utilement régénéré ma glande à consternation (que j'ai aussi tout le temps sur moi même quand je n'y pense pas).
RépondreSupprimerComme je le disais je ne sais plus où, Limonov est un bouquin réussi, mais quand Carrère se lance dans son mode automoi-nombriliste, c'est vraiment insupportable. Je fuirai ce livre.
RépondreSupprimerDisons que c'est un livre qui fait semblant de s'intéresser à l'autre pour mieux parler du seul sujet qui intéresse Carrère : sa propre cicatrice fibreuse de la paroi antérieure de l'abdomen, qui apparaît à la suite de la chute du cordon ombilical chez les nouveau-nés appartenant à la classe des mammifères placentaires.
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