Le Grand Kirn, de B.R. Bruss (1958)

Épisode 9


Numéro 83 de la collection Fantastique / SF / Aventure, 1983




En deux mots

Nous sommes en 1997. Soudain, l’humanité perd le contact avec de gros morceaux de Norvège, de Suède et de Finlande. Silence total, plus aucune communication.

Le héros, membre d’un Institut de parapsychologie basé à Chicago, entreprend de se rendre dans la « zone morte », et y découvre une invasion extraterrestre pas tout à fait comme les autres.


Pourquoi c’est bien

Le Grand Kirn est un roman court, efficace, bien écrit et qui n’a pas trop vieilli – enfin si, beaucoup dans ses aspects « science-fiction », mais assez peu pour ce qui est des ressorts de l’intrigue.

L’angle parapsychologique, télépathie, précognition et tutti quanti, ne me passionne pas plus que ça, mais reste gérable, dosé juste ce qu’il faut pour donner un avantage aux héros le moment venu, sans les rendre trop puissants au début.

La deuxième partie du roman, où l’on voit les envahisseurs, soutenus par des foules d’humains enthousiastes, développer des partis pro-invasion dans les régions épargnées, a un petit arrière-goût de guerre froide, mais si on fait l’effort d’oublier les années 50, ça redevient assez glaçant.


Pourquoi c’est lovecraftien

L’humanité aux prises avec une menace incompréhensible qui lui tombe dessus d’un seul coup, sans avertissement ?

L’humanité, mi-fascinée, mi-trompée, collaborant à sa propre destruction ?

C’est assez raccord, vous ne trouvez pas ?

Le livre se termine par « Car nous savons maintenant que nous ne sommes pas à l’abri, hélas ! de menaces venues des étoiles qui brillent la nuit au-dessus de nos têtes. » Cela rend assez bien l’ambiance d’ensemble…

À un autre niveau, il n’y a qu’un très léger déplacement de caméra à faire pour qu’on réalise que le responsable de tout ce chaos est en réalité un shoggoth plus gros et plus malin que la normale, et que les « envahisseurs » sont de simples bricolages biologiques, qu’il a peut-être trouvé dans des ruines d’un avant-poste des Anciens.

Reste une grosse différence avec un récit lovecraftien : le narrateur établit d’emblée que l’humanité s’en est sortie. Il y a eu des millions de morts et des pays entiers ont été ravagés, mais la crise est finie et il va nous expliquer ce qui s’est vraiment passé.


Pourquoi c’est appeldecthulhien

On a affaire à une poignée de héros s’efforçant de sauver la Terre d’une invasion par des entités inhumaines. Bien sûr, personne ne comprend ce qu’ils font, tout le monde les prend pour des cinglés (sauf les envahisseurs), et ainsi de suite.

Alors certes, ces héros-ci ont des pouvoirs psis, mais considérant qu’ils sont peu puissants, pas très fiables, et que leur utilisation près des envahisseurs est dangereuse, ça fonctionnerait aussi en jeu…

Par ailleurs, rien n’oblige les envahisseurs à agir de manière aussi voyante. On peut tout à fait imaginer des variantes plus insidieuses où ils prennent juste une poignée de villages et de petites villes et mettent leur plan en œuvre plus discrètement… et seuls nos héros, qui cherchaient un raccourci que jamais ils ne trouvèrent, ont vu l’horrible vérité et s’efforcent de convaincre un monde incrédule que le cauchemar à déjà commencé. Là, vous êtes complètement « dans les clous » de L’Appel de Cthulhu.


Bilan

Moyennant un peu de bricolage, Le Grand Kirn peut vous donner un début de campagne atypique avec invasion ouverte par les forces du Mythe. Et à part ça, c'est un bon roman, efficace et vite lu.

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