Dans le cadre de la préparation de mon récent papier sur les comics qui me plaisent (Histoires de Super-Héros pour Ceux qui n'Aiment Pas les Super-Héros) j'ai relu à peu près tout ce dont je parlais dans le billet. Du coup, comme je le disais en conclusion, ça m'a donné envie de redonner sa chance à Mutant City Blues (MCB), le jeu de Robin Laws dont le concept est assez proche de ces explorations alternatives du genre qui me titillent.
Néanmoins, vous aurez remarqué que j'ai mentionné dans ce premier paragraphe de re-donner sa chance à MCB. A la première lecture, j'avais été enthousiasmé par le jeu, mais n'étant pas a priori particulièrement fan du système, je l'ai fait jouer en one-shot avec une approche semi-freeform. Pas très concluant, mais difficile de savoir si c'était à cause de mon système bancal, du jeu, ou de moi. Parallèlement, je me sais un peu fâché avec les jeux d'enquête, et MCB est un jeu d'enquête au sens le plus classique du terme.
Bref, j'ai relu Mutant City Blues ces derniers jours, et je suis encore plus bluffé que la première fois par ce qui me semble être un contexte de jeu presque parfait, avec juste le bon degré de détails pour pouvoir jouer facilement et rapidement, mais suffisamment de vide pour pouvoir le remplir autour de la table ou en préparation.
Dans Mutant City Blues, les super-héros sont rarement des justiciers masqués, fréquemment des gens comme vous et moi qui profitent d'un talent bizarre acquis par hasard pour améliorer un peu leur quotidien, et quelques fois des loosers qui décident de profiter illégalement de leurs dons pour s'enrichir, se venger ou assouvir leurs fantasmes de domination sur les autres. Du coup, plusieurs années après les premières mutations génétiques ayant mené à l'apparition des pouvoirs de super-héros, la police Américaine a du se résoudre à créer des unités spéciales chargées d'enquêter sur les crimes qui touchent de près aux mutants. C'est à ces unités qu'appartiennent les personnages joueurs, et pour bien faire les choses, ils sont eux aussi mutants.
On est donc pas très éloigné du concept d'un Powers, sinon que les niveaux de pouvoirs dans MCB sont bien plus faibles que dans Powers ou même Astro-City. Du coup, le concept d'un boulot "normal" de flic n'est pas complètement absurde (alors que tout Powers tant à démontrer le contraire). D'ailleurs, un des aspects très fouillés et très intéressants du jeu, c'est la description de l'évolution à la fois des procédures de polices scientifiques (tests pour tracer les mutations, les profils de pouvoirs, mais aussi analyses psychologiques pour identifier la manipulation par des pouvoirs mentaux, etc.) et l'adaptation du droit aux pouvoirs (pouvoirs interdits ou soumis à autorisation d'usage, recevabilité de l'utilisation de certains pouvoirs par la police lors de procès, etc.) MCB évite donc l'écueil de la relativité des chaines de causalité en droit lorsque les pouvoirs rendent tout (ou presque) possible. Knock Wood / Justice Systems dans Astro-City: Local Heroes est la parfaite illustration de cette thématique et je ne doute pas que ça ait fait partie des lectures qui ont influencé Mutant City Blues.
Ce qui rend cette "stabilité" du contexte possible, outre le faible niveau des pouvoirs, c'est une trouvaille franchement géniale de Robin Laws sous la forme du Diagramme de Quade. Quade (dans l'univers du jeu) est un scientifique qui a fondé presque à lui seul une nouvelle discipline, l'Anamorphologie, qui se spécialise dans l'identification génétique des pouvoirs. Son diagramme est la carte la plus précise à ce jour des pouvoirs qui existent et de la manière dont ils sont reliés. Non seulement elle sert à la création des personnages, mais elle constitue un des éléments cruciaux dans l'identification des pouvoirs à l'intérieur du jeu. Cette logique permet de faire du procédurier policier de manière (à la lecture) très convaincante.
La seule incertitude que j'ai à propos de Mutant City Blues, finalement, c'est le système Gumshoe. Je n'ai jamais vraiment adhéré à la raison d'être de Gumshoe, je n'en ai jamais vu la nature révolutionnaire et à la lecture certains aspects du système me hérissent le poil. C'est avant-tout son absence de cohérence interne qui me dérange: trois systèmes parallèles selon que l'on résout une scène d'enquête, d'action ou de combat (et potentiellement quatre si l'on y ajoute les pouvoirs de MCB), aucune échelle de valeurs cohérente entre les systèmes ni même à l'intérieur d'un système (certains pouvoirs, par exemple, sont très efficaces et utiles avec un score de 2 alors que d'autres n'auront aucun impact tangible en dessous d'une dizaine de points ou plus...)
Plus fondamentalement, je ne sens pas Gumshoe. En lisant MCB (ou Trail of Cthulhu, ou Esoterrorists), je ne vois pas comment le système tourne, et c'est très perturbant. Mais je crois quand même que je suis décidé: ça ne sert à rien de tourner autour du pot, si j'aime à ce point le contexte il faut que je teste le système. Donc dès que l'occasion se présentera, je relancerais a minima un one-shot by the book pour voir si le système me rebute au point de tout laisser tomber, ou si son manque d'élégance n'est finalement qu'un défaut cosmétique. Si ça tourne, je réfléchis à un truc plus touffu où j'essaierais de casser la logique un scénar / une enquête pour s'approcher plutôt des arcs narratifs à la manière des séries policières où les flics gèrent plusieurs dossiers en parallèle et doivent les faire avancer.
En attendant, si vous aimez les BDs mentionnées dans mon billet d'il y a quelques semaines, vous aimerez lire Mutant City Blues quand bien même le système ne serait pas à votre goût. Et si en plus vous appréciez Gumshoe (et il semble qu'avec la sortie de Night's Black Agents, les fans du système soient de plus en plus nombreux), ne faites pas l'impasse!
On est donc pas très éloigné du concept d'un Powers, sinon que les niveaux de pouvoirs dans MCB sont bien plus faibles que dans Powers ou même Astro-City. Du coup, le concept d'un boulot "normal" de flic n'est pas complètement absurde (alors que tout Powers tant à démontrer le contraire). D'ailleurs, un des aspects très fouillés et très intéressants du jeu, c'est la description de l'évolution à la fois des procédures de polices scientifiques (tests pour tracer les mutations, les profils de pouvoirs, mais aussi analyses psychologiques pour identifier la manipulation par des pouvoirs mentaux, etc.) et l'adaptation du droit aux pouvoirs (pouvoirs interdits ou soumis à autorisation d'usage, recevabilité de l'utilisation de certains pouvoirs par la police lors de procès, etc.) MCB évite donc l'écueil de la relativité des chaines de causalité en droit lorsque les pouvoirs rendent tout (ou presque) possible. Knock Wood / Justice Systems dans Astro-City: Local Heroes est la parfaite illustration de cette thématique et je ne doute pas que ça ait fait partie des lectures qui ont influencé Mutant City Blues.
Ce qui rend cette "stabilité" du contexte possible, outre le faible niveau des pouvoirs, c'est une trouvaille franchement géniale de Robin Laws sous la forme du Diagramme de Quade. Quade (dans l'univers du jeu) est un scientifique qui a fondé presque à lui seul une nouvelle discipline, l'Anamorphologie, qui se spécialise dans l'identification génétique des pouvoirs. Son diagramme est la carte la plus précise à ce jour des pouvoirs qui existent et de la manière dont ils sont reliés. Non seulement elle sert à la création des personnages, mais elle constitue un des éléments cruciaux dans l'identification des pouvoirs à l'intérieur du jeu. Cette logique permet de faire du procédurier policier de manière (à la lecture) très convaincante.
La seule incertitude que j'ai à propos de Mutant City Blues, finalement, c'est le système Gumshoe. Je n'ai jamais vraiment adhéré à la raison d'être de Gumshoe, je n'en ai jamais vu la nature révolutionnaire et à la lecture certains aspects du système me hérissent le poil. C'est avant-tout son absence de cohérence interne qui me dérange: trois systèmes parallèles selon que l'on résout une scène d'enquête, d'action ou de combat (et potentiellement quatre si l'on y ajoute les pouvoirs de MCB), aucune échelle de valeurs cohérente entre les systèmes ni même à l'intérieur d'un système (certains pouvoirs, par exemple, sont très efficaces et utiles avec un score de 2 alors que d'autres n'auront aucun impact tangible en dessous d'une dizaine de points ou plus...)
Plus fondamentalement, je ne sens pas Gumshoe. En lisant MCB (ou Trail of Cthulhu, ou Esoterrorists), je ne vois pas comment le système tourne, et c'est très perturbant. Mais je crois quand même que je suis décidé: ça ne sert à rien de tourner autour du pot, si j'aime à ce point le contexte il faut que je teste le système. Donc dès que l'occasion se présentera, je relancerais a minima un one-shot by the book pour voir si le système me rebute au point de tout laisser tomber, ou si son manque d'élégance n'est finalement qu'un défaut cosmétique. Si ça tourne, je réfléchis à un truc plus touffu où j'essaierais de casser la logique un scénar / une enquête pour s'approcher plutôt des arcs narratifs à la manière des séries policières où les flics gèrent plusieurs dossiers en parallèle et doivent les faire avancer.
En attendant, si vous aimez les BDs mentionnées dans mon billet d'il y a quelques semaines, vous aimerez lire Mutant City Blues quand bien même le système ne serait pas à votre goût. Et si en plus vous appréciez Gumshoe (et il semble qu'avec la sortie de Night's Black Agents, les fans du système soient de plus en plus nombreux), ne faites pas l'impasse!
Je reste, comme toi, de glace devant Gumshoe.
RépondreSupprimerMais j'ai apprécié ma lecture de MCB, en dehors de la partie technique.
C'est pas comme si les systèmes de jeu manquaient.
C'est vrai, encore que le travail d'adaptation pour conserver l'équilibre des pouvoirs (non pas équilibre au sens "égalité d'efficacité" mais au sens impact relatif des uns et des autres) est important, d'autant plus qu'il est très dur à la lecture de sentir si tel ou tel pouvoir est en fait balaise ou non.
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