Black Wings of Cthulhu 1, 2 et 3




Cthulheries : première contribution à un état des lieux

Le mythe de Cthulhu existe-t-il ? Vaut-il mieux parler de « mythe de Lovecraft » ? Faut-il trouver un autre terme pour qualifier cet univers en expansion constante ? Ce qui est sûr, c’est que depuis une petite dizaine d’années, l’amateur en est arrivé au point où il est impossible de tout suivre, même en se contentant des sorties professionnelles.

Dans les années 90, le lecteur purement francophone disposait de tout Lovecraft et de la majorité de ses continuateurs. Aujourd’hui ? On retraduit Lovecraft, mais aucun éditeur ne prend le risque de s’intéresser à l’immense continent lovecraftien qui a émergé depuis vingt ans.

Aux États-Unis, successeurs et disciples ont proliféré comme des champignons de Yuggoth dans le système nerveux d’un universitaire de Nouvelle-Angleterre. Des maisons d’édition n’existent que pour publier des recueils de nouvelles lovecraftiens, plus rarement un roman…

On en trouve pour tous les goûts. Surtout, disons-le honnêtement, les mauvais.

Si vous êtes un complétiste fou, vous pouvez vous risquer dans la cthulhexploitation, un sous-genre qui marie les pieuvres cosmiques et un autre thème, n'importe lequel. Ils sont faciles à repérer, ils proposent des titres comme « Cthulhu chez les pirates », « Cthulhu à la ferme » ou « Mon Cthulhu chez les nudistes ».

Si vous avez l’âme aventureuse, vous pouvez faire des razzias sur la production de petits éditeurs qui proposent des textes de qualité extrêmement variables, dont on a parfois l’impression qu’ils ont été recueillis auprès des cousins, légèrement attardés, de l’anthologiste. Si vous avez de la chance, vous y trouverez des recueils « montagnes russes », où vous pouvez monter très haut et descendre très bas en l’espace de quelque pages (l’autre variété est le recueil « morne plaine », où vous êtes condamné à lire une quinzaine de pastiches tous identiques des trois ou quatre mêmes nouvelles de Lovecraft).

Si les prédécesseurs, collègues et proches continuateurs de Lovecraft vous intéressent, vous pouvez tenter de lire quelques anthologies de Robert M. Price, qui paraissent chez Chaosium et un peu partout ailleurs. Centrées sur un auteur, une entité ou une thématique, elles se reconnaissent à des titres comme The [Machin] Cycle ou Return to [Lieu]. Pourvues de préfaces et de présentations érudites, elles sont souvent plus lisibles que la moyenne... sauf quand Price cède à son amour de l’érudition pour l’érudition, et vous présente comme fondamental un pastiche peu inspiré commis par August Derleth dans les années 40, ou un plat de fruits de mer avarié publié dans un fanzine des années 80.

Et puis, il y a S.T. Joshi, érudit, expert universitaire, compilateur de la correspondance de Lovecraft en 25 volumes, auteur de centaines de publications sur le fantastique, polémiste féroce…. et anthologiste, quand il a cinq minutes. Un type capable de sortir ses vingt bouquins par an, où il figure comme préfacier, contributeur, compilateur ou auteur a droit à tout mon respect.

Depuis quelques années, il publie une anthologie annuelle intitulée Black Wings chez PS Publishing, un petit éditeur. Leurs reprises chez Titan Books sont systématiquement retitrées en Black Wings of Cthulhu, ce qui ne manque pas de le faire grogner, mais indique aussi que quelqu’un, quelque part, pense qu’il vaut mieux mettre « of Cthulhu » pour toucher un public plus large.

Quoi qu’il en soit, trois volumes sont parus chez Titan Books, le quatrième va bientôt sortir chez PS Publishing. En voici un survol.


 Black Wings of Cthulhu 1


L’intention des Black Wings est d’être un recueil de nouvelles d’horreur lovecraftiennes, et pas cthulhiennes, une distinction qui a son importance. S.T. Joshi explique la nuance dans la préface – en gros, exit le « grand jeu » intertextuel des monstres, des livres maudits et des références croisées, il est temps de revenir aux grands thèmes lovecraftiens et de leur donner une nouvelle jeunesse.

C’était largement la perspective de Kevin Ross dans les deux excellents Dead but Dreaming dont il faudra que je vous parle un de ces quatre. J’adhère à la démarche, avec une petite réserve : quand c’est mal fait, ça donne du fantastique conventionnel.

• Pickman’s Other Model (1929), de Caitlin R. Kiernan contient une dose de sexe morbide qui aurait sûrement fait tiquer le Vieux Gentleman, mais pour le reste, elle prolonge impeccablement Le modèle de Pickman – qui, bizarrement, inspire davantage les continuateurs que beaucoup d’autres nouvelles lovecraftiennes.

• Desert Dreams, de Donald R. Burleson, est un joli pastiche du Lovecraft de, disons, la première moitié des années 20, où l’on fait la connaissance du dieu cannibale Gwai-ti. La prose est fleurie, l’histoire un peu mince, mais la reconstitution impeccable.

• Engragings, de Joseph S. Pulver Sr, contient aussi du désert, mais la forme est moderne, le cauchemar vécu plutôt que raconté, et le résultat de qualité, bien qu’un poil prévisible à mon goût.

• Copping Squid, de Michael Shea, inflige des horreurs indicible à un malheureux caissier de station-service qui se retrouve à servir un client peu banal. L’ombre du grand Chtulhu plane, mais l’histoire fonctionne sans la quincaillerie lovecrafto-années 20.

• Passing Spirits, de Sam Gafford, nous fait suivre la peu réjouissante dissolution de l’employé d’une librairie qui meurt à petit feu d’un cancer et occupe ses dernières semaines à discuter avec l’esprit de Lovecraft et à se promèner dans son œuvre. On sort du fantastique pour entrer dans la pure exploration psychologique, mais c’est du bon travail.

• The Broadsword, de Laird Barron utilise des ingrédients classiques : un vieil homme, un immeuble qui a connu des jours meilleurs, et une hantise qui débouche sur quelque chose d’autrement plus grave. La montée est graduelle, et même si ce n’est pas du Stephen King, cette histoire installe une ambiance « d’horreur réaliste » qui plairait sans doute au vieux sage & éminent junkie du Maine.

• Usurped, de William B. Spencer, joue sur un registre similaire, avec un couple, une voiture, une route au milieu du désert et un accident… causé par quoi, au juste ? et pourquoi ? J’ai bien aimé.

• Denker’s Book, de David J. Schow croise les effluves entre un génie de l’envergure d’Einstein et un livre qui modifie la réalité. Courte et bonne, et on en vient à se demander ce qui se passerait réellement si on mettait le Necronomicon entre les mains d’un prix Nobel de physique.

• Inhabitants of Wraithwood, de W.H. Pugmire, rend hommage au Modèle de Pickman, mais c’est un hommage étrange, distancié et, toute comptes faits, plus intéressant qu’une énième histoire de cimetières sous la lune. J’ai du Pugmire en magasin, il faudra que j’y jette un œil attentif.

• The Dome, de Mollie L. Burleson, nous parle d’un vieux monsieur retraité à la campagne et d’un vendeur d’outils d’occasion qui n’est pas ce qu’il a l’air d’être. Prévisible et trop courte pour être passionnante, elle se laisse lire.

• Rotterdam, de Nicholas Royle, envoie un aspirant scénariste en repérage à Rotterdam, à la recherche de décors pour une adaptation filmée du Molosse. La balade est déprimante, et le jury délibère toujours pour savoir si cette histoire relève du fantastique ou de l’étude psychologique. Mais c’est vrai que le Molosse pourrait faire un court-métrage intéressant.

• Tempting Providence, de Jonathan Thomas, nous parle d’un photographe qui revient à Providence, où il a fait ses études, à l’occasion d’une exposition de ses œuvres. Il y croise le fantôme de Lovecraft, mais est-ce bien un fantôme ? L’histoire, qui se laisse pas décoder instantanément, comporte un joli jeu de miroir entre la Providence du présent, celle des années 80 qu’à connu notre photographe lorsqu’il faisait ses études, et celle des années 20 et 30. Une jolie réussite.

• Howling in the Dark, de Darrell Schweitzer m’a bien plu. Raconter des histoires lovecraftiennes du point de vue des forces des ténèbres est un artifice qui commence à s’user, mais dans ce cas précis, on en arrive à sympathiser avec le narrateur.

• The Truth about Pickman, de Brian Stableford, est la troisième variation Pickman du recueil. Stableford est avant tout un auteur de SF, et il va donc chercher la petite bête génétique derrière les fantasmagories nécrophages. J’ai beaucoup aimé.

• Tunnels, de Philip Haldeman, emprunte un peu de quincaillerie à Brian Lumley, mais l’enrobe dans quelque chose de tout à fait terre à terre, raconté par un gamin qui ne comprend pas tout ce qui se passe autour de lui. Le résultat est très agréable à lire.

• The Correspondence de Camermon Thaddeus Nash, de Ramsay Campbell, nous dévoile les lettres qu’un écrivain britannique oublié envoyait à l’homme de Providence. Elles nous sont livrées avec un appareil critique, une préface qui « établit » leur authenticité… Après quoi, Ramsay Campbell s’amuse et, franchement, les lecteurs aussi.

• Violence, Child of Trust, de Michael Cisco, nous parle de mouches, d’une ferme, de filles à enlever et de sacrifices… et je n’ai pas accroché plus que ça, mais c’est plus ma faute que celle de l’auteur, je pense.

• Lesser Demons, de Norman Partridge, est post-apocalyptique, avec des possédés vaguement evildeadiens à la place des zombies, plus des runes préhumaines pour lovecraftiser tout ça. Elle fonctionne, sans plus.

• An Eldritch Matter, d’Adam Niswander, inflige d’atroces tourments – catégorie pieuvre non-euclidienne – à un pauvre type qui ne demandait rien à personne. Elle est courte, relativement percutante, et j’ai bien aimé la chute. Points de bonus pour avoir placé « eldricht ».

• Substitution, de Michael Marshall Smith, est une autre histoire où le quotidien prend une tournure anormale, cette fois à cause de sacs d’épicerie commandés par Internet et livrés à la mauvaise personne. Psychologiquement bien vue, elle m’a beaucoup plu.

• Susie, de Jason Van Hollander, s’intéresse à Susan Lovecraft, la maman d’Howard, et à son internement. Lovecraft était devenu, de son vivant et plus encore aujourd’hui, un personnage de fiction, il est logique que le reste de sa famille y passe – dans tous les sens « d’y passer ».

Au bilan, aucune nouvelle n’est loupée, toutes sont agréables à lire, et je soupçonne que mon palmarès se modifiera de lecture en lecture. Pour cette fois, j’attribuerai volontiers la palme à Tempting Providence, suivis de Substitution, d’Inhabitants of Wraithwood, de The Truth about Pickman et peut-être de The Tunnels.

(Titan Books, anthologie de S.T. Joshi, 505 pages, 21 nouvelles, environ 20 €)



Black Wings of Cthulhu 2


Cette seconde livraison est un peu plus mince que la précédente et peut-être légèrement moins homogène, mais reste d’une qualité sans commune mesure avec la grande majorité des cthulheries « de série » qui encombrent mes étagères.

When Death Wakes Me to Myself, de John Shirley, nous parle de Lovecraft, selon une perspective… qu’il serait dommage de déflorer. Disons qu’elle est étonnante, un compliment rare dans l’univers ultra-codifié du fantastique en général et du fantastique lovecraftien en particulier.

• View, de Tom Fletcher, nous présente un couple qui visite une belle maison avec vue, sous la houlette d’un agent immobilier peu sympathique. Elle est un poil longuette pour ce qu’elle raconte, et à un moment donné, je me suis supris à entendre Stéphane Plaza quand je lisais les répliques de l’agent immobilier. Ça tue l’horreur, mais ça passe le temps.

• Houndwife, de Caitlin R. Kiernan est une variation sur Le Molosse, avec culte, cérémonie et beaucoup de sexe lesbien, au point où j’ai pensé à une variation cthulhienne de La vie d’Adèle. Elle contient un fusil de Tchékov qui ne tire pas… et une narration destructurée dans le temps qui m’a bien plu. L’un des intérêts de ces recensions est de repérer des auteurs qui reviennent d’anthologie en anthologie, et dont les nouvelles me plaisent davantage que la moyenne. Caitlin R. Kiernan en est un.

• King of Cat Swamp, de Jonathan Thomas, se passe dans la banlieue de Providence, où un couple de Blancs aisés se prépare à partir en vacances lorsque… Amusante, un peu grinçante, et elle nous donne l’occasion de recroiser un personnage important de l’œuvre de Lovecraft.

Dead Media, de Nick Mamatas, nous parle d’une paire d’étudiants du XXIe siècle confrontés à un défi de taille : trouver un dictaphone des années 30 pour lire le cylindre de cire de Celui qui chuchotait dans les ténèbres, parce qu’ils sont sûrs qu’avec la technologie moderne, on pourrait y entendre davantage. Et en effet… Le petit côté « enquête conventionnelle » du développement est largement racheté par la fin.

• The Abject, de Richard Gagin, est une histoire de couple en crise, de vacances et d’éclipse. Elle aurait mieux fonctionné sans le personnage secondaire qui raconte l’inévitable légende indienne qui établi que, n’est-ce pas, le site est maudit depuis l’origine des temps ou peu s’en faut.

Dahlias, de Melanie Tem, ne fait aucun effort d’explication et propose un casting minimaliste : une veille dame, sa petite-fille et… une Chose. Elle dégage une plaisante odeur de choses enfuies, de renoncement… J’aime bien les ambiances en demi-teinte.

• Bloom, de John Langan, est une autre histoire de couple, qui pose une bonne question : que faire lorsque vous êtes confronté à un mystère incompréhensible ? C’est loin d’être la meilleure histoire du recueil, mais elle m’a plu, sans vraie raison.

• And the Sea Gave Up the Dead, de Jason C. Eckhardt, nous parle du second voyage du captaine Cook, et des quelques jours de janvier 1774 où il s’est aventuré « aussi loin au sud qu’il est humainement possible ». Scoop : il y fait de mauvaises rencontres, au fil d’une histoire solide, bien écrite mais sans fantaisie.

• Casting Call, de Don Webb, marie – coucou – Le modèle de Pickman, les années 70 et Rod Serling, producteur de séries télé d’horreur. Elle est marrante, percutante là où il faut, mais croiser les niches ne les agrandit pas, et elle n’aura d’intérêt que pour les fans de Lovecraft et de séries télés mal connues en France.

• The Clockwork King, the Queen of Glass and the Man with the Hundred Knives, de Darrell Schweitzer, m’a laissé un peu perplexe et plutôt séduit – un peu d’horreur, un peu de démence, une touche de quelque chose qui pourrait aussi bien être une psychose que les contrées du Rêve, un ou deux effets du type «  vous vous attendez à ce que l’histoire parte par là, mais en fait non, je l’emmène plutôt par ici »… Bizarre, étrange et plaisant.

• The Other Man, de Nicholas Royle est une courte histoire à chute qui joue sur le thème du double. Il y est question d’aliénation, et j’imagine que ça la rend lovecraftienne, mais franchement, si on devait aller chercher des références historiques, je déterrerait plutôt Hoffmann.

• Waiting at the Crossroad Motel, de Steve Rasnic Tem nous fait attendre. Dans un motel. Avec des gens pas tout à fait nets, qui attendent quelque chose de pas net du tout. Ambiance poisseuse et miteuse, sueur et personnages déplaisants composent un cocktail assez réussi.

• The Wilcox Remainder, de Brian Evenson est une histoire de fou(s) où figure une vilaine statuette tentaculaire qui refuse de laisser tranquilles les gens assez malchanceux pour la ramasser. C’est classique, bien fait, et j’ai bien aimé.

• Correlated Discontents, de Rick Dakan, attaque Lovecraft par sa face la moins accessible : son racisme. Que se passerait-il si on nourrissait un programme d’intelligence artificielle avec ses cent mille lettres écrites entre 1915 et 1937, et qu’on le faisait discuter en ligne avec des contemporains ? (La réponse tient une ligne, balancée par une internaute à l’écho d’un homme mort depuis 1937 : « Après l’Holocauste, on n’a pas le droit de parler comme vous le faites. ») L’ensemble donne à réfléchir. Quant à l’emballage fantastique, il paraît un peu palôt par contraste, mais marche également très bien.

• The Skinless Face, de Donald Tyson, est une variation sur le thème de l’expédition archéologique qui fait une découverte anormale et qui Va Avoir des Problèmes™. Elle est bien faite, rien à dire, si ce n’est que bon, arrêtez-moi si vous la connaissez, c’est l’histoire d’une expédition archéologique et elle va avoir des problèmes, et alors…

• The History of a Letter, de Jason V Brock, est exactement ça, une lettre d’un auteur inconnu, envoyée d’un lieu inconnu, à une date inconnue et à un destinataire inconnue, copieusement annotée par un érudit qui spécule sur tous les points précédents. Comme l’auteur est américain, quand la lettre mentionne le port, la baie et les cornes de brume, son universitaire précise dans une note en bas de page que Paris figure dans la liste des villes possibles… Il est possible que j’ai raté une clé évidente, mais si ce n’est pas le cas, disons-le, les mystères opaques à tous les niveaux, ça me gonfle un poil.

• Appointed, de Chet Williamson, nous intéresse au destin d’un acteur vieillissant, qui survit en vendant des DVD d’un film d’horreur lovecraftien qu’il a tourné trente ans plus tôt. L’ambiance de convention pleine de fans… décalés est bien rendue, et on a beau se douter de la direction générale que va prendre l’histoire, on est agréablement surpris par quelques détails.

Après cette lecture, je garde Houndwife, Dead Media, Dalhias, Correlated Discontents et Appointed, mais j’aurais aussi bien pu retenir Waiting at the Crossroad Motel ou And the Sea Gave up the Dead. C’est la marque d’une anthologie de qualité.

(Titan Books, anthologie de S.T. Joshi, 390 pages, 18 nouvelles, environ 15 €)

 

Black Wings of Cthulhu 3


Dix-sept nouvelles, précédées comme d’habitude d’une préface de l’anthologiste, sont au menu de ce volume 3. La liste des contributeurs ne surprendra pas les lecteurs des deux précédents : on y retrouve beaucoup de noms familiers.

• Houdini Fish, de Jonathan Thomas, prolonge De l’au-delà, une nouvelle de Lovecraft du début des années 20. Elle démarre sur mode semi-humoristique, et se finit comme il se doit : mal. Bon cru.

• Dimply Dolly Doofy, de Donald R. Burleson, est courte et grinçante, et montre qu’on peut être d’une parfaite orthodoxie lovecraftienne tout en adoptant un point de vue inhabituel.

• The Hag Stone, de Richard Gavin, est une histoire de couple qui se fracasse sur l’invisible. Son plus gros point faible est sa morale, celle de beaucoup trop d’histoires d’horreur depuis des siècles : « la curiosité est un vilain défaut ». C’est un peu dommage. Pour le reste, elle est sympathique.

• Underneath an Arkham Moon, de Jessica Amanda Salmonson & W.H. Pugmire, nous ramène à cette maison abandonnée, près du cimetière d’Arkham, où rôde une créature aperçue par Randolph Carter, une créature Indicible. A bien la regarder, c’est une reprise de la nouvelle de Lovecraft de ce titre, plus du sexe glauque et une double dose de freaks. Bien faite, mais pas ma came.

• Spiderwebs in the Dark, de Darrel Schweitzer, nous parle d’un sorcier, de la pluralité des mondes et de ce qui rôde entre les mondes. Elle se lit bien, mais ne m’a pas fait vibrer plus que ça.

• One Tree Hill (The World as Cataclysm), de Caitlin R. Kiernan, est un exercice d’ambiance dans un Village de Nouvelle-Angleterre, où se dresse un arbre foudroyé au sommet d’une colline, arbre qui fascine le narrateur. Elle à la fois diffuse et efficace, j’aime bien.

• The Man with the Horn, de Jason V Brock, nous parle de la solitude des petits vieux et du danger d’avoir des voisins qui jouent du saxophone à des heures incongrues. Un poil grand-guignol à mon goût, et je ne me souviens pas – ou je n’ai jamais lu – la nouvelle de T.ED. Klein à laquelle elle répond.

• Hotel del Lago, de Mollie L. Burleson, est oubliable. Vous connaissez l’histoire du voyageur qui s’arrête dans un hôtel perdu et qui découvre qu’il s’y passe des trucs pas normaux ? Oui, moi aussi. Déjà lue environ cent fois. Les détails changent, son déroulement non.

• Waller, de Donald Tyson, est étrange, ambitieuse, lovecraftienne sans être orthodoxe… et je n’y ai pas vraiment adhéré, sans savoir pourquoi. La cosmogonie n’est pas en cause, peut-être est-ce l’univers parallèle trop dââârk où atterrit le héros ?

• The Megalith Plague, de Don Webb, pose une question simple : qu’est-ce qui pousse les ploucs d’un bled paumé au milieu du Texas à construire quatre cents répliques de Stonehenge ? On évolue à la frontière de la parodie, mais la fin rachète les petites faiblesses du milieu.

• Down Black Staircase, de Joseph S. Pulver Sr, est qualifiée par Joshi de « long poème en prose » dans sa préface. Je suis tenté de parler « d’interminable purge », mais je mesuis assez acharné sur Pulver comme ça et, en fait, elle ne se lit mieux que certains de ses autres textes. La narration est certes hachée et pénible à déchiffrer, mais au moins, cette fois, il y a une histoire derrière…

• China Holiday, de Peter Cannon, nous raconte des vacances en Chine parfaitement anodines, assaisonnées d’une larme de Cauchemar d’Innsmouth. A mon sens, c’est la nouvelle plus faible du recueil.

• Necrotic Cove, de Lois Gresh, me confirme dans ma bonne opinion de cet auteur. On nous parle d’une amitié entre deux vieilles femmes et de sa fin tragique, d’un lieu hanté… L’histoire, aussi malsaine que désespérée, fonctionne à merveille.

• The Turn of the Tide, de Mark Howard Jones, fait apparaître cet auteur sur mon radar, et je m’en vais voir ce qu’il a fait d’autre. Une maison en bord de plage, un triangle amoureux et des phénomènes anormaux à la fois flippants et inexplicables. Une réussite.

• Weltschmerz, de Sam Gafford, nous raconte le malaise existentiel d’un petit bureaucrate, et la manière dont H.P. Lovecraft va changer sa vie par l’entremise d’une séduisante jeune femme. Bonne illustration de ce que veut dire « perdre de la santé mentale » au sens rôliste du terme, mais à part ça, elle ne va bien loin.

• Thistle’s Find, de Simon Stranzas, mélange savant fou, univers parallèles et goules, le tout dans un emballage qui ne m’a pas passionné, peut-être parce que narrateur et personnages secondaires sont tous antipathiques.

• Further Beyond, de Brian Stableford, clôt le recueil comme il l’a commencé, par une variation sur De l’au-delà. Cette fois, c’est le narrateur de la nouvelle de Lovecraft qui reprend la plume quelques semaines plus tard, alors qu’il est aux prises avec un trio d’aspirants continuateurs de Thillinghast. Le pastiche lovecrafto-victorien est impeccable, et la fin… ambitieuse.

Après cette lecture, Houdini Fish, One Tree Hill, Necrotic Cove, The Turn of the Tide and Further Beyond sont mes cinq préférées. Hotel del Lago et China Holiday sont les plus faibles. Le reste se laisse lire.

(Titan Books, 400 pages, 17 nouvelles, environ 15 €)

PS : Un autre son de cloche sur ce troisième volume, par Nébal.


Commentaires

  1. Grand amateur de Lovecraft j'allais justement m'intéresser à ST Joshi et autres... Merci pour cet éclairage Mr Lhomme !

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  2. En bon amateur de Lovecraft qui adhère pleinement à sa vision de partage du Mythe avec d'autres auteurs et univers, je suis bien intrigué par ces anthologies dont je n'aurais jamais soupçonné l'existence (au même titre que les autres pastiches, d'ailleurs: moi qui croyait que le pastiche Lovecraftien était tombé en désuétude, alors qu'il n'était juste pas traduit chez nous...).

    Petit question: c'est de l'anglais ardu? Tolkien m'est encore à peu prêt accessible, mais Pratchett, par exemple, est très largement au dessus de mes compétences.

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  3. franchement, non, ce n'est pas super-ardu. Il y a quelques pastiches du style lovecraftien qui piquent un peu, et une poignée d'expériences stylistiques qui me font grésiller les yeux, mais la vaste majorité glisse toute seule.

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  4. Quant à l'existence des pastiches modernes, je dois en avoir une trentaine de volumes, et c'est une goutte d'eau dans la mer...

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  5. Sur cette série en particulier : Black Wings IV est sorti chez PS Publshing et deviendra Black Wings of Cthulhu 4 chez Titan Books l'an prochain. S. T. Joshi annonce que Black Wings V est bouclé, et qu'il a signé pour un volume VI. On en a donc jusqu'en 2018. Au minimum.

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