Le mythe de Cthulhu
existe-t-il ? Vaut-il mieux parler de « mythe de
Lovecraft » ? Faut-il trouver un autre terme pour qualifier cet
univers en expansion constante ? Ce qui est sûr, c’est que depuis une
petite dizaine d’années, l’amateur en est arrivé au point où il est impossible
de tout suivre, même en se contentant des sorties professionnelles.
Dans les années 90,
le lecteur purement francophone disposait de tout Lovecraft et de la majorité
de ses continuateurs. Aujourd’hui ? On retraduit Lovecraft, mais aucun éditeur ne prend le risque de s’intéresser à l’immense continent lovecraftien qui a
émergé depuis vingt ans.
Aux États-Unis, successeurs
et disciples ont proliféré comme des champignons de Yuggoth dans le système
nerveux d’un universitaire de Nouvelle-Angleterre. Des maisons d’édition
n’existent que pour publier des recueils de nouvelles lovecraftiens, plus
rarement un roman…
On en trouve pour
tous les goûts. Surtout, disons-le honnêtement, les mauvais.
Si vous êtes un
complétiste fou, vous pouvez vous risquer dans la cthulhexploitation, un sous-genre qui marie les pieuvres cosmiques
et un autre thème, n'importe lequel. Ils sont faciles à repérer, ils proposent des titres comme « Cthulhu
chez les pirates », « Cthulhu à la ferme » ou « Mon Cthulhu
chez les nudistes ».
Si vous avez l’âme
aventureuse, vous pouvez faire des razzias sur la production de petits éditeurs
qui proposent des textes de qualité extrêmement variables, dont on a parfois
l’impression qu’ils ont été recueillis auprès des cousins, légèrement attardés,
de l’anthologiste. Si vous avez de la chance, vous y trouverez des recueils
« montagnes russes », où vous pouvez monter très haut et descendre
très bas en l’espace de quelque pages (l’autre variété est le recueil
« morne plaine », où vous êtes condamné à lire une quinzaine de pastiches tous
identiques des trois ou quatre mêmes nouvelles de Lovecraft).
Si les
prédécesseurs, collègues et proches continuateurs de Lovecraft vous
intéressent, vous pouvez tenter de lire quelques anthologies de Robert M. Price, qui
paraissent chez Chaosium et un peu partout ailleurs. Centrées sur un auteur,
une entité ou une thématique, elles se reconnaissent à des titres comme The [Machin] Cycle ou Return to [Lieu]. Pourvues de préfaces et de présentations
érudites, elles sont souvent plus lisibles
que la moyenne... sauf quand Price cède à son amour de l’érudition pour
l’érudition, et vous présente comme fondamental
un pastiche peu inspiré commis par August Derleth dans les années 40, ou un plat de fruits de mer avarié publié dans un fanzine des années 80.
Et puis, il y a
S.T. Joshi, érudit, expert universitaire, compilateur de la correspondance de Lovecraft
en 25 volumes, auteur de centaines de publications sur le fantastique,
polémiste féroce…. et anthologiste, quand il a cinq minutes. Un type capable de sortir ses vingt bouquins par an, où il figure comme préfacier, contributeur, compilateur ou auteur a droit à tout mon respect.
Depuis quelques années, il publie une anthologie annuelle intitulée Black Wings chez PS Publishing, un petit éditeur. Leurs reprises chez Titan Books sont systématiquement retitrées en Black Wings of Cthulhu, ce qui ne manque pas de le faire grogner, mais indique aussi que quelqu’un, quelque part, pense qu’il vaut mieux mettre « of Cthulhu » pour toucher un public plus large.
Depuis quelques années, il publie une anthologie annuelle intitulée Black Wings chez PS Publishing, un petit éditeur. Leurs reprises chez Titan Books sont systématiquement retitrées en Black Wings of Cthulhu, ce qui ne manque pas de le faire grogner, mais indique aussi que quelqu’un, quelque part, pense qu’il vaut mieux mettre « of Cthulhu » pour toucher un public plus large.
Quoi qu’il en soit,
trois volumes sont parus chez Titan Books, le quatrième va bientôt sortir chez
PS Publishing. En voici un survol.
Black Wings of
Cthulhu 1
L’intention des Black
Wings est d’être un recueil de nouvelles d’horreur lovecraftiennes, et pas cthulhiennes, une distinction qui a son
importance. S.T. Joshi explique la nuance dans la préface – en gros, exit le « grand jeu »
intertextuel des monstres, des livres maudits et des références croisées, il est temps de revenir aux grands thèmes lovecraftiens et de leur donner
une nouvelle jeunesse.
C’était largement la perspective de Kevin Ross dans les deux excellents Dead but Dreaming dont il faudra que je vous parle un de ces quatre. J’adhère à la démarche, avec une petite réserve : quand c’est mal fait, ça donne du fantastique conventionnel.
C’était largement la perspective de Kevin Ross dans les deux excellents Dead but Dreaming dont il faudra que je vous parle un de ces quatre. J’adhère à la démarche, avec une petite réserve : quand c’est mal fait, ça donne du fantastique conventionnel.
• Pickman’s Other
Model (1929), de Caitlin R. Kiernan contient une dose de sexe morbide qui
aurait sûrement fait tiquer le Vieux Gentleman, mais pour le reste, elle
prolonge impeccablement Le modèle de
Pickman – qui, bizarrement, inspire davantage les continuateurs que beaucoup d’autres
nouvelles lovecraftiennes.
• Desert Dreams,
de Donald R. Burleson, est un joli pastiche du Lovecraft de, disons, la
première moitié des années 20, où l’on fait la connaissance du dieu cannibale
Gwai-ti. La prose est fleurie, l’histoire un peu mince, mais la reconstitution
impeccable.
• Engragings,
de Joseph S. Pulver Sr, contient aussi du désert, mais la forme est moderne, le
cauchemar vécu plutôt que raconté, et le résultat de qualité, bien qu’un poil
prévisible à mon goût.
• Copping Squid,
de Michael Shea, inflige des horreurs indicible à un malheureux caissier de
station-service qui se retrouve à servir un client peu banal. L’ombre du grand
Chtulhu plane, mais l’histoire fonctionne sans la quincaillerie
lovecrafto-années 20.
• Passing Spirits,
de Sam Gafford, nous fait suivre la peu réjouissante dissolution de l’employé
d’une librairie qui meurt à petit feu d’un cancer et occupe ses dernières
semaines à discuter avec l’esprit de Lovecraft et à se promèner dans son œuvre.
On sort du fantastique pour entrer dans la pure exploration psychologique, mais
c’est du bon travail.
• The Broadsword,
de Laird Barron utilise des ingrédients classiques : un vieil homme, un
immeuble qui a connu des jours meilleurs, et une hantise qui débouche sur
quelque chose d’autrement plus grave. La montée est graduelle, et même si ce
n’est pas du Stephen King, cette histoire installe une ambiance
« d’horreur réaliste » qui plairait sans doute au vieux sage &
éminent junkie du Maine.
• Usurped, de
William B. Spencer, joue sur un registre similaire, avec un couple, une
voiture, une route au milieu du désert et un accident… causé par quoi, au
juste ? et pourquoi ? J’ai bien aimé.
• Denker’s Book,
de David J. Schow croise les effluves entre un génie de l’envergure d’Einstein
et un livre qui modifie la réalité. Courte et bonne, et on en vient à se
demander ce qui se passerait réellement si on mettait le Necronomicon entre les mains d’un prix Nobel de physique.
• Inhabitants of
Wraithwood, de W.H. Pugmire, rend hommage au Modèle de Pickman, mais c’est un hommage étrange, distancié et,
toute comptes faits, plus intéressant qu’une énième histoire de cimetières sous
la lune. J’ai du Pugmire en magasin, il faudra que j’y jette un œil attentif.
• The Dome,
de Mollie L. Burleson, nous parle d’un vieux monsieur retraité à la campagne et
d’un vendeur d’outils d’occasion qui n’est pas ce qu’il a l’air d’être. Prévisible
et trop courte pour être passionnante, elle se laisse lire.
• Rotterdam,
de Nicholas Royle, envoie un aspirant scénariste en repérage à Rotterdam, à la
recherche de décors pour une adaptation filmée du Molosse. La balade est déprimante, et le jury délibère toujours
pour savoir si cette histoire relève du fantastique ou de l’étude psychologique.
Mais c’est vrai que le Molosse pourrait
faire un court-métrage intéressant.
• Tempting
Providence, de Jonathan Thomas, nous parle d’un photographe qui revient à
Providence, où il a fait ses études, à l’occasion d’une exposition de ses
œuvres. Il y croise le fantôme de Lovecraft, mais est-ce bien un fantôme ?
L’histoire, qui se laisse pas décoder instantanément, comporte un joli jeu de
miroir entre la Providence du présent, celle des années 80 qu’à connu notre
photographe lorsqu’il faisait ses études, et celle des années 20 et 30. Une
jolie réussite.
• Howling in the
Dark, de Darrell Schweitzer m’a bien plu. Raconter des histoires
lovecraftiennes du point de vue des forces des ténèbres est un artifice qui
commence à s’user, mais dans ce cas précis, on en arrive à sympathiser avec le
narrateur.
• The Truth about
Pickman, de Brian Stableford, est la troisième variation Pickman du
recueil. Stableford est avant tout un auteur de SF, et il va donc chercher la
petite bête génétique derrière les fantasmagories nécrophages. J’ai beaucoup
aimé.
• Tunnels, de
Philip Haldeman, emprunte un peu de quincaillerie à Brian Lumley, mais l’enrobe
dans quelque chose de tout à fait terre à terre, raconté par un gamin qui ne
comprend pas tout ce qui se passe autour de lui. Le résultat est très agréable
à lire.
• The
Correspondence de Camermon Thaddeus Nash, de Ramsay Campbell, nous dévoile
les lettres qu’un écrivain britannique oublié envoyait à l’homme de Providence.
Elles nous sont livrées avec un appareil critique, une préface qui
« établit » leur authenticité… Après quoi, Ramsay Campbell s’amuse
et, franchement, les lecteurs aussi.
• Violence, Child
of Trust, de Michael Cisco, nous parle de mouches, d’une ferme, de filles à
enlever et de sacrifices… et je n’ai pas accroché plus que ça, mais c’est plus
ma faute que celle de l’auteur, je pense.
• Lesser Demons,
de Norman Partridge, est post-apocalyptique, avec des possédés vaguement
evildeadiens à la place des zombies, plus des runes préhumaines pour
lovecraftiser tout ça. Elle fonctionne, sans plus.
• An Eldritch
Matter, d’Adam Niswander, inflige d’atroces tourments – catégorie pieuvre
non-euclidienne – à un pauvre type qui ne demandait rien à personne. Elle est
courte, relativement percutante, et j’ai bien aimé la chute. Points de bonus
pour avoir placé « eldricht ».
• Substitution,
de Michael Marshall Smith, est une autre histoire où le quotidien prend une
tournure anormale, cette fois à cause de sacs d’épicerie commandés par Internet
et livrés à la mauvaise personne. Psychologiquement bien vue, elle m’a beaucoup
plu.
• Susie, de
Jason Van Hollander, s’intéresse à Susan Lovecraft, la maman d’Howard, et à son
internement. Lovecraft était devenu, de son vivant et plus encore aujourd’hui,
un personnage de fiction, il est logique que le reste de sa famille y passe –
dans tous les sens « d’y passer ».
Au bilan, aucune nouvelle n’est loupée, toutes sont
agréables à lire, et je soupçonne que mon palmarès se modifiera de lecture en
lecture. Pour cette fois, j’attribuerai volontiers la palme à Tempting Providence, suivis de Substitution, d’Inhabitants of Wraithwood, de The
Truth about Pickman et peut-être de The
Tunnels.
(Titan Books,
anthologie de S.T. Joshi, 505 pages, 21 nouvelles, environ 20 €)
Black Wings of
Cthulhu 2
Cette seconde
livraison est un peu plus mince que la précédente et peut-être légèrement moins
homogène, mais reste d’une qualité sans commune mesure avec la grande majorité
des cthulheries « de série » qui encombrent mes étagères.
• When Death Wakes Me to Myself, de John
Shirley, nous parle de Lovecraft, selon une perspective… qu’il serait dommage
de déflorer. Disons qu’elle est étonnante, un compliment rare dans l’univers
ultra-codifié du fantastique en général et du fantastique lovecraftien en
particulier.
• View, de Tom Fletcher, nous présente un
couple qui visite une belle maison avec vue, sous la houlette d’un agent
immobilier peu sympathique. Elle est un poil longuette pour ce qu’elle raconte,
et à un moment donné, je me suis supris à entendre Stéphane Plaza quand je
lisais les répliques de l’agent immobilier. Ça tue l’horreur, mais ça passe le
temps.
• Houndwife, de Caitlin R. Kiernan est une
variation sur Le Molosse, avec culte,
cérémonie et beaucoup de sexe lesbien, au point où j’ai pensé à une variation
cthulhienne de La vie d’Adèle. Elle
contient un fusil de Tchékov qui ne tire pas… et une narration destructurée
dans le temps qui m’a bien plu. L’un des intérêts de ces recensions est de
repérer des auteurs qui reviennent d’anthologie en anthologie, et dont les
nouvelles me plaisent davantage que la moyenne. Caitlin R. Kiernan en est un.
• King of Cat Swamp, de Jonathan Thomas,
se passe dans la banlieue de Providence, où un couple de Blancs aisés se
prépare à partir en vacances lorsque… Amusante, un peu grinçante, et elle nous
donne l’occasion de recroiser un personnage important de l’œuvre de Lovecraft.
• Dead Media, de Nick Mamatas, nous parle
d’une paire d’étudiants du XXIe siècle confrontés à un défi de
taille : trouver un dictaphone des années 30 pour lire le cylindre de cire
de Celui qui chuchotait dans les ténèbres,
parce qu’ils sont sûrs qu’avec la technologie moderne, on pourrait y entendre
davantage. Et en effet… Le petit côté
« enquête conventionnelle » du développement est largement racheté par la fin.
• The Abject, de Richard Gagin, est une
histoire de couple en crise, de vacances et d’éclipse. Elle aurait mieux
fonctionné sans le personnage secondaire qui raconte l’inévitable légende
indienne qui établi que, n’est-ce pas, le site est maudit depuis l’origine des
temps ou peu s’en faut.
• Dahlias, de Melanie Tem, ne fait aucun
effort d’explication et propose un casting minimaliste : une veille dame,
sa petite-fille et… une Chose. Elle dégage une plaisante odeur de choses
enfuies, de renoncement… J’aime bien les ambiances en demi-teinte.
• Bloom, de John Langan, est une autre
histoire de couple, qui pose une bonne question : que faire lorsque vous
êtes confronté à un mystère incompréhensible ? C’est loin d’être la
meilleure histoire du recueil, mais elle m’a plu, sans vraie raison.
• And the Sea Gave Up the Dead, de Jason
C. Eckhardt, nous parle du second voyage du captaine Cook, et des quelques
jours de janvier 1774 où il s’est aventuré « aussi loin au sud qu’il est
humainement possible ». Scoop : il y fait de mauvaises rencontres, au
fil d’une histoire solide, bien écrite mais sans fantaisie.
• Casting Call, de Don Webb, marie –
coucou – Le modèle de Pickman, les
années 70 et Rod Serling, producteur de séries télé d’horreur. Elle est
marrante, percutante là où il faut, mais croiser les niches ne les agrandit
pas, et elle n’aura d’intérêt que pour les fans de Lovecraft et de séries télés mal connues en
France.
• The Clockwork King, the Queen of Glass and
the Man with the Hundred Knives, de Darrell Schweitzer, m’a laissé un peu
perplexe et plutôt séduit – un peu d’horreur, un peu de démence, une touche de
quelque chose qui pourrait aussi bien être une psychose que les contrées du
Rêve, un ou deux effets du type « vous vous attendez à ce que l’histoire parte
par là, mais en fait non, je l’emmène plutôt par ici »… Bizarre, étrange
et plaisant.
• The Other Man, de Nicholas Royle est une
courte histoire à chute qui joue sur le thème du double. Il y est question
d’aliénation, et j’imagine que ça la rend lovecraftienne, mais franchement, si
on devait aller chercher des références historiques, je déterrerait plutôt
Hoffmann.
• Waiting at the Crossroad Motel, de Steve
Rasnic Tem nous fait attendre. Dans un motel. Avec des gens pas tout à fait
nets, qui attendent quelque chose de pas net du tout. Ambiance poisseuse et
miteuse, sueur et personnages déplaisants composent un cocktail assez réussi.
• The Wilcox Remainder, de Brian Evenson
est une histoire de fou(s) où figure une vilaine statuette tentaculaire qui
refuse de laisser tranquilles les gens assez malchanceux pour la ramasser.
C’est classique, bien fait, et j’ai bien aimé.
• Correlated Discontents, de Rick Dakan,
attaque Lovecraft par sa face la moins accessible : son racisme. Que se
passerait-il si on nourrissait un programme d’intelligence artificielle avec ses
cent mille lettres écrites entre 1915 et 1937, et qu’on le faisait discuter en
ligne avec des contemporains ? (La réponse tient une ligne, balancée par
une internaute à l’écho d’un homme mort depuis 1937 : « Après
l’Holocauste, on n’a pas le droit de parler comme vous le faites. ») L’ensemble
donne à réfléchir. Quant à l’emballage fantastique, il paraît un peu palôt par
contraste, mais marche également très bien.
• The Skinless Face, de Donald Tyson, est
une variation sur le thème de l’expédition archéologique qui fait une
découverte anormale et qui Va Avoir des Problèmes™. Elle est bien faite, rien à
dire, si ce n’est que bon, arrêtez-moi si vous la connaissez, c’est l’histoire
d’une expédition archéologique et elle va avoir des problèmes, et alors…
• The History of a Letter, de Jason V
Brock, est exactement ça, une lettre d’un auteur inconnu, envoyée d’un lieu
inconnu, à une date inconnue et à un destinataire inconnue, copieusement
annotée par un érudit qui spécule sur tous les points précédents. Comme
l’auteur est américain, quand la lettre mentionne le port, la baie et les
cornes de brume, son universitaire précise dans une note en bas de page que Paris
figure dans la liste des villes possibles… Il est possible que j’ai raté une clé évidente, mais si ce n’est pas le
cas, disons-le, les mystères opaques à tous les niveaux, ça me gonfle un poil.
• Appointed, de Chet Williamson, nous
intéresse au destin d’un acteur vieillissant, qui survit en vendant des DVD
d’un film d’horreur lovecraftien qu’il a tourné trente ans plus tôt. L’ambiance
de convention pleine de fans… décalés est bien rendue, et on a beau se douter
de la direction générale que va prendre l’histoire, on est agréablement surpris
par quelques détails.
Après cette lecture,
je garde Houndwife, Dead Media, Dalhias, Correlated
Discontents et Appointed, mais
j’aurais aussi bien pu retenir Waiting at
the Crossroad Motel ou And the Sea
Gave up the Dead. C’est la marque d’une anthologie de qualité.
(Titan Books, anthologie de S.T. Joshi, 390 pages, 18
nouvelles, environ 15 €)
Black Wings of
Cthulhu 3
Dix-sept nouvelles,
précédées comme d’habitude d’une préface de l’anthologiste, sont au menu de ce
volume 3. La liste des contributeurs ne surprendra pas les lecteurs des deux
précédents : on y retrouve beaucoup de noms familiers.
• Houdini Fish, de Jonathan Thomas, prolonge
De l’au-delà, une nouvelle de
Lovecraft du début des années 20. Elle démarre sur mode semi-humoristique, et
se finit comme il se doit : mal. Bon cru.
• Dimply Dolly Doofy, de Donald R.
Burleson, est courte et grinçante, et montre qu’on peut être d’une parfaite
orthodoxie lovecraftienne tout en adoptant un point de vue inhabituel.
• The Hag Stone, de Richard Gavin, est une
histoire de couple qui se fracasse sur l’invisible. Son plus gros point faible
est sa morale, celle de beaucoup trop d’histoires d’horreur depuis des
siècles : « la curiosité est un vilain défaut ». C’est un peu
dommage. Pour le reste, elle est sympathique.
• Underneath an Arkham Moon, de Jessica
Amanda Salmonson & W.H. Pugmire, nous ramène à cette maison abandonnée,
près du cimetière d’Arkham, où rôde une créature aperçue par Randolph Carter,
une créature Indicible. A bien la
regarder, c’est une reprise de la nouvelle de Lovecraft de ce titre, plus du
sexe glauque et une double dose de freaks. Bien faite, mais pas ma came.
• Spiderwebs in the Dark, de Darrel
Schweitzer, nous parle d’un sorcier, de la pluralité des mondes et de ce qui rôde
entre les mondes. Elle se lit bien, mais ne m’a pas fait vibrer plus que ça.
• One Tree Hill (The World as Cataclysm),
de Caitlin R. Kiernan, est un exercice d’ambiance dans un Village de
Nouvelle-Angleterre, où se dresse un arbre foudroyé au sommet d’une colline,
arbre qui fascine le narrateur. Elle à la fois diffuse et efficace, j’aime
bien.
• The Man with the Horn, de Jason V Brock,
nous parle de la solitude des petits vieux et du danger d’avoir des voisins qui
jouent du saxophone à des heures incongrues. Un poil grand-guignol à mon goût,
et je ne me souviens pas – ou je n’ai jamais lu – la nouvelle de T.ED. Klein à
laquelle elle répond.
• Hotel del Lago, de Mollie L. Burleson,
est oubliable. Vous connaissez l’histoire du voyageur qui s’arrête dans un
hôtel perdu et qui découvre qu’il s’y passe des trucs pas normaux ? Oui,
moi aussi. Déjà lue environ cent fois. Les détails changent, son déroulement
non.
• Waller, de Donald Tyson, est étrange,
ambitieuse, lovecraftienne sans être orthodoxe… et je n’y ai pas vraiment
adhéré, sans savoir pourquoi. La cosmogonie n’est pas en cause, peut-être
est-ce l’univers parallèle trop dââârk où atterrit le héros ?
• The Megalith Plague, de Don Webb, pose
une question simple : qu’est-ce qui pousse les ploucs d’un bled paumé au
milieu du Texas à construire quatre cents répliques de Stonehenge ? On
évolue à la frontière de la parodie, mais la fin rachète les petites faiblesses
du milieu.
• Down Black Staircase, de Joseph S.
Pulver Sr, est qualifiée par Joshi de « long poème en prose » dans sa
préface. Je suis tenté de parler « d’interminable purge », mais je mesuis assez acharné sur Pulver comme ça et, en fait, elle ne se lit mieux que
certains de ses autres textes. La narration est certes hachée et pénible à
déchiffrer, mais au moins, cette fois, il y a une histoire derrière…
• China Holiday, de Peter Cannon, nous
raconte des vacances en Chine parfaitement anodines, assaisonnées d’une larme
de Cauchemar d’Innsmouth. A mon sens,
c’est la nouvelle plus faible du recueil.
• Necrotic Cove, de Lois Gresh, me
confirme dans ma bonne opinion de cet auteur. On nous parle d’une amitié entre
deux vieilles femmes et de sa fin tragique, d’un lieu hanté… L’histoire, aussi
malsaine que désespérée, fonctionne à merveille.
• The Turn of the Tide, de Mark Howard
Jones, fait apparaître cet auteur sur mon radar, et je m’en vais voir ce qu’il
a fait d’autre. Une maison en bord de plage, un triangle amoureux et des
phénomènes anormaux à la fois flippants et inexplicables. Une réussite.
• Weltschmerz, de Sam Gafford, nous raconte
le malaise existentiel d’un petit bureaucrate, et la manière dont H.P.
Lovecraft va changer sa vie par l’entremise d’une séduisante jeune femme. Bonne
illustration de ce que veut dire « perdre de la santé mentale » au sens
rôliste du terme, mais à part ça, elle ne va bien loin.
• Thistle’s Find, de Simon Stranzas,
mélange savant fou, univers parallèles et goules, le tout dans un emballage qui
ne m’a pas passionné, peut-être parce que narrateur et personnages secondaires
sont tous antipathiques.
• Further Beyond, de Brian Stableford,
clôt le recueil comme il l’a commencé, par une variation sur De l’au-delà. Cette fois, c’est le
narrateur de la nouvelle de Lovecraft qui reprend la plume quelques semaines
plus tard, alors qu’il est aux prises avec un trio d’aspirants continuateurs de
Thillinghast. Le pastiche lovecrafto-victorien est impeccable, et la fin…
ambitieuse.
Après cette
lecture, Houdini Fish, One Tree Hill, Necrotic Cove, The Turn of
the Tide and Further Beyond sont
mes cinq préférées. Hotel del Lago et
China Holiday sont les plus faibles.
Le reste se laisse lire.
(Titan Books, 400
pages, 17 nouvelles, environ 15 €)
PS : Un autre son de cloche sur ce troisième volume, par Nébal.
Grand amateur de Lovecraft j'allais justement m'intéresser à ST Joshi et autres... Merci pour cet éclairage Mr Lhomme !
RépondreSupprimerEn bon amateur de Lovecraft qui adhère pleinement à sa vision de partage du Mythe avec d'autres auteurs et univers, je suis bien intrigué par ces anthologies dont je n'aurais jamais soupçonné l'existence (au même titre que les autres pastiches, d'ailleurs: moi qui croyait que le pastiche Lovecraftien était tombé en désuétude, alors qu'il n'était juste pas traduit chez nous...).
RépondreSupprimerPetit question: c'est de l'anglais ardu? Tolkien m'est encore à peu prêt accessible, mais Pratchett, par exemple, est très largement au dessus de mes compétences.
franchement, non, ce n'est pas super-ardu. Il y a quelques pastiches du style lovecraftien qui piquent un peu, et une poignée d'expériences stylistiques qui me font grésiller les yeux, mais la vaste majorité glisse toute seule.
RépondreSupprimerQuant à l'existence des pastiches modernes, je dois en avoir une trentaine de volumes, et c'est une goutte d'eau dans la mer...
RépondreSupprimerSur cette série en particulier : Black Wings IV est sorti chez PS Publshing et deviendra Black Wings of Cthulhu 4 chez Titan Books l'an prochain. S. T. Joshi annonce que Black Wings V est bouclé, et qu'il a signé pour un volume VI. On en a donc jusqu'en 2018. Au minimum.
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