Je connais Jean-Laurent Del Socorro depuis plus
d’une quinzaine d’années. Ensemble, nous avons fait du grandeur nature, du jeu
de plateau, du jeu de rôles… C’est lui qui m’a mis entre les mains mon premier
roman de GRR Martin. J’ai même collaboré à un ou deux scénarios de son JdR
Cirkus. Bref, c'est un ami. Cette proximité m’interdit d’écrire une critique
bienveillante sur son premier roman, intitulé Royaume de vent et de colères.
Par contre, elle ne m’interdit pas de lui faire de la publicité détournée en
lui posant cinq questions (une pour chaque doigt de la main). Comme il a déjà répondu a des entrevues sur Elbakin et sur ActuSF, je me suis permis de lui poser des questions plus... moins... enfin d'autres questions, quoi.
Quand je fais
une recherche dans Google avec « del Socorro + Marseille » je tombe
tout d’abord sur Anne Del Socorro, une photographe façon Anne Geddes. Une
parente à toi ? Et quand je cherche juste « del Socorro » j’arrive
sur la page Wikipédia d’un martyr mexicain béatifié par Jean-Paul II sur
laquelle on apprend que ton nom de famille viendrait de « du
Secours », comme dans Notre-Dame du Perpétuel Secours. Là encore, est-ce
un parent ?
Désolé, j’ai bien de la famille à Marseille, mais
aucune cousine qui s’appellerait Anne et qui serait photographe… et je ne pense
pas non plus un avoir un ancêtre martyr mexicain béatifié ! Pourtant, ça
m’aurait beaucoup plus. J’aurais pu écrire un jour la biographie de ce lointain
parent, et je l’aurais intitulé « Royaume de tacos et de chili ».
Par contre, mon nom vient bien de Notre-Dame du
secours, une vierge qui est priée en Espagne, notamment dans le sud. Ma famille
est originaire de la ville d’Elche, au sud de Valencia. Elle été anoblie par
l’église mais ça commence à dater de quelques siècles. On était loin de la
noblesse bourgeoise – plutôt du genre chevalier-paysan du lac du Paladru.
Ma famille a ensuite émigré au Maroc,
puis en Algérie avant d’arriver en France. Du côté maternel, on est italien –
de Sardaigne et de Sicile en passant par la Tunisie. Autant dire qu’avec tout
ce mélange, je suis un vrai Méditerranéen.
Avec un court
roman de 200 pages qui fait plus penser à une pièce de théâtre qu’à une
trilogie sur un jeune paysan qui se découvre une destinée de héros, es-tu sûr
d’avoir bien compris les attentes éditoriales des lecteurs de fantasy qui
n’aiment rien tant que les longs cycles ? Ou bien est-ce parce qu’il est
aujourd’hui plus facile de faire éditer un roman de fantasy que de monter une
pièce de théâtre ?
C’est vrai, j’aurais mieux fait d’écrire un roman
rétro-futuriste dans une Russie qui aurait fait écho à notre propre société, en
décrivant de façon introspective et avec finesse l’intimité quotidienne d’un
trio de personnages noirs-amers et marginaux… Pas de doute, avec un roman
pareil, j’aurais été totalement Mainstream.
Écrire une nouvelle longue est déjà un gros
challenge pour moi. La première fois que j’ai dépassé les 30 000 signes
pour un texte, c’est parce que le concours auquel je voulais participer ne
prenait pas en dessous ! Alors quand j’ai voulu m’essayer au roman et que j’ai
vu que c’était 250 000 signes minimum, forcément, il a fallu que je
m’organise un peu. Avec ces éléments-là de contexte, tu comprends bien que je
n’étais pas parti pour faire le Silmarillion…
Je pense qu’il est effectivement plus facile d’éditer
un roman – de fantasy ou pas – que de monter une pièce de théâtre (je parle
dans un cadre professionnel). L’intention n’était pas de faire une pièce mais
bel et bien d’écrire un roman – et un roman de fantasy. Ceci étant posé, je me
suis largement appuyé sur mes bases de comédien (je suis issu du
conservatoire), mais surtout de metteur en scène-dramaturge et de direction d’acteurs.
Car créer des personnages, c’est d’abord leur donner une intention, essayer de
les faire vivre, de les faire parler, voir si leur voix sonne justes ou faux,
reprendre leurs dialogues…. Il y a beaucoup de points communs entre donner vie
à un personnage sur une scène et dans un roman.
Mais plus que le théâtre, j’ai monté les chapitres comme
on monte un film, en visionnant les rushs, en les coupant, en les rallongeant,
en les retournant si la prise n’était pas bonne… La technique de création de
Royaume est vraiment un procédé hybride, entre littérature, théâtre et cinéma.
Marseille,
une guilde de voleurs, des magiciens… Dis donc, t’essayes pas de nous
refourguer un compte-rendu de campagne pour Ars Magica ou de raconter comment a
fini ton personnage de Te Deum pour un massacre, des fois ?
Je n’ai jamais joué à Ars Magica et je n’ai fait
qu’une partie de Te deum. Mais si ta subtile question sous-jacente est : « Ton expérience de joueur de jeu de
rôle et de meneur de jeu a-t-elle été utile pour écrire ton roman ? »
et bien la réponse est : non. Je n’ai ni repris des souvenirs de parties,
ni utilisé des techniques d’écriture de scénarios ou de créations d’univers.
Par contre, le jeu de rôle est un outil incroyable pour forger son imaginaire
et développer sa créativité. Je ne saurais que conseiller à ceux qui veulent en
apprendre davantage sur ce sujet l’excellente étude d’Olivier Caïra :
« Jeux de rôle : Les forges de la fiction »
Tu es
désormais employé par ActuSF. Est-ce vraiment un roman ou était-ce un test
préalable à l’embauche ?
J’avais décidé de ma réinstaller à Chambéry. Je
voulais depuis deux ans me reconvertir dans l’édition, si possible dans une
maison dédiée à l’imaginaire. Coup de chance, il y en a une en Savoie ! J’ai
démarché Actusf pour essayer d’y travailler. Je n’avais pas encore commencé mon
roman à ce moment-là. Et tout naturellement, c’est à Jérôme Vincent que j’ai
d’abord proposé le manuscrit de royaumes de vent et de colères. La suite, vous
la connaissez.
GRR Martin
vient de décéder, on te demande de prendre sa suite en écrivant l’ultime volume
de sa saga. C’est quoi, ta scène finale ?
Jon Snow tranche le trône de fer d’un coup d’acier Acier
valyrien puis se tourne vers Arya :
« Je ne suis, ni le roi, ni l’esclave d’aucun
trône, fut-il forgé de mille épées. Mais un frère. Et voici que débute ma
garde. Jusqu'à ma mort, je la monterai ».
La critique de Gromovar.
La critique de Gromovar.
C'est marrant, tu reprends l'expression récurrente du roman "Une pour chaque doigt..." et j'ai trouvé que ça, c'était vraiment un gimmick de rôliste pour incarner rapidement un personnage.
RépondreSupprimerJe me méfie doublement des romanciers qui prétendent que leur roman n'est surtout pas du JdR. Ils essayent à tous prix de tuer le père.
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