Messe noire


Note : Ce billet parle du livre, pas du film sorti récemment avec Johnny Depp.

Boston, dans les années 70. Un jeune agent du FBI, John Connolly, veut réussir au Bureau. Il a grandi dans Southie, un quartier difficile de Boston, et y a connu James « Withey » Bulger, un malfrat prometteur dont il a toujours été admiratif. Et le Bureau est alors obnubilé par une idée : mettre fin aux activités de la mafia italienne. Connolly, qui sait que Bulger est en cheville avec les Italiens, propose donc un marché au mafieux irlandais : tu deviens mon indic et je te couvre. Bulger accepte, et grâce au soutien inconditionnel du FBI, il va grimper tous les échelons du crime et finir par avoir sous sa coupe toutes les magouilles de Boston.

C’est donc une histoire de compromission absolue. Car pour protéger sa source, Connolly va progressivement transgresser tous les règlements du FBI. Rapports falsifiés, témoignages bidons, intimidation de témoins les rares fois où Bulger est inquiété… Il prévient même son protégé quand la police de Boston le met sur écoute. C’est au final l’histoire d’un agent du FBI qui se pense en total contrôle alors que dans les faits, c’est lui le dindon de la farce. Bien évidemment, il n’est pas le seul coupable : sa hiérarchie ferme complaisamment l’œil sur la situation pendant des années.

Et c’est donc 25 ans de magouilles bien dégueulasses. Des exécutions sommaires entre mafieux qui sont couvertes par le Bureau parce que soi-disant que Bulger aurait été d’une aide précieuse pour arrêter tel ou tel Italien. Mais Connolly mentait tellement qu’on doute de l’efficacité même des dénonciations de Bulger. Ça mangeait ensemble, ça se tapait dans le dos, ça se faisait des cadeaux et s’accordait des largesses. Il faudra des procureurs décidés pour finir par faire tomber toute cette clique, mais Bulger sera en cavale pendant des années, ne se faisait finalement pincé qu’à l’âge de 81 ans. Le FBI ne passe pas juste pour des truffes : c’est carrément du crime organisé. On est loin du mythe des G-Men à la J. Edgar Hoover. Et le pire, c’est que finalement il y a aura bien peu d’agents inquiétés par toute cette affaire. Ah oui : le propre frère de Bulger est sénateur républicain, ça vous dit le niveau…

Le bouquin est écrit par deux journalistes qui détaillent 25 ans de cette truanderie fédérale. Et c’est là qu’on se rend compte que n’est pas David Simon qui veut. Car si c’est informatif, c’est souvent répétitif et assez peu enlevant. Ils n’arrivent que rarement à évoquer l’atmosphère de l’époque, c’est loin d’être une plongée immersive dans Boston. Il faut me comprendre : j’adore les polars bostoniens de Dennis Lehane, j’ai l’habitude qu’il m’en mette plein les mirettes avec de l’authentique, du coup la comparaison n’est pas flatteuse.


Je suis donc très curieux du film qui sort avec Johnny Depp dans le rôle de Withey. Oui, le scénario va sans doute bousculer le réel et faire des approximations ou mentir un peu pour le bien de la tension narrative. Mais ça ne sera pas un mal car après 400 pages détaillants ces crimes et ces petits arrangements nauséabonds, le lecteur a besoin d’images et d’acteurs pour donner vie à cette histoire trop désincarnée sur le papier.

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