Sandman Overture de Neil Gaiman



Je suis un fan invétéré de Sandman, la meilleure chose et de loin que Neil Gaiman ait jamais écrite (vous pouvez vous en convaincre en lisant cette critique.) Par contre, je n'avais pas accroché (voire pas même été intéressé) par les spin-offs sortis quelques années après la fin de la série comme Endless Nights ou Dream Hunters. Mais lorsque j'ai appris que Sandman revenait pour une mini-série 20 ans après, série qui raconterait les prémisses de la série principale, j'étais suffisamment intrigué pour être tenté. Après avoir acheté les deux premiers numéros et n'avoir rien compris à la lecture du deuxième, j'ai arrêté les frais et acheté à la place l'édition complète quand elle est sortie.

Dans le continuum de Sandman (qui n'est pas d'une narration très linéaire), Overture s'insère avant le début de Préludes et Nocturnes, la première série (et donc le premier volume). Il s'insère même juste avant puisque la dernière planche de Overture est identique à la planche titre de Préludes et Nocturnes (mais mieux dessinée, puisque Préludes et Nocturnes est particulièrement moche). Quand la série principale commence, Dream, le héros de Sandman, est affaibli, et fait prisonnier par des sorciers à la petite semaine. Overture nous raconte pourquoi il est faible au point de succomber à cette médiocre invocation.

Graphiquement parlant, si Sandman a eu des hauts et des bas, Overture est plutôt sur le haut du panier. Le style est résolument 'comic américain', mais de bonne facture. Qui plus est J.H. Williams III a un don pour représenter l'impossible sans pour autant le rendre illisible. Certaines planches ont une inspiration presque Métal Hurlant période Druillet. Des découpages improbables, des explosions de couleurs, des cadrages instables. C'est ce qu'il faut d'ailleurs pour évoquer une histoire dont la portée est cosmique, au sens propre.

Mais c'est pourtant sur l'histoire elle-même que je suis un peu déçu. La magie de Sandman est largement dans sa construction, dans la manière dont les petits détails des débuts s'avèrent être des éléments majeurs de la trame plus tard. En collant cette pièce rapportée 25 ans après, Gaiman essaie de la raccrocher aux branches de la même manière, mais ça ne prend pas (ou en tous cas, pour moi ça n'a pas pris). Reste donc l'histoire en elle-même, qui est à la fois confuse et trop centrée sur Dream lui-même. Vous me direz, quelle surprise à ce que le personnage central soit le héros de la série ? Aucune, dans l'absolu. Mais Dream n'est pas un personnage particulièrement attachant, et les histoires qui fonctionnent le mieux (pour ainsi dire presque toutes les histoires de la série originale à part le dénouement final, et encore) tournent autour de Dream, mais ne sont pas focalisées sur lui. Dream est important à travers un casting fantastique de seconds rôles. Ici il est en première ligne et... on a du mal à s'intéresser à ses problèmes, même si l'enjeu est la fin du monde.

Je relis ce paragraphe et je me dis que c'est sans doute un peu sévère: le bouquin n'est pas un échec, il n'est pas désagréable à lire, il y a de l'ambition et un respect du corpus principal qui est louable. Mais il n'est pas à mon avis à la hauteur de l'attente. Du coup, ça vaut sans doute le coup pour les complétistes et les fans de la série, mais c'est largement dispensable pour les autres. Lisez déjà les 10 tomes de la série principale, ils sont quand même d'une autre trempe.
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Mise à jour : l'avis du Lecteur.
Je suis un gros fanboy de Sandman depuis le jour où j'ai réussi à passer l'étape "oh mon dieu les dessins me font saigner les yeux" et enfin lu la chose. Au fur et à mesure des années, Gaiman est revenu visiter plusieurs fois son univers. Avec Death, avec Destiny, avec Lucifer, avec deux versions magnifiques des Dreamhunters, avec une version commentée, une autre "absolute", les boys detective, la sorcière, etc. J'en ai lu la plupart avec un plaisir inégal (la version commentée est anecdotique).
J'ai donc piaffé d'impatience à l'annonce de Sandman: Overture et acheté les singles à leur sortie, au compte-goutte, tous les mois comportant une semaine à quatre jeudis. Je rigole mais la publication a été très très étalée.
Comme Ben, j'ai toujours eu ce sentiment que le début indiquait un Dream faible et qui avait perdu ses attributs de puissance (masque, sac de sable, rubis). Pour le 25è anniversaire de la série, Neil Gaiman nous offre une "Overture" pour la symphonie Sandman, qui n'est autre qu'une préface. Ce n'est pas un point d'entrée. Et, d'ailleurs, je n'ai jamais conseillé à personne Préludes & Nocturnes pour découvrir la série (je conseille plutôt Saison des Brumes avec deux mots d'explication).

Ainsi, l'histoire est là pour ceux qui ont déjà lu le reste. Ce n'est pas un nouveau tome 1 mais un tome 0 (voire un tome -1), destinés aux lecteurs de la série. Une scène coupée. Un bonus. Un plus. Et, à mon avis, c'est une très grande réussite. L'histoire ajoute à l'univers de Sandman, répond au mystère du début de la série, reste dans l'onirisme de l'univers, avec de grands enjeux et se tient. C'est bien écrit (mieux que nombre des spin off) et on sent que Gaiman a eu à cœur de proposer quelque chose à la hauteur de sa série de légende. De plus Overture offre un graphisme superbe : la plupart des planches couvrent deux pages avec des courageuses mises en page et un dessin de grande qualité. Sans parler des deux couvertures magnifiques pour chaque single. Mon cœur a saigné à chaque numéro, à choisir l'une plutôt que l'autre... Bref, je suis ravi.

Commentaires

  1. Même sentiment. Billet (proche) dans la journée sans doute.

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  2. Purée, pour une fois que je grille Gromovar ;-)

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  3. Sentiment opposé sur l'histoire (j'aurais pu vous griller tous les deux, vu que j'ai lu les singles ;).. Je suis trop gentil, des fois.

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  4. Je n'ai pas encore lu la bête, et je ne me précipiterais pas... surtout après ce billet. Gaiman, pour moi aussi, c'est l'histoire d'une cruelle déconvenue. Gaiman, c'est l'homme d'une seule oeuvre dans mon coeur: je le sanctifie avec Sandman, et après, plus rien. 1602? Un pétard mouillé auquel le scénariste ne croit pas lui même (la série lui sert en fait à financer son procès contre McFarlane). Les Eternels? La série est sauvée par le travail graphique de Romita Jr. Pour le reste, autant revenir à la source et aux travaux de Kirby.

    Il n'y a que côté roman que l'on peut retrouver le Gaiman de Sandman, et encore. A part Stardust, remarquable, il reste American Gods (la qualité de l'écriture est un peu vaine quand les idées, aussi intéressantes soient-elles, sont aussi peu novatrices), Neverwhere (là encore bien mené mais pas toujours original) et De Bons Présages (qui vaut plus pour les apports de Pratchett, à mon avis).

    Bref...

    Sinon Endless Nights vaut quand même le détour, surtout pour le côté "dream team" des auteurs qui accompagnent Gaiman. La séquence dessinée par Frank Quitely est l'un des travaux que je préfère du dessinateur (qui travaille bien mieux sur une série limitée, avec du temps devant lui, que sur une série régulière: j'ai toujours trouvé ses épisodes des X-Men assez moches).

    Quelqu'un a-t-il jeté un oeil sur le bouquin sorti cette année sur Gaiman? (http://www.amazon.fr/Tout-lart-Gaiman-Hayley-Campbell/dp/2364802962) Il vaut la lecture?

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  5. J'ai mis à jour.
    Endless Night est une daube. Manara y cachetonne. Gaiman aussi. La seule histoire - excellente - est celle de Destiny.
    Dans les spin off, ceux qui valent vraiment le détour sont :
    - Death
    - Lucifer (non écrit par Gaiman mais par Mike Carey)
    - les deux versions de Dreamhunters

    Pour les comics de Gaiman je suis d'accord mais par contre je recommande :
    - Mirrormask
    - Coraline (roman ET film)
    - Neverwhere (roman et podcast mais pas comic)
    - De Bons Présages (roman et podcast)
    - American Gods et Anansi Boys
    - Stardust (roman, comic et film)

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  6. Destiny est justement l'arc dessiné par Quitely. On se rejoint au moins sur celui-là ^-^

    J'avais oublié Dreamhunters; je n'ai aucun souvenir de deux versions par contre: il s'agit de quoi? Je me souviens de prose (magnifiquement) illustrée par Amano. Il y a eu une suite?

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  7. A l'origine, c'est une texte illustré par Amano. Mais il y a quelques années, une version BD de la même histoire est sortie, illustrée par J.H. Williams III (et une cover alternative d'un des singles par Mignola, au passage).
    J'ai découvert aussi qu'ils avaient ressortis Sandman en version Absolute 2 volumes (encore plus gros, encore plus lourds).

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  8. https://en.wikipedia.org/wiki/The_Sandman:_The_Dream_Hunters#Comic_book_adaptation

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    1. Ah ouais, les adaptations de P. Craig Russel... je les ai en horreur. Je vais en rester à l'original donc :)

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  9. Je l'ai aussi attendu, beaucoup.
    Et je rejoins le Lecteur : ce Sandman m'a ébloui. Graphiquement, il est exceptionnel. L'histoire, ce n'est pas inoubliable, mais d'une qualité suffisante pour que je le classe dans mes meilleures lectures de l'année.
    Par ailleurs, je conseille aux curieux le très bon The Ocean at the end of the lane, à mon avis sa meilleure novella, et l'exceptionnel Trigger warning, son dernier recueil de nouvelles (à mon avis le format dans lequel il est le meilleur).
    Thabanne

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  10. Je suis content de voir qu'on est pas tous d'accord!

    Thabanne, effectivement j'ai beaucoup aimé Ocean à la lecture même si avec le recul il ne m'a pas laissé une impression très forte (alors que Graveyard Book / Nobody Owens, si...)

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