Le cirque de Baraboo, par Barry B. Longyear (1980)





Au XXIIe siècle, le dernier cirque se meurt, étranglé à petit feu par un mélange toxique de bureaucratie et de capitalisme. Dans un effort désespéré pour prolonger son existence, son patron embarque tout son petit monde pour les étoiles, un potentat extraterrestre ayant exprimé le désir de goûter à ce divertissement terrien exotique.

Et donc, une bande de sacripants pris d’une ultime bouffée de jeunesse se lance dans une dernière aventure. Des peuples improbables s’initient aux subtilités du spectacle forain. Le Ville de Baraboo, un croiseur spatial reconverti, promène éléphants, clowns et trapézistes sur de lointaines colonies humaines pour le plus grand bonheur des enfants de tous âges.

Le patron du cirque a une némésis qui passe tout le bouquin à essayer de le couler, avec l’aide intermittente d’un méchant empire militariste. Chapitre après chapitre, les uns comme les autres s’y cassent les dents.

Oui, c’est Sous le plus grand chapiteau du monde dans l’espace. Et alors ? C’est aussi de la SF des années 70, où les ordinateurs du XXIIe siècle tournent avec des bandes magnétiques et où les délais d’encaissement d’un chèque peuvent encore nourrir une intrigue. Pas grave ! L’histoire est too much, à un point dont vous n’avez pas idée ? Aucune importance.

Parce que, voyez-vous, j’ai un moyen simple de juger de la qualité d’un roman : s’il est bon, j’ai envie de le prêter. S’il est très bon, mes chers et excellents amis oublient de me rendre. Or, depuis le milieu des années 80, j’ai dû racheter Le cirque de Baraboo une demi-douzaine de fois[1].

Après l’avoir oublié pendant une quinzaine d’années, je l’ai racheté une énième fois il y a peu. Entre nous, j’en avais un souvenir tellement magique que je craignais d’être déçu. Moralité, je l’ai relu en une soirée et j’en suis ressorti avec le sourire du gars qui croyait se faire un plaisir régressif… et qui vient de découvrir qu’en fait, dans les années 80, il avait meilleur goût qu’il ne le pensait.

La narration est rapide, à un point déconcertant à une époque où l’on n’est pas pris au sérieux si l’on n’emballe pas son histoire en moins de 400 pages plus les annexes. Tout s’enchaîne d’autant plus vite que je suis prêt à parier qu’il s’agit d’une série de nouvelles rhabillées pour une publication en volume.

À côté de ça, c’est humain. Juste humain. Les personnages ont beau être vite croqués, ils sont tous attachants – assez pour qu’on souffre avec eux quand les choses tournent mal, ce qu’elles ne manquent pas de faire en fin de roman, car dans ce genre d’histoire, ça va toujours très mal avant d’aller mieux.

Sans trop y croire, et parce que nous sommes sur un blog peuplé d’auteurs intelligents et de lecteurs d’élite[2], je me sens obligé de mentionner que Le cirque de Baraboo n’est pas tout à fait un pur divertissement : l’auteur glisse discrètement quelques réflexions sur la résilience des sociétés humaines face à l’adversité, tout ça tout ça[3]. Mais je dis ça juste pour faire tomber vos derniers scrupules, hein. J’ajoute que ce petit poche se trouve facilement sur Amazon et eBay pour environ 1 euro. À ce prix, la barbe à papa n’est pas incluse, mais bon, on ne peut pas tout avoir.




[1]  À peine moins qu’Armaggedon Rag.
[2] Et vice versa.
[3] Je dois au Le cirque de Baraboo une métaphore que j’ai utilisée pendant des années pour décrire le travail de meneur de jeu, celle du muscien de cirque : un boulot qui consiste à donner l’impression qu’on fait danser les éléphants, alors qu’on s’échine à rester une demi-mesure derrière eux.

Commentaires

  1. Je suis passé au travers dans mes jeunes années. Merci pour cette critique, je vais de ce pas le trouver. (Merci aussi d'avoir cité Armaggeddon Rag, ça illumine mon après midi).

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