Mordiou de Jean-Guillaume de Grümph



Mordiou, le dernier Grümph est un bijou ludique
Moderne, alléchant, il donne envie de jouer
Pas d'OSR en vue, de simples mécaniques
Des fans de mousquetaires il me reste à trouver!

John Grümph est sans doute l'auteur le plus prolifique de la scène JdR Française, et Mordiou est le 6ème jeu qu'il publie sous son label Chibi en moins de deux ans. Par contre, ce dernier bébé tranche pas mal avec les productions précédentes puisqu'il ne comporte aucun fantastique (contrairement à Dragon de Poche, La Lune et Douze Lotus et Terra X) et n'est pas basé sur une mécanique OSR (contrairement à Dragon de Poche, Terra X, White Lies et Nanochrome).

Intrigué par cette proposition rafraichissante, je me suis donc procuré le court ouvrage (140 pages de poches) qui se lit en moins de deux heures. Le jeu propose, vous vous en doutez au vu du titre et de la couverture, de jouer des aventures de cape et d'épée dans une France au parfum Louis XIV.

Je ne savais pas à quoi m'attendre, pour tout dire, et une fois de plus le Grümph trouve le moyen de surprendre son monde avec une approche tout à fait différente de tout ce qu'on a pu voir jusqu'à présent. La mécanique est intéressante et colle tout à fait bien au style débridé que le jeu veut émuler, mais plus encore l'approche conceptuelle de l'univers de jeu est novatrice et pour tout dire géniale. Je précise que je me suis pour le moment contenté de lire le jeu, dans l'attente de trouver des rôlistes à Hong Kong qui aient lu les trois mousquetaires ou (à tout le moins) vu la série de la BBC.

Mécaniquement donc, le jeu est simple mais semble plein de subtilités. Un personnage se construit autour de trois notions:

  • quatre aspects qui le définissent (son apparence publique, une chose qui lui complique la vie, ses relations avec autrui, et la manière dont il se bat). 
  • des bonus allant de +0 à +3 répartis entre différents styles (Attention, Eloquence, Erudition, Panache, Résolution, Ruse ou Vigueur). 
  • la jauge de Bonne Fortune qui détermine l'état général du personnage à la fois physique mais également mental et social. 


Les jets se font ensuite en lançant jusqu'à 8D6: le style choisi + bonne fortune et 2D6 de bonus si un aspect s'applique. Chaque résultat pair représente une réussite (appelée 'qualité'). Avant de lancer les dés, le joueur peut retrancher 2D6 à son jet pour ajouter un qualificatif à son action (discrètement, rapidement...)

La mécanique des conflits est intéressante puisqu'elle permet tout autant de s'écharper au fleuret que de moucher publiquement un faquin ridicule. Les qualités obtenues sont réparties entre différents choix d'actions qui font baisser la jauge de bonne fortune des adversaires ou confèrent des avantages temporaires au personnage. A la lecture ça semble éminemment tactique et donne envie d'être testé en vrai.

Le coup de génie de Mordiou toutefois n'est pas dans la mécanique (bien qu'elle soit très chouette) mais dans la manière de construire l'univers de jeu. La grosse difficulté des jeux historiques c'est bien évidemment l'histoire elle-même: non seulement les contraintes des événements mais également la connaissance même du MJ par rapport à celle des joueurs. Mordiou pousse la maxime de Dumas sur le viol de l'histoire jusqu'à son comble en créant non pas des personnages historiques mais des figures.

Les figures sont au nombre de dix (Le Roi, La Reine, Le Cardinal, L'Impératrice, etc.) et représentent pour ainsi dire un archétype des personnages des livres d'histoire. Dans Mordiou, on ne sait pas si le Cardinal est Mazarin ou Richelieu, c'est simplement Le Cardinal. De même pour toutes les autres figures. Du coup l'exactitude historique n'a plus lieu d'être, c'est uniquement le ressort narratif que représentent ces Figures qui compte. Le gros avantage c'est qu'au lieu de devoir louvoyer entre l'historique et le fictif, d'essayer d'inventer des choses dans les interstices peu connus ou non décrits de l'histoire, le MJ a toute liberté de faire un mash-up du genre sans que les joueurs ne s'en offusquent. On pourrait dire que Mordiou propose de jouer dans une histoire a-historisée.

En décrivant l'entourage de toutes les figures, Mordiou propose donc une foultitude de PNJs truculents, inquiétants ou séduisants. Il pose ainsi les bases de moult complots et autres intrigues, matière première rêvée pour jouer de manière fidèle au genre mais néanmoins au pied levé ou presque. Le jeu propose même quatre courts synopsis de scénarios pour le MJ qui n'a pas eu le temps de se plonger dans la description de la cour et de ses intrigues.

Bref, bien que je n'ai pas eu le temps de le tester, à la lecture Mordiou me semble plus que remplir son contrat. En sortant de ses sentiers battus, John Grümph nous fait une proposition de jeu claire, moderne et alléchante. Vivement que je trouve des fans de mousquetaires ici!

Commentaires

  1. Diable, je m'étais enfin décidé à passer commande chez Lulu de la collec' du Grumph, dont je n'avais pas encore un seul ouvrage, il faut que j'y retourne du coup, car ça donne bien envie!

    Question: est-ce que l'on se situe dans la lignée de White Lies en terme de contenu, c'est à dire plus des propositions et outils autour d'un genre, plus qu'un système et un univers finalisé dans ses moindres détails?

    Par "finalisé", je ne veux pas dire "complexe", mais plutôt d'un système qui ne renvoi pas régulièrement à l'interprétation ou à l'improvisation du MJ. Comme la différence entre dire que les munitions sont infinies (c'est simple mais complet) et une règle qui dit qu'il faut tenir compte des munitions pour être dans le style mais laisse le MJ libre de choisir comment.

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  2. Côté système c'est un jeu complet et pas à tiroirs. Côté Univers, c'est un jeu modulaire mais avec quand même quatre synopsis de scénars. C'est pas figé figé mais quand même assez solide, je pense.

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