Tales from the Loop est un jeu de rôles opportuniste. C’est
un univers qui a d’abord connu une existence purement graphique car ce sont
avant tout des illustrations de Simon Stålenhag mettant en scène des enfants dans un décor suédois rétrofuturiste. On
y voit un étrange mélange de design avancé (avec des robots, de la technologie
rouillée, des véhicules volants…) et de vieilleries des années 80. Et c’est
vrai qu’il se dégage une atmosphère aventureuse de ces dessins. On voit des
gamins dépassés par des dinosaures ou des bâtiments futuristes, mais le tout
avec une vieille patine nostalgique. Mais un univers graphique dément, c’est
bien, encore faut-il qu’il arrive au bon moment. Et la diffusion de série
télévisée Stranger Things est le
deuxième élément déclencheur de ce jeu. Nous avons été des millions à suivre
les aventures de ces gamins amateurs de D&D qui luttent contre une
démogorgon prenant pied dans la réalité de ces années 80. Il y avait une
demande pour ça, Netflix l’a flairée en premier, et les Suédois de Free League leur ont emboité le pas en
se contentant d’adapter leur système de jeu maison (qu’il avait déjà décliné
avec succès en post-apo avec l’excellent Mutant
Year Zero et la SF arabisante avec Coriolis)
à cette nouvelle ambiance.
Tales from the Loop raconte donc comment des gamins sont
confrontés à l’étrange quand leur ordinaire se fissure. Ils vivent tous à
proximité de la Boucle, un accélérateur de particules installé là dans les
années 60 et qui explique pourquoi la technologie a fait un bond avec ces
années 80 où des robots et une technologie anti-gravité existent. Les parents
des gamins travaillent à la Boucle, ou vivent grâce aux gens qui travaillent
dans ce centre de recherche. Quoi qu’il arrive, les adultes n’écouteront pas
les gamins (« Mais si, papa, j’te
l’jure : la nuit, y’a une drôle de lumière qui brille dans l’étang. »),
trop occupés qu’ils sont à divorcer ou faire des trucs de grands. Les gamins ne
pourront compter que sur eux-mêmes pour affronter l’inconnu. Ils se promèneront
dans les environs en vélo pour constater qu’un savant un peu fou fait des
choses bizarres dans son sous-sol ou que des dinosaures passent par une faille
spatio-temporelle. Il faudra sauver le monde, certes, mais ne pas oublier de
sortir les poubelles et de réviser pour l’interro de maths du lendemain. Oui,
on pense aussi au Ça de Stephen
King, évidemment. Les Goonies. Super 8. Le Clan des 7, le Club des 5
et toute la smala.
Financé via
Kickstarter, le jeu a été proposé simultanément en suédois et en anglais. Et
sachant qu’on n’attirait pas les mouches avec du vinaigre, les petits gars de
Free League ont très vite expliqué que par défaut, le jeu se déroulait en Suède
(plus précisément dans les îles
Mälarens) mais qu’ils proposaient une adaptation américaine en
relocalisant la Boucle dans le Colorado (à Boulder). On se retrouve donc avec
un jeu proposant deux décors très cousins. Sauf que les illustrations
originelles mettent si superbement en images la Suède d’antan que la version
américaine semble bien tristounette, en comparaison. Surtout que les USA, c’est
du mille fois rabâché, alors que la Suède, c’est rafraichissant. Évidemment, si
l’ambiance scandinave n’est pas votre tasse de thé, il est très aisé de décider
que la construction de la Boucle a été initié dans la Creuse par le général de
Gaulle, ou que l’accélérateur a été construit non loin d’un barrage
hydroélectrique québécois. Il est très aisé d’adapter le concept à son pays
(sauf, peut-être, si vous êtes rôliste au Vatican).
Mécaniquement, chaque gamin est doté de quatre
caractéristiques et douze compétences. Pour réussir une action, on lance autant
de d6 que la somme des scores de la caractéristique et de la compétence, et il
faut obtenir au moins un 6 dans le tas pour réussir une action classique. Il y
a toute une mécanique pour relancer les dés via des points de chance. Comme
souvent avec ce genre de jeu, les règles proposent huit archétypes (le sportif,
le rat de bibliothèque, le plouc…) pour aider les joueurs à rapidement créer un
alter ego. C’est simple et efficace. Rien de follement innovant,
entendons-nous, mais ça s’explique en quelques minutes. C’est un jeu idéal pour
une partie improvisée. Le livre propose quatre scénarios (un par saison de
l’année) et explore également l’idée de gérer la région comme un grand bac à
sable dans lequel les gamins peuvent se promener à leur aise pour découvrir des
situations improbables (« Si, c’est
vrai : le robot a mangé ma rédaction. C’est pas ma faute ! »).
Tales from the Loop
est la preuve qu’on peut faire les choses par opportunisme sans pour autant
saloper le boulot. Oui, c’était un projet Kickstarter gorgé de nostalgie. Oui,
c’est un peu facile d’écrire un jeu de rôles où l’on incarne de jeunes rôlistes
qui éteignent leur Commodor 64 pour affronter des choses incroyables. Mais ça
fonctionne très bien. C’est un pitch très facile à vendre à des joueurs, la
mise en place est simple, on n’a pas à passer deux plombes à expliquer à quoi
ressemble l’univers de jeu. « En
fait, c’est une version des années 80 qui n’ont pas eu l’occasion d’exister ».
On met un best of de Queen en fond sonore et c’est parti
pour des heures de plaisir authentique. Que demande de plus ? Peut-être un
suivi de gamme avec une campagne ou un recueil de scénarios, ce qui gommerait
cette impression que ce n’était qu’un coup de marketing diablement efficace.
Yabon Banania quoi ^-^
RépondreSupprimerCe jeu me faisait de l'oeil, ne serait-ce qu'en raison de son éditeur qui fait des chouettes produits. J'attend la version arbre mort avec impatience du coup.
Question: les setting suédois et américains sont tous les deux proposés dans le livre de base en anglais, ou chacun est dispo en fonction de la langue du bouquin? (ce qui serait couillon, mais bon)
Ils sont tous deux dispos dans le livre de base.
RépondreSupprimerMême les scénarios sont pensés pour être facilement adaptable de l'un à l'autre (les cartes sont en doubles ainsi que les noms des PNJ, par exemple).
L'ensemble, mécanique et contexte ressemblent furieusement à troublemakers
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