Avertissement : ce livre est l’un des cinq finalistes du prix Horizons
imaginaires. Or il se trouve que mon propre roman « Et si le
Diable le permet » fait lui aussi partie de la compétition. J’ai donc
décidé de lire les livres de mes quatre rivaux pour me faire ma propre idée.
Spoiler alert : comme ce sont des gens avec qui j’ai mangé des petits
fours et bu des canons lors de la soirée de lancement (et que je suis amené à
les recroiser dans notre microcosme québéco-québécois), ne vous attendez pas à
une critique assassine mais à de la bienveillance confraternelle. Sauf que j’ai
quand même méchamment envie de gagner.
Or donc, Les Rivières suivi de Les Montagnes de François Blais. Deux
nouvelles qui se répondent mais pas tout à fait. Les Rivières se déroule dans un centre d’achats où une petite fille
est sur le point de se faire enlever. Plusieurs suspects ou témoins sont
présents, et l’auteur nous dresse leur portrait en soulignant la banalité de
leur vie. La fillette finit par se faire enlever, tel qu’annoncé, et ces beaux
personnages disparaissent sans avoir servis à autre chose qu’à peupler ce décor
volontairement anodin. Les portraits, d’un cynisme consommé, sont très
plaisants à lire. Une allusion à Cthulhu puis une autre à Magic: the Gathering m’ont
fait me demander si François Blais ne serait pas un adepte des jeux de rôles,
car ce déballage de backgrounds de personnage qui ne sont finalement pas
utilisés m’a fait penser à ce petit travers dont nous souffrons souvent, nous
les rôlistes.
Les Montagnes met
en scène un romancier dans la cinquantaine qui se rend dans une maison isolée
(construite par un ancien sympathisant nazi néerlandais) pour écrire. Les lieux
sont hantés par une petite fille. Là encore, l’auteur détaille les milles et un
détails du petit quotidien. Évidemment, un écrivain qui met en scène un
écrivain, c’est la tentation de parler du métier, de tacler les confrères (en
particulier les auteurs du dimanche qui ajoutent « Auteur » dans leur
nom sur Facebook). Il y a un twist final que j’ai trouvé un peu artificiel, d’autant
qu’un des indices l’annonçant est dans une langue étrangère que je ne parle pas.
Je dois avouer que depuis que je suis père d’une petite
fille, les histoires qui maltraitent des fillettes me hérissent le poil. J’avais
essayé de lire Les sept jours du Talion
de Patrick Sénécal, mais j’ai dû vite abandonner ma lecture car ces histoires
appuient sur des boutons que je ne souhaite pas activer. J’étais donc dès le
départ sur la défensive avec ce double-récit d’un enlèvement dans un centre
commercial (la description qu’en fait François Blais est hyper réaliste, il
ressemble vraiment trait pour trait à celui que je fréquente avec ma fille) puis
d’une maison hantée par une jeune victime. J’ai vraiment eu un sentiment d’inachevé
avec la première histoire : c'était comme regarder un jongleur
jeter plusieurs quilles en l’air. Je me disais « Wow, il vient de lancer dix
quilles, ça va être dingue de le regarder jongler avec autant de choses ».
Puis j’ai vu les dix quilles retomber au sol et j'ai compris qu'il n'avait jamais prévu de jongler.
Je me suis obligé à lire ce livre à cause de ce défi que je
me suis imposé, mais en tout franchise, ce n’est intrinsèquement pas un roman
fait pour moi. Et je comprends tout à fait qu'il plaise à ses monstres sans coeur qui n'ont pas de fille.
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