Le Signal, de Maxime Chattam (2018)

Avertissement : ce roman m’a été envoyé par l’éditeur avec les compliments de l’auteur. Je ne pense pas que ça ait influencé ce billet, et de toute façon, comme je n’avais rien lu de Maxime Chattam jusqu’ici, je serai sans doute passé à côté autrement.




Donc, nous sommes à Mahingan Falls, une charmante petite ville de la côte du Massachusetts[1]. La famille Spencer quitte New York et son stress pour s’installer dans ce ravissant petit coin situé à un jet de pierre de Salem et à peine plus loin d’Arkham[2]. Oh, il s’y est bien passé quelques bricoles, autrefois, Indiens massacrés, sorcière brûlée, tueur en série, mais c’est loin tout ça, et leur nouvelle maison est si jolie ! Ah oui, il y a aussi eu une disparition, récemment, mais les adolescentes fugueuses, ça existe partout, y compris dans ce paradis isolé du reste du monde.

Entre nous, les Spencer auraient mieux fait de rester à mijoter dans leur bain de pollution à l’ombre des gratte-ciel. Leurs malheurs et ceux des autres habitants de Mahingan Falls – et croyez-moi, ils vont tous en baver – occupent 740 pages. Ils progressent conformément à la tradition, de petites anomalies en morts suspectes, puis de morts suspectes en scènes finales à très grand spectacle. Au passage, on fait la connaissance d’un paquet de personnages secondaires, bien campés. J’ai failli écrire « PNJ », tellement ils semblent prêts à être importés dans un scénario de L’Appel de Cthulhu. La même réflexion vaut pour la phase d’enquête qui commence lorsque les héros comprennent qu’il se passe un truc pas normal, d’ailleurs. Éclatée en trois groupes qui creusent des pistes différentes chacun de leur côté, elle a un dynamisme qui n’est pas si facile à obtenir[3].

De toute évidence, Maxime Chattam s’est imprégné du genre au point où on pourrait disséquer Le Signal pour en tirer le canevas d’un roman d’horreur-type. Pour des gens qui découvrent le genre, ce sera sans doute une révélation, d’autant que l’auteur a du métier : la narration est efficace, le style sait se faire oublier, les chapitres sont courts et dynamiques… bref, tout est en place pour que la suspension d’incrédulité opère. Pour des connaisseurs, ce sera sans doute plus compliqué : Le Signal se lit avec plaisir, mais le souvenir tous ses prédécesseurs finit par faire un peu écran.

Parce que des prédécesseurs, il y en a, et même un gros paquet. Il fut un temps, dans les années 1980 et 1990, où l’horreur était un genre à la mode. Stephen King enchaînait les best-sellers, mais il était loin d’être seul. J’Ai Lu sortait au moins un roman par mois dans sa collection Épouvante, et Presse Pocket n’était pas en reste avec la collection Terreur. L’une et l’autre m’ont permis de découvrir un paquet d’écrivains américains diversement mémorables, qui mariaient surnaturel, sexe et violence dans des dosages variables.

Et puis, la mode est passée. Stephen King ? Il est toujours là, increvable, et il restera sans doute dans le paysage jusqu’à sa mort et au-delà. Dean R. Koontz produit toujours, mais il n’est plus guère traduit en français. Graham Masterton commet d’illisibles thrillers. Quant à Clive Barker, il ne publie plus[4].

Quelque part, je me dis que si un écrivain à succès comme Maxime Chattam prend le temps d’écrire un roman d’horreur, c’est peut-être une espèce d’hirondelle annonçant le printemps. Une hirondelle morte-vivante annonçant un printemps sanglant. On verra d’ici quelques années si Le Signal a été le coup d’envoi d’une renaissance du genre ou une simple parenthèse dans l’œuvre d’un auteur prolifique.

En attendant, si vous avez envie de vous faire peur juste ce qu’il faut, ou si vous voulez lire quelque chose qui peut se désosser sans aucun mal pour en tirer un scénario de jeu de rôle, Le Signal est un très bon choix.

Le Signal, Albin Michel, 23,90 €.



[1]Cartographiée par Olivier Sanfilippo, un nom qui dira peut-être quelque chose aux rôlistes de l’assistance.
[2]Finalement, le choix de la Nouvelle-Angleterre est ce qui me dérange le plus dans Le Signal. À force, Arkham perd de son charme et Salem de son éclat, et ce qui aurait été vraiment novateur aurait été de situé un roman d’horreur ailleurs. Dans le Maine, peut-être ? Pas celui de Stephen King, le nôtre, du côté du Mans…
[3]Impossible autour d’une table de jeu, en général, et difficile en roman. Cela dit, Chattam n’échappe pas complètement au syndrome du « gavage informationnel » où un personnage débarque pour expliquer des trucs indispensables à la compréhension de l’intrigue…
[4]Tout le monde mentionne Stephen King, et Le Signal est truffé de clins d’œil à son œuvre, mais si je devais affilier Le Signal à l’œuvre de ce ces quatre-là, je le rangerai plutôt entre Masterton, pour les scènes gore, et Koontz, pour la manière dont il manie l’arrière-plan surnaturel.

Commentaires

  1. Il y a encore quelques années j'étais très réticent à lire du Chattam, pour moi c'était le Musso du thriller. Et puis je l'ai lu par pure curiosité et finalement c'est pas si mal, ça se laisse lire sans déplaisir. De ce que j'ai lu "Que ta volonté soit faîte" était le plus malin et le plus intrigant, en fait j'irais jusqu'à dire que c'est très bon. Mais du coup tu as aimé Le Signal ? Parce que je trouve ta critique très descriptive, mais tu prends assez peu parti il me semble ?

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  2. Comme toujours avec les romans, une analyse vraiment étayée est compliquée, parce que soit on se retrouve à pérorer dans le vide, soit on assène des "j'ai aimé tel point et pas tel point" et on pourrit les futurs lecteurs.

    Donc oui, j'ai bien aimé. Si je n'avais pas aimé, je ne l'aurai pas lu jusqu'au bout et/ou je n'aurais pas fait de billet. Comme je le disais, bizarrement, ma connaissance du genre fait écran plutôt que de me porter, mais ça, ça veut dire que je suis un vieux con, pas que c'est un mauvais bouquin.

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  3. Merci pour ta réponse ! Et arrêtes d'insulter le meilleur scénariste du JdR français ! Je le trouve encore très alerte pour un vétéran ;)

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