Lex Occultum


Les Suédois versent dans le soft power en abreuvant le monde leur production rôlistique. Nouvel exemple avec Lex Occultum, financé sur Ulule avec deux suppléments – nous n’aborderons ici que le diptyque de base.



Lex Occultum aborde une période étonnamment peu courante en jeu de rôle, l’Europe du siècle des lumières. Lumières, lumières, c’est toutefois vite dit ! Les progrès de l‘industries, l’apparition d’une classe sociale moyenne, la méthode scientifique naissante font face aux conflits politiques, à l’obscurantisme persistant et à la décadence. Dans l’univers de Lex, ces bouleversements ont mis à jour des savoirs anciens pour lesquels des sociétés secrètes sont prêtes à payer, se battre et négocier du fond des alcôves. Les PJ seront ils les héros dont le monde a besoin pour sortir du siècle par le haut ?
Début de réponse dans les deux ouvrages qui constitue la base du jeu, Alter Ego, destiné aux joueurs, et Lex Libris adressé au MJ.
La présentation soignée est une marque de fabrique de nos amis du Nord mais aussi des traductions d’Arkhane Asylum à qui l’on doit cette VF. Lex Occultum qui n’échappe pas à la règle. Très belles couvertures bien solides, papier épais, marque-page, mise en page soignée joliment illustrée. Tout bon ? Pas tout à fait, car à l’image du jeu dans son ensemble, le meilleur côtoie quelques fautes de gout. Côté forme, évoquons le choix d’un fond pseudo-parcheminé peu esthétique et pas toujours très lisible (une erreur de débutant !) ou l’absence de fiche de personnage alors même qu’il y aurait eu la place.

Le découpage de la base en deux ouvrages n’est par ailleurs guère justifié par la pagination et encore moins par l’organisation des textes. La coupure apparait très artificiellement entre le chapitre sur l’équipement, qui ferme le premier ouvrage et le reste des règles (résolution, combat, santé…). C’est d’autant plus surprenant que les deux ouvrages sont bien déséquilibrés, avec 128 pages pour l’un et le double pour l’autre…
Ce sentiment est renforcé par le verbiage excessif dont fait preuve Alter Ego. Imaginez, chaque caractéristique de base (dextérité, intelligence…) est décrite sur pas moins d’une page ! Dans les règles de combats, il ne faut pas moins de deux paragraphes pour nous expliquer le concept du combat à mains nues et que, je cite : « les attaques prennent alors la forme d’une série de coups de poing et d’autres manœuvres qui ont pour but de blesser l’adversaire ». Sic.
Les auteurs semblent s’être eux-mêmes perdus dans cette organisation, avec des sujets qui nécessitent parfois de naviguer entre plusieurs chapitres, des explications ne sont pas toujours bien cohérentes, etc. A trop causer, on finit par divaguer…

Il faut dire que les règles sont d’un niveau de complexité rarement vu depuis les années 80. La base est pourtant simple, une sorte de système d100 ramené sur 1d20 - le résultat du d20 doit être inférieur à la valeur de la compétence utilisée.
Tout se complique à partir de là. Les compétences sont divisées en disciplines, elles-mêmes divisées en spécialités dont la liste laisse parfois pantois. Fallait-il vraiment distinguer Camouflage, Déguisement et Furtivité ? Séparer Chiens de chasse de Dressage ? Fallait-il vraiment une compétence Numéros de Fakir ?
Là encore, les auteurs s’emmêlent souvent les pinceaux dans leur verbiage en démultipliant les concepts inutilement. Il y a par exemple une distinction entre points de création et points d’aventure (équivalent des points d’expérience) alors que ceux-ci sont équivalent à 1 pour 1. Et je ne vous parle pas des règles pour déterminer avec précision à quelle hauteur vous pouvez sauter ou des quatre pages de tableaux déterminant l’influence de votre tenu vestimentaire sur vos tentatives de négociation. C’est d’autant plus dommage qu’aborder la mode à cette époque particulière est une excellente idée en soit - on pensera aux concours de rhétorique et d’apparat de Ridicule, le formidable film de Patrice Leconte.
Histoire de ne pas être trop assassin, il faut tout de même préciser qu’il n’est pas trop compliqué de rationnaliser tout ça, en ignorant certaines spécialités et en écartant les règles trop calculatoires selon les gouts de votre table de jeu.

C’est côté univers que Lex Occultum se rattrape largement. L’évocation de ce XVIIIe siècle entre ombre et lumière est nuancée et m’a happé par son ambiance. Au menu : description géographique de l’Europe (pays, villes et lieux typiques), présentation du Monde de l’Ombre et vaste chapitre consacré aux sociétés secrètes.
Le niveau reste léger et ne prétend ni à l’historicité de Pavillon Noir, ni à la relecture érudite d’un Nephilim. Lex Occultum tient certainement plus de Trinités, ce qui n’est pas un défaut en soit et lui permet d’être très accessible. Ces chapitres sont aussi loin d’en rester à un survol trop généraliste. Le guide géographique, exercice casse gueule par excellence, n’oublie par exemple jamais d’aborder l’angle occulte revendiqué par le jeu. Il y a là quantité de ficelles qu’il n’y a plus qu’à tirer pour en faire autant d’aventures.
Il faut tout de même regretter l’absence d’une ou quelques propositions ludiques précises. En l’état, les joueurs peuvent incarner « n’importe quoi » dans ce vaste monde, c’est-à-dire rien en particulier. Au moins le corpus de base est-il cohérent avec lui-même sur cette approche puisqu’il ne propose pas de scénario d’introduction. Il faudra donc se retrousser un peu les manches ou plus pragmatiquement se tourner vers l’un des deux recueils d’aventures : leur disponibilité simultanée (ou quasi) avec le livre de base permet à Lex Occultum de constituer une gamme cohérente et complète. De fait, malgré une partie technique rebutante, j’irais jeter à ces aventures plus qu’un œil curieux.

Commentaires

  1. Salut. À peu près le même constat. Déjà à la création de perso j'ai levé les yeux au ciel en constatant le pool de points à dépenser (c'est pas rêvé de dragon non plus hein,mais on est quand même 35 ans plus tard...).
    Donc,j'ai bloqué là. Même s'il peut y avoir de bonne choses dans le reste de la gamme,il y a tellement de propositions de jeux intéressantes aujourd'hui que je ne m'embête plus à devoir bricoler un jeu pour le rendre acceptable à ma table...un peu dur peut être comme méthode,mais pas assez de temps pour tout,du coup j'ai l'élagage facile. 😁

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  2. Salut, perso j'irai faire les scénarios avec HeroQuest 2 comme système. Comme beaucoup, je n'ai plus le temps ni la patience pour m'embarquer dans des usines à gaz :)

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