C'est comme ça que je t'aime


Bon, là je suis un peu en conflit d'intérêt car je vais vous parler d'une série télé qui est diffusée par mon employeur. Mais je vais faire une entorse à l'éthique car c'est un gros coup de coeur.

L'été 1974. Deux couples (les Delisle et les Paquette) se débarrassent de leurs enfants au camp d'été et se retrouvent face à face. Ils vivent des vies très prévisibles dans Sainte-Foy, une des banlieues de la ville de Québec. Un conseiller politique sans pouvoir. Une chargée de cours. Un directeur de magasin. Une maîtresse de maison... L'absence des gamins va les obliger à se confronter aux malaises de leur vie de couple. Insatisfaction sexuelle. Adultère. Vie étriquée. Tout cela va partir en sucette quand les deux couples vont imploser et se laisser embarquer dans des histoires de plus en plus improbables. Je reste volontairement flou car tout le plaisir est dans la découverte progressive de ces tribulations banlieusardes.

La reconstitution des années 70 québécoises (que je n'ai pas connues, évidemment) est au dires de la génération concernée aux petits oignons. Les décors sont magnifiques, les fringues à la cool, les voitures luxueuses... Les hommes sont des bonhommes à la moustache drue, au machisme bienveillant et à l'égocentrisme fascinant. Les femmes sont magnifiques d'autonomisation. C'est une époque charnière, et tout ce petit monde incarne bien enjeux du moment. Et évidemment, il y a cette chanson entêtante de Mike Brant, qui revient constamment. La série débute par deux éléments intéressants :
- une séquence où l'on découvre les 4 protagonistes morts dans une piscine ;
- une référence à un livre qui sous-entendrait donc que cette histoire soit inspirée de faits réels.
Ce dernier procédé est bien connu, puisqu'il a été employé par les frères Coen dans le film Fargo, qui prétendaient avoir repris la trame d'un fait divers ayant frappé le Dakota du nord. Or on sait depuis que c'était totalement faux, c'était un mensonge visant à renforcer l'ancrage du récit dans le réel pour mieux ensuite faire dérailler le réalisme. Cette mécanique narrative n'est pas le seul emprunt à la filmographie des frères Coen : toute la série transpire de leurs fiascos rigolards. La série n'est bien évidemment pas un plagiat, elle raconte une histoire originale, mais l'emballage est bien reconnaissable. Et c'est loin d'être un défaut car j'ai retrouvé la même jubilation qu'en regardant les trois saisons de la série télé Fargo.

Si je vous en parle, c'est non seulement que c'est une excellente production québécoise qui mérite le coup d'oeil mais c'est surtout qu'elle a été achetée par Salto (la plateforme de vidéo à la demande qui regreoupe France Télévisions, TF1 et M6). Vous allez donc voir débarquer CCCQJTA sur vos écrans. Oui, vous allez sans doute passer à côté de certains détails de la culture queb, mais c'est vraiment à la marge. Au pire, une recherche sur Google vous permettra de comprendre qui est le petit Simard ou qui est Bourassa. Mais l'histoire devrait vous plaire si vous aimez les plans foireux, les choses qui dérapent, les dialogues qui font mouche, les acteurs qui sont parfaitement dans le ton...

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