J'avais acheté Within à sa sortie sur la seule bonne fois de sa couverture - et de sa thématique annoncée aussi un peu quand même - mais il m'a fallu un peu de temps avant de m'y plonger réellement. Cette critique était elle-même restée bloquée dans mes en cours, mais après tout, il n'est jamais trop tard pour bien faire et la publier enfin. Et rejoindre au passage ceux qui ont vu dans ce jeu prometteur une déception.
Donc, Within, c'est quoi?
Sur le papier, Within se veut un jeu d'horreur moderne, proposant à la fois son univers propre et une boite à outils balayant le genre aussi largement que possible - horreur fantastique, slasher, horreur lovecraftienne... Les ambitions sont élevées donc. De fait, le bouquin s'impose là, avec ses 400 pages sur papier (très) épais et sa grosse couverture.
Cette dernière, je l'ai dit, est vraiment chouette. La qualité intérieure est moindre. Les illustrations sont inégales mais la maquette très propre gomme largement ce défaut et en fait un livre très agréable à l'œil. Il est aussi très bien structuré, un point essentiel pour un bouquin de jeu de rôle, qui plus est un livre de base construit comme boite à outils. Les 400 pages se découpent en quatre grandes sections.
La première comprend les règles. La seconde, consacrée à l'univers, se découpe en deux parties très distinctes (et bien différenciées). L’une expose l'univers "par défaut" de Within, tandis que l’autre passe en revue de nombreux antagonistes et groupes de PNJ génériques typiques du genre (tueurs en série, monstres, forces occultes...). La dernière partie regroupe les conseils et outils destinés au MJ et trois scénarios. Le bouquin de base se révèle donc particulièrement complet, et permet déjà de jouer un paquet d'heures. Voilà pour le bon point, nous allons pouvoir attaquer le reste...
... en commençant par le système. Within propose un intéressant double système de gestion de ressources et de prise de risques. Le premier forme la base: les personnages sont définis par quelques attributs exprimés par un mot clés pouvant être aussi large qu'un métier ou aussi précis qu'une spécialité de doctorat. Ils prennent une valeur autour de 0 - négative en cas de handicap, jusqu'à +3 ou +4 pour une expertise de classe mondiale. L'addition d'un attribut et de quelques modificateurs circonstanciels (terrain, environnement...) est directement comparée à la difficulté, sans aucun jet de dés. Pour améliorer le résultat, les joueurs peuvent cependant piocher dans l'une de leurs trois réserves. Ces dernières n'étant que de quelques points, leur bonne gestion est indispensable pour arriver sans encombre à la fin de l'aventure. D'autant que les réserves basses imposent des malus pour les jets suivants, encourageant ainsi à les diminuer encore plus pour avoir une chance de réussite, ce qui augmente le malus pour les tests suivants...
Il est aussi possible d'améliorer le résultat de son action en piochant un jeton dans une réserve comprenant jetons blancs (positifs) et noirs (négatifs). Or, les jetons noirs sont remis dans la réserve, contrairement aux blancs. Pour pouvoir y replacer ces derniers, il est possible de prendre un jeton de destin, douze jetons ayant chacun leur signification et que le MJ utilisera pour faire influer le cours de son scénario.
Cette route est pavée de bonnes intentions, mais sa réalisation n’est hélas pas une franche réussite. Prenons le système de base. Pour permettre un minimum de variété sans introduire le hasard d'un jet de dés, Within propose un tableau permettant d'interpréter de différentes manières chaque résultat. Plusieurs tableaux sont même fournis selon le type d'action. Soit. Mais pourquoi diable les résultats se ressemblent-t-il tous autant? Pourquoi les différents tableaux se contentent-ils de paraphraser le tableau générique, sans proposer quoique ce soit de concret en lien avec l'action qu'il est sensé illustrer (poursuite, combat, etc.)? Les descriptions sont d'une platitude qui colle difficilement à l'ambiance sulfureuse vendue. N'est pas Kult qui veut...
Le système de prise de risque est à l'avenant. Sur le papier, cet outil, qui permet de lier règles et narration, est séduisant. En pratique, les différents jetons de destin ne s’accompagnent que d'une vague description, sans aucun outil pour les exploiter au mieux, laissant le MJ complètement seul face au tirage des joueurs. Dommage.
Attaquons donc le côté univers, en commençant par les fiches encyclopédiques. Là encore, les intentions sont louables en proposant un vaste catalogue dans lequel le MJ pourra piocher selon ses envies. Un outil d'autant plus pratique que cette section est très bien structurée. En pratique, c'est surtout beaucoup de bruit pour rien. Ce chapitre s’épanche en généralités et en archétypes que n'importe qui aurait pu imaginer sans effort. L'intérêt est donc limité, sauf à vouloir orienter la partie plutôt côté slasher, qui reste le sous-genre le mieux représenté ici.
Quid alors de l'univers "officiel" de Within? Il s'agit d'une proposition pour mettre en musique ce vaste fout... orchestre. Je ne rentrerais pas dans le détail, pour la simple et bonne raison qu'il est hors sujet: il s'agit d'une vaste organisation dont chaque branche lutte avec les autres dans un jeu d'influences et de secrets qui relève d’un complotisme basique. Ce décalage avec le sujet prétendu du jeu (l'horreur) ne serait pas encore un gros problème, dès lors que l'on est préalablement prévenu, s'il n'était pas non plus en décalage avec les règles et la partie encyclopédie des horreurs décrites plus haut.
Ce manque de cohérence se synthétise au final très bien dans la forme. La maquette sombre et sévère impose son ambiance, mais les auteurs ont adopté un curieux style d’écriture humoristique et potache qui tranche singulièrement avec les objectifs. Voilà qui mime assez bien la voie tracée au cinéma par les slashers, qui, ultra-codification oblige, sont condamnés depuis Scream à l'auto-parodie. Les slashers, le sous-genre le mieux géré par Within donc: CQFD.
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