Broken Compass est un jeu de rôles italien, mais heureusement pour moi il est également disponible en anglais (car je suis rital, et je le reste, mais je comprends que pouic à la langue de mes ancêtres. Sauf quand il faut chanter du Ricci e Poveri ou bien faire pleurer dans les chaumières avec Perché lo fai). Et comme l'image le montre clairement, c'est un JdR qui émule les jeux vidéos comme Tomb Raider ou Uncharted et les films comme La Momie ou la saga des Indiana Jones. Des aventuriers au grand cœur qui vont à l'autre bout du monde pour mettre la main sur un trésor archéologique que l'on croyait perdu sans oublier de combattre des méchants. Bref, de l'action et du dépaysement à gogo. Des parties où l'on hurle « Dr Jones, les Nazis se rapprochent ! » tout en faisant un jet de Conduite pour éviter un pousse-pousse.
Mécaniquement, le jeu fonctionne avec une poignée de d6 qui doivent faire des paires, des brelans, des carrés, des yams pour réussir des actions. C'est pas compliqué au premier regard, mais il y a une mécanique de relance pour bien montrer que vous êtes un héros, si bien que pour une action, vous n'allez pas juste jeter les dés une fois mais avoir la possibilité de prendre les dés qui ne vous donnent pas de réussite et les rejeter. Plusieurs fois. Et je comprends l'intention : ça donne l'impression au joueur qu'il peut repousser l'échec car il a plusieurs portes de sortie. Mais mazette, relancer les dés de la sorte doit donner l'impression de jouer au Yahtzee, par moment. Et c'est un débat possible, pour simuler ce genre : mieux vaut-il filer de bonnes chances de réussite dès le départ ou bien offrir des possibilités de relance pour indiquer au joueur qu'il n'incarne pas un glandu mais un héros. Les deux approches se valent, hein, mais jeter deux ou trois fois les dés pour une seule action, je trouve ça lourd à la lecture (ça se passe sans doute très bien à la table de jeu). J'aime les mécaniques avec une lecture directe, genre un d100 qu'on peut lire dans les deux sens. Mais encore une fois, je ne dis pas que c'est une mauvaise idée, il y a des joueurs qui aiment lancer les dés.
Le reste de la mécanique est simple : quand on rate un jet, on peut se retrouver ave des états négatifs qui enlèvent un dé chacun. À l'inverse, le MJ peut nous filer des états positifs pour nous récompenser. Le personnage n'a pas de point de vie : il est doté d'une réserve de points de chance dans laquelle il va devoir puiser quand il rate ses jets en combat. Et quand il est à sec, il est mis hors-jeu. J'apprécie énormément un truc : les combats sont gérés comme le reste des obstacles et pièges : ils ont une difficulté, point barre. Il n'y a pas de manœuvres ou de règles de distance pour tirer : le MJ détermine « Vous devrez obtenir un brelan pour éliminer ce trio de soldats russes ». Mieux : si les joueurs veulent y aller à la ruse ou la tchatche pour se débarrasser des adversaires, c'est du pareil au même.
Les règles sont faciles à appréhender, la feuille de perso est claire, les archétypes proposés font envie. Il y a même des règles pour jouer un vieux héros ou au contraire un gamin. Bref, c'est le genre de jeu qu'on peut lire une seule fois avant de se lancer. D'autant que le background est facile d'accès : on se met d'accord sur une période historique, et c'est parti. Car les différences sont mineures entre une aventure dans les années 30 pour trouver une entrée vers la Terre Creuse et une adaptation des bouquins de David Gibbins pour trouver l'Atlantide. Le bouquin de base propose essentiellement du matos pour jouer en 1999, mais il existe des suppléments pour explorer d'autres ambiances.
Un dernier mot : les scénarios sont hyper secs. C'est du genre « Les PJ sont dans la nature en train d'échapper à un Danger quand un Adversaire surgit et leur vole la Clé menant au Trésor ». On peut tout aussi bien raconter une expédition en Antarctique qu'un safari au Kenya. Pour quelqu'un comme moi qui aime écrire des campagnes scriptées à l'ancienne, c'est rude. Mais encore une fois, c'est parfaitement dans le ton, on ne peut vraiment pas dire que c'est à côté de la plaque.
Le tout est illustré magnifiquement avec des fausses Lara Croft et des faux Nathan Drake... Et c'est, à mes yeux, là où le bas blesse. Je comprends parfaitement que Broken Compass surfe sur les images mentales du pulp. Mais pour moi, la ligne entre l'hommage et le plagiat est mince. Les références constantes à Indiana Jones dans le texte et les illustrations de The Rock me donnent l'impression que le jeu s'appuie trop sur ces œuvres pour exister. Les prétirés sont ainsi transparents : c'est Nathan et son vieux pote Sully, haha, mais du coup ça donne l'impression qu'on ne peut rien créer en dehors de ces icones. Je comprends que le jeu nous fait la promesse d'incarner Lara Croft et livre la marchandise en changeant juste le nom du personnage, mais c'est problématique à mes yeux. Illustrer un personnage en dessinant Dwayne « The Rock » Johnson mais en le nommant Stone, c'est plus du clin d'œil, c'est de la paresse créatrice. Surtout que le PDF du livre de base n'est pas donné : 24$ sur Drivethru. À ce prix-là, je veux des illustrations originales, pas des copies des concept art d'Uncharted.
Bref, Broken Compass est un jeu qui mérite d'être lu et joué car il est bourré de bonnes idées. D'ailleurs des fans francophones se sont filmés en train d'y jouer pour appuyer la campagne Kickstarter qui propose de financer de nouveaux suppléments. Ils réclament une VF, et je comprends leur enthousiasme car c'est un jeu malin qui donne envie de partir à la recherche d'un trésor oublié en bravant mille dangers et en balançant des répliques qui tuent.
Commentaires
Enregistrer un commentaire