Shinobi - La naissance d'un ninja


Japon. 1060 (donc période de Heian). L'empereur Go-Reizei est sur le trône. Fujiwara no Chikada est lui un fonctionnaire qui pense mériter une promotion. Oui mais voilà : ce n'est pas à lui de décider, c'est à l'appareil étatique impérial de prendre une décision. Et la réponse est non. Alors Chikada se fâche et  démarre sans trop le vouloir une révolte. Poursuivi par des gardes impériaux, il trouve refuge dans un montagne habitée par des adaptes du shinobi qui repoussent les forces impériales. Conscient que les soldats de l'empereur ne peuvent pas rester sur une défaite, Chikada et ses nouveaux alliés ont quelques mois pour se préparer avant une nouvelle attaque. Ils envoient donc le samouraï rebelle en formation auprès d'un vieux général chinois qui vie en ermite dans une grotte. Chikada deviendra donc par la force des choses un shinobi.

C'est un drôle de bouquin que voilà. Le personnage central est un individu dont on apprend peu de chose à la lecture. On peine à dresser un portrait psychologique du bonhomme, qui dans son malheur a la chance de ne croiser que des gens prêts à l'aider alors qu'il ne démontre aucune sympathie. Le contexte politique qui nous est dressé est complexe (avec beaucoup de noms à retenir) mais ne sert pas vraiment l'intrigue. Quand le général chinois explique pourquoi il a dû fuir son pays, son récit de la situation politique de sa province est là encore très détaillé mais pas franchement intéressant puisque nous on est là pour découvrir le Japon d'antan. Et puis il y a des tas et des tas de pages dédiées à l'entrainement de Chikada qui apprend les savoirs ancestraux chinois puis les manières de faire shinobi. C'est... technique. Dans un film d'art martiaux, on aurait eu droit à un montage du héros en train de faire des efforts et de suer sang et eau pour maîtriser l'enseignement du sensei, mais là c'est un livre, alors on a droit à de longs chapitres expliquant telle ou telle prise. Et moi, il faut bien comprendre que j'ai une ceinture jaune de judo obtenue il y a 35 ans ainsi que trois cours d'aïkido donnés par un maçon portugais. Donc on a beau me décrire en détail la bonne posture pour réussir un ichimonji, c'est comme donner de la confiture à des cochons.

Autre surprise de taille : on a très tôt dans le livre la promesse d'une bonne grosse bataille revanche avec la garde impériale. Donc on accepte que Chikida passe des mois à s'entraîner pour devenir un shinobi car on sait que ça va finir par payer scénaristiquement quand il va mettre en pratique ces enseignements face à ses adversaires. Mais pif-pouf, la fameuse bataille est expédiée en deux pages. Et c'est logique, hein : l'approche shinobi c'est de limiter la casse en employant des méthodes pas forcément honorables. Mais quelle déception pour le lecteur...

En fait, c'est en découvrant le lexique, les plans du château et les explications de l'auteure à la fin du livre que j'ai compris certains éléments. En fait, l'auteure pratique le ninjutsu depuis 35 ans. Elle est 15e dan et fréquente un dojo de la ville de Québec. Passionnée par son art, elle voyage régulièrement au Japon pour se perfectionner. Et en fait, Fujiwara no Chikada est le fondateur de l'école martiale dont elle suit les enseignements. C'est un personnage historique, mais évidemment, presque mille ans plus tard, il est difficile de faire la différence entre la légende et le réel. Ça explique sans doute pourquoi le personnage est si vide à la lecture : c'est une personne sacralisée. D'ailleurs, l'un des senseis de l'auteure prétend en être la réincarnation.

Au final, ça donne un livre très respectueux. Et c'est un défaut, à mes yeux. Chikada n'a pas de famille, pas d'amis, pas de passion. Je n'ai pas cru à sa révolte car rien n'explique (à mes yeux) son attitude face à l'empereur. Et comme en plus je ne suis pas un praticien des arts martiaux, une très grande partie du livre m'est passé au dessus de la tête. Je vais toutefois continuer la saga avec le second tome (L'initiation d'un ninja) en espérant que le protagoniste va enfin mettre en pratique ses talents nouvellement acquis et qu'on va pouvoir découvrir le Japon de la période de Heian.

C'est sans doute trop pointu pour un fan de L5R, mais les lecteurs de Tenga devraient en tirer plein de choses s'ils sont en recherche d'une certaine authenticité historique.

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