Avertissement d'usage sur le conflit d'intérêt : non seulement je n'ai pas payé ma copie du jeu, mais son auteur (Éric Dédalus) a déjà écrit un scénario pour la gamme Wastburg. Ceci étant dit, je ne connais pas Éric personnellement. Il m'a écrit une fois pour une entrevue dans JdR Mag, c'est là l'étendue de notre relation. Donc bon, je ne suis pas hyper objectif, mais je ne suis pas non plus inféodé aux 12 Singes, hein.
Et donc La Ville en Jaune est une campagne pour Cthulhu Hack. Elle prend place dans le Strasbourg des années 20, une ville qui non seulement vient de traverser une guerre mondiale mais également changer (une fois de plus) de nationalité. Les PJ prétirés sont des investigateurs assez classiques : des enquêteurs privés à qui un urbaniste demande d'aller renifler la merde. En effet, cet architecte est responsable d'un grand chantier (la Grande Percée), qui est une variante strasbourgeoise des travaux haussmanniens de la capitale. Sauf que de nombreux incidents viennent perturber les travaux. Les joueuses vont donc avoir de nombreuses pistes à remonter. Sans surprise, comme son nom l'indique, tout ça va pointer vers un grand classique de la lovecrafterie : le Roi en Jaune. Hastur. Carcosa...
Le classicisme de cette campagne est à la fois une de ses grandes qualités et son gros défaut. Je suis loin d'être un expert de l'Appel de Cthulhu et de ses dérivés plus récents, mais à la seconde où tu me dis Ville en Jaune, je sais déjà dans quoi je mets les pieds. Le déroulé de la campagne m'a donc paru très prévisible à la lecture. J'ai déjà fait jouer les Oripeaux du Roi en son temps, donc tout ça m'est apparu comme une énorme redite. Pas parce que c'est un plagiat, hein, mais parce qu'il est difficile de surprendre avec cette matière, il faut bien l'avouer. Une fois le dépaysement strasbourgeois initial dépassé, on se retrouve avec une formule qui sent le déjà-joué. Évidemment, tout le monde n'a pas eu les mêmes expériences ludiques, donc il se trouvera des tas de joueuses moins au fait de cette partie du Mythe et qui donc découvriront la menace carcosienne avec effroi. Mais pour des grognards, c'est pas nouveau, tout ça.
Et puis j'ai attaqué la lecture d'un autre livre du coffret : le Guide occulte de Strasbourg. Et là, oui, j'en ai eu de la nouveauté et de l'inédit. Dans une approche qui m'est chère, l'auteur passe en revue l'histoire de Strasbourg et donne des tas d'idées de scénarios pour exploiter la ville en dehors de cette campagne hasturienne. La ville possède un passé vraiment riche avec lequel Éric joue dextrement. Ça déborde de bonnes idées, c'est un supplément exploitable même en dehors de Cthulhu (oui, MJ de Nephilim, tu peux craquer). L'ouvrage se termine par une présentation plus concrète de Strasbourg en 1920, ce qui est indispensable pour bien faire vivre le décor pendant la campagne.
Bref, on a à la fois affaire à un décor hyper original (pour moi qui n'ai jamais foutu les pieds à Strasbourg, c'est une découverte) avec un passé riche, une situation géopolitique intéressante, un projet architectural bien ancré dans le réel mais aussi une campagne plus traditionnelle qui respecte très bien les règles du genre et donc est anticipable dans ses grandes lignes. Si je la compare à la campagne précédente de la gamme (Les Encagés), Tristan proposait à la fois un habillage décalé (jouer des gendarmes) et une intrigue qui prenait le Mythe à revers. C'est encore une fois un reproche de lecteur un peu blasé, mais il y a des tas de tables qui auront plaisir à se laisser surprendre par une telle intrigue.
Le tout vient avec du matos somptueux. Un écran qui donne l'impression d'être en kevlar, des portraits de PNJ à gogo, une carte très pratique, des aides de jeu qui vont permettre de faire vivre cette enquête autour de la table, plus deux scénarios bonus pour continuer d'exploiter Strasbourg. Il y a, encore une fois, une vraie plus-value en terme de production. Le résultat est vraiment de qualité, on ne se moque pas du client. Allez, un dernier regret : il vous faudra acquérir les règles du Cthulhu Hack à part. Elles étaient présentent dans le coffret des Encagés, mais je comprends le dilemme : si tu les mets dans tous les coffrets, on t'accuse de faire du remplissage, et si tu ne le fais pas, un fâcheux te le reproche sur son blog.
Foncez si vous voulez découvrir une ville méconnue par les gens comme moi, Strasbourg offre un terrain de jeu passionnant. Et si en plus vous n'avez jamais bassiné vos joueuses avec une vieille pièce de théâtre qui rend fou, alors vous allez doublement en avoir pour votre argent. Pour les vétérans de l'Appel, c'est moins indispensable, mais ça reste du matos de qualité. Ou alors, ça vous donnera envie de réunir une table de joueuses qui ne connaissent pas cette partie du Mythe. Parce que c'est mon cas : comme je trouve cette campagne plus intéressante que les Oripeaux du Roi, je souhaite pouvoir la faire jouer à des novices en enquêtes cthulhoïdes. Ça devrait fonctionner du feu de dieu avec ce public.
fan de cthulhu, cà mérite que je casse de nouveau ma tirelire ou pas ? ( en sachant que j' ai déjà plein de matos que je n' utiliserai jamais, ou à la rigueur en maison de retraite si j' ai de la moule non-euclydienne ).
RépondreSupprimerc'est bôôô, on a compris, mais celà vaut-il la peine d' hippotéquer un rein ?