L'adaptation en jdr d'une licence existante est un exercice devenu classique, mais qui reste étonnamment casse-gueule. J'étais pourtant bien curieux de voir le boulot réalisé sur ce Aquablue, qui fait partie de mes références sci-fi d'adolescent. Je me demande d'ailleurs si ça parle encore aux jeunes, même si la BD continue toujours son chemin. Parce que bien sûr, pour l'avoir vécu à cette période où on est facilement marqué, difficile de passer le cap de la période Cailletau-Vatine. C'est mon côté vieux con que voulez-vous...
Ça commence plutôt bien, cela dit. L'enrobage, un bouquin grand format, est très beau avec son papier épais, son impression de qualité et son signet. La maquette est aérée - un peu trop, ais-je estimé initialement, mais après lecture, je dois dire que j'ai plutôt apprécié de pas m’être fait exploser les yeux.
Les illustrations sont issues de la BD. C'est beau et homogène, et inséré dans la maquette aussi bien qu'il était possible de le faire. Un effort a été fait pour mettre des extraits adaptés au texte qu’ils illustrent. Le bouquin est aussi bien organisé, en trois parties distinctes (règles, univers, scénarios) plus des annexes, même s'il y a toute une omelette dans le chapitrage de la partie dédiée aux aventures.
De quoi donner envie de plonger dans l’ouvrage immédiatement donc, impression renforcée par l’introduction. Elle pose un véritable angle d’attaque ludique, bien présenté, avec les thèmes récurrents de cet univers, les scénarios types… Même le résumé des tomes de la série vient avec des idées d’intrigue associées à chaque grande période.
La note d’intention étant au mieux, voyons le détail.
Les règles sont vite expédiées et c’est tant mieux : Aquablue est avant tout une BD d’aventures, pas de hard science. Au menu, un dérivé du système d’INS/MV Résurrection – ne faites pas les gros yeux, il marche très bien ici. On lance 3d6 (qui ne s’appellent plus d666, forcément), chaque dé est comparé à l’une des cinq caractéristiques du personnage. Un résultat égal ou inférieur donne une réussite. Le nombre de réussites requises, de 1 à 3, dépend de la difficulté de l’action.
Les compétences fonctionnent comme des pouvoirs ou comme les voies de Chroniques oubliées, c’est-à-dire que chaque niveau octroie un avantage, un bonus ou une capacité particulière. Presque tous les niveaux 1 ont toutefois le même effet, celui d’octroyer un avantage aux tests en rapport avec la compétence. Cela permet de lancer 4d6 et de ne garder que les trois meilleurs.
Quelques précisions colorent un peu le système, en particulier la gestion de la plongée sous-marine et un petit catalogue d'équipements bien foutu. Cela peut sembler peu, mais le tout est limpide et fonctionnel.
La partie univers occupe une part importante et centrale du bouquin. Elle est divisée en trois grandes parties et autant de sujets : Aquablue, la Terre (avec un zoom sur Europolis et un autre sur les consortiums) et la Fondation créée par Nao, le héros de la BD. Les PJ sont des agents de cette dernière. A ce titre, ils se voient confier des missions en lien avec les objectifs écologiques de leur employeur. Accompagner une mission scientifique, protéger la population autochtone d’Aquablue des consortiums plus avides d’argent que de respecter la nature… la tâche est vaste et l’adversaire coriace.
Clairement, le contexte n’est pas très nuancé (c’est encore pire dans les scénarios, mais nous y reviendrons) mais contient toutes les promesses d’aventures à la fois exotiques et politiques. Les textes, loin d’être une encyclopédie froide, gardent toujours en tête le parti-pris du jeu. C’est riche et tout à fait pertinent dans le cadre ludique qui nous intéresse.
Et justement, puisqu’on parle de ludique, le livre de base s’accompagne de pas moins de quatre scénarios.
Le premier est pensé comme un scénario d’introduction durant lequel les PJ participent à un rite d’initiation Meume. Il ne colle hélas pas complètement à la proposition du jeu car il suppose qu’une majeure partie des PJ soient des natifs d’Aquablue, même si quelques humains peuvent participer dans le cadre de l’entente entre les deux planètes. Il peut toutefois être adapté assez facilement si ce n’est pas le cas.
La seconde aventure envoie les PJ en mission scientifique dans une zone volcanique de la planète. Ils découvrent qu’un stock d’armes humains est tombé entre les mains des tributs du coin, les mettant en grave danger. Le résultat est un peu trop caricatural dans la vision « bons sauvages » des Meumes, même si une description détaillée des tributs offre tous les outils pour lisser ce point.
Même prétexte de départ pour le scénario suivant, ce qui est un peu dommage. Mais cette fois, ce sont sur des intérêts privés qui voudraient bien exploiter l’endroit à des fins touristiques que les héros tombent. Là encore, des méchants beaucoup trop caricaturaux gâchent un peu le résultat.
Fini les balades ethnologiques pour la dernière aventure. Il faut cette fois enquêter sur l’origine d’un virus qui sévit sur Terre. Mais il faut faire vite, car les consortiums pourraient bien être autorisés à débarquer sur Aquablue pour échantillonner le virus, avec ce que leurs méthodes peu scrupuleuses impliquent pour l’environnement local.
Tous les scénarios présentent le même défaut majeur, à savoir qu’ils laissent des trous béants dans l’intrigue aux bons soins du MJ. Les PJ sont censés suivre des pistes sans qu’aucun indice n’y mène, des pans de certaines scènes ne sont pas détaillées. Cette écriture un peu lapidaire conduit à des incohérences et des inconsistances qui touchent parfois à des points structurant du scénario.
C’est d’autant plus dommage qu’entre certains éléments paraphrasés à foison et de nombreux « n’hésitez pas à inventer (…) de votre cru », il y aurait eu de quoi gagner de la place pour des outils plus concrets. Cela dit, les bases sont tout de même solides et l’ouvrage contient ce qu’il faut pour corriger ces défauts.
Défauts regrettables donc, mais qui du coup ne gâchent pas les qualités précédemment évoquées et qui font d’Aquablue une adaptation plutôt réussie au final.
Un mot sur l’écran et son livret. L’écran lui-même présente une somptueuse fresque sous-marine côté joueur. Niveau ambiance, c’est vraiment au top. Côté MJ, les quelques rappels de règles utiles, peu nombreux vu leur simplicité, sont proprement agencés et bien lisibles. Une très chouette écran donc.
Le livret présente un bout d’univers bac à sable, une île d’Aquablue imaginée pour l’occasion avec sa faune, sa tribu Meume et sa mission de recherche scientifique humaine récemment arrivée. Finit les généralités du livre de base, ici c’est du concret ! Il fait de plus l’effort d’être vraiment dynamique, avec une brochette de PNJ qui explore les évolutions possibles de ce petit monde (trois options sont proposées pour chaque personnage), possiblement en lien avec les PJ. Plusieurs tables de PNJ, lieux et événements aléatoires permettent aussi de s’approprier le tout.
Deux points m’empêchent toutefois d’être dithyrambique. Le premier, mineur, concerne la forme. En proposant un cadre qui n’apparait pas dans la BD, l’absence d’illustrations originales se fait en effet plus sentir que dans le livre de base. A noter aussi que les références de page sont restées avec des « XX » (« voir page XX ») ; vu leur nombre difficile d’en faire abstraction.
Le second point, plus gênant, concerne plusieurs éléments de contexte difficilement crédibles - un point qui rejoint mes remarques sur les scénarios du livre de base. Le principal est un peuple oiseau assez intelligent pour avoir une organisation politique démocratique et des intrigues de palais, mais qui n’a développé aucun membre préhenseur et qui accepte de servir de bête de monte aux Meumes. Même le prétexte d’un lien mystique, certes présent dans l’univers d’Aquablue, ne m’a pas empêché de perdre ma suspension d’incrédulité.
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