Cabinet of Curiosities, saison 1

Bon, voilà, j’ai craqué, je rejoins les rangs des consommateurs de Netflix. Cela rajoute une corde à mon arc, question billets, tout en diminuant le temps que je pourrai consacrer à n’importe quoi sauf regarder la télé…

 

Donc, Cabinet of Curiosities, série-anthologie avec pour maître d’œuvre Guillermo del Toro qui présente chaque épisode, et insiste beaucoup sur la liberté créative laissée aux réalisateurs. La première saison comptait huit épisodes, on verra si d’autres arrivent à l’avenir.

 

• Le lot 36 nous raconte les malheurs d’un connard antipathique dont le fonds de commerce est de racheter pour un prix dérisoire la propriété d’unités de stockage abandonnées par leur propriétaire. C’est sympa, bien joué, mais relativement sans surprise, et on ne peut pas s’empêcher de penser que somme toute, le monstre fait plutôt une bonne action en débarrassant la Terre d’un enfoiré XXXL. Un démon vraiment déplaisant, ou un peu plus malin, l’aurait libéré avec une tape dans le dos.

 

• Rats de cimetière est adapté d’une nouvelle de Henry Kuttner, un membre du cercle lovecraftien mal connu de ce côté de l’Atlantique. Entre nous, j’ai deux aversions qui ne sont pas tout à fait des phobies mais s’en rapprochent : les espaces clos et les rats. Et donc, cet épisode où le héros rampe pendant trois quarts d’heures dans des tunnels infestés de rongeurs a très bien fonctionné sur moi. Presque trop. Si vous ne partagez pas mes boutons rouges, c’est un brave conte gothique avec cimetière brumeux, pilleurs de tombes, secrets et trésors enfouis.

 

• L’Autopsie est un drame à deux personnages et demi, qui nous donne l’occasion de retrouver F. Murray Abraham dans le rôle d’un vieux médecin légiste au bout du rouleau. L’affaire tourne assez vite au gore, voire au très très gore, mais le récit fonctionne bien, et il s’agit sans doute de l’un des meilleurs épisodes.

 

• La prison des apparences est une bonne histoire, bien jouée et bien racontée, mais elle appuie sur des ressorts – la société de consommation et l’injonction à la beauté pour les femmes – qui me parlent assez peu. Du coup, elle a eu sur moi l’effet inverse des Rats du cimetière. Je l’ai regardée avec plaisir, mais sans vraiment adhérer. Reste un fond de méchanceté tout à fait recommandable.

 

• Le Modèle est la raison pour laquelle j’ai regardé la série, et aussi la raison pour laquelle j’ai bien failli la laisser tomber en cours de route. Son titre anglais est Pickman’s Model, et il s’agit en théorie d’une adaptation de la nouvelle de Lovecraft. Je dis « en théorie » parce que cet épisode un gros fourre-tout foutraque qui part dans tous les sens, avec des ajouts pas très heureux et des fioritures dispensables. Quand on compare tout ça au Modèle de Pickman d’origine, qui est une épure avec deux personnages et un récit tout simple, on a plutôt l’impression de regarder la version filmée d’un épisode des Contes de la crypte. Au milieu de tout ça surnagent un Pickman sous-exploité, la mise en scène de pertes de Santé mentale, quelques instants où on y est presque… Dommage, vraiment.

 

• Cauchemars de passage s’appelle en anglais Dreams in the Witch House, et c’est l’adaptation de Rêves dans la maison de la sorcière, toujours de Lovecraft. Bien que l’épisode soit de meilleure qualité que Le Modèle, c’est encore un loupé. La première chose que font les scénaristes est de se débarrasser de l’idée géniale de la nouvelle, qui mélangeait magie et mathématiques pour en faire un cocktail détonant. Cette mouture de Walter Gilman est un personnage beaucoup plus simple et compréhensible : un passionné de spiritisme qui tente de pénétrer dans l’au-delà pour récupérer sa sœur morte prématurément. L’abominable Keziah Mason est réduite à une silhouette. En revanche, son tout aussi abominable familier est plutôt bien exploité. Au final, on se retrouve avec un gentil conte gothique basé sur un timing, comme dans « vous devez survivre aux assauts de la sorcière pendant une nuit »… Sans être désagréable, le résultat est oubliable.

 

• Bien qu’elle soit située dans les années 1970 et ne se rattache à aucune nouvelle précise, L’Exposition est infiniment plus lovecraftienne que les deux adaptations officielles d’HPL qui la précèdent. Un milliardaire sinistre à souhait réunit quatre brillants intellectuels pour leur montrer un Mystérieux Objet avec des majuscules – et bien sûr, une Mort Horrible tout aussi majuscule attend ces malheureux. Avant même d’en arriver au surnaturel, l’esthétique de l’époque fait grésiller les yeux. Peter Weller, qui joue le milliardaire, cabotine comme pas possible, et bien sûr, ça finit mal… J’ai bien aimé.

 

• Murmuration se déroule dans les années cinquante et met en scène un couple en crise qui part sur une île perdue de Nouvelle-Écosse afin d’étudier les vols de bécasseaux. Alors bon, oui, la maison qu’ils occupent est hantée, mais l’épisode met lourdement l’accent sur la partie « couple en crise », avec silences pesants, incompréhensions, engueulades… j’avais presque de la peine pour les fantômes, tellement nos deux héros sont fermés à tout ce qui n’est pas leurs douleurs intimes. Un réalisateur de la Nouvelle vague aurait pu tourner quelque chose d’assez proche de cet épisode dans les années soixante, disons avec Jean-Louis Trintignant et Jean Seberg. À vous de voir si c’est votre came, ça n’est pas tellement la mienne.

 

Au bilan, une saison très inégale, mais qui ratisse large, où les deux adaptations officielles de Lovecraft sont hélas des ratés. En revanche, Lot 36L’Autopsie et L’Exposition sont d’honnêtes réussites, et les autres se regardent sans déplaisir.

 

 

 

 

 

Une série-anthologie disponible sur Netflix. 

Rappel : la drogue, c'est mal.

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