Il m'arrive rarement de craquer pour un jeu complètement nouveau dont je n'ai jamais entendu parler. C'est pourtant ce qui s'est passé lors du financement de la VF de Under the Hill, by the Water, un jeu de Josh McCrowell. C'est la proposition ludique qui m'a séduit, jugez plutôt: on joue des hobbits, euh, pardon, des petites gens qui vivent tranquillement leur vie dans la Comté (enfin, la Commune) et ne cherchent surtout, surtout pas une vie d'aventure.
Outre la référence transparente à Tolkien, Sous la colline, au bord de l'eau prend donc le contrepied de tous les JDR de fantasy depuis D&D. Reconnaissez que c'est original et plutôt osé. Mais alors, qu'est-ce qu'on y fait, pourriez vous vous demander ? Evidemment, si le résultat de ce postulat était de gérer un train train quotidien, ça manquerait de sel. Le jeu propose plutôt de confronter les personnages à des imprévus communaux (querelles de voisinage, irruption d'animaux saccageurs, héritages contestés, etc.) et de poursuivre leur rêve, élément déterminant choisi par chaque joueur et qui doit donner une direction de moyen terme à chaque personnage.
Mécaniquement, le jeu est très simple et s'éloigne plutôt des poncifs dérivés du grand ancêtre. Les personnages ont une souche (parmi trois) qui sont les grandes lignées des petites-gens, avec des impacts mécaniques sur le personnage. Ils ont ensuite 5 attributs pour lesquels il seront (statistiquement) normaux mais peuvent être déficients ou exceptionnels. Plus ils sont déficients, et plus ils seront chanceux. Enfin, ils ont 7 compétences dont leur profession qui commencent par défaut avec un score de 1 (sur 6). Pour savoir s'ils réussissent une action dont l'issue est incertaine, ils lancent 1d6 et doivent faire un score inférieur ou égal à leur compétence.
S'ils sont confrontés à de la castagne (et souvenez vous, ce n'est pas sensé être le coeur du jeu), il n'y a aucun jet de compétences. C'est comme à Into the Odd, dès qu'on se bat, on s'inflige des dommages. De quoi y réfléchir à deux fois.
Voilà pour l'essentiel. La création de personnage se fait pour partie avec des tables aléatoires (de famille, de professions, etc.) et pour partie en création partagée (pour étoffer le village où habitent les PJ).
(Au passage, on pourra trouver des similitudes sur le fond avec Beyond the Wall, qui repose sur un principe de base similaire (à ceci près que les PJ ont l'ambition de devenir des héros dans BTW, contrairement à SLC. Mécaniquement, BTW ne m'a jamais convaincu, proposant un nième OSR, et sans doute pas le plus solide. Malgré ses défauts (voir plus bas), SLC a une mécanique qui me semble plus adaptée à son propos. En termes d'univers partagé, de prise en main et d'outils de jeu, BTW est clairement plus abouti.)
Le livre comporte également un supplément pour le jeu, les Amateurs de Baguenaude, qui propose des règles pour les voyages en dehors de la Communauté, au-delà de la Haie. J'ai un sentiment partagé sur cette section (que je n'ai pas testée). Elle me semble intéressante mécaniquement et narrativement, mais est complètement orthogonale à la proposition ludique. Pour le dire autrement, on retombe dans du jeu d'aventure plus classique, et ce n'est pas pour cela que j'ai acheté Sous la colline...
A la lecture du jeu principal, j'étais absolument séduit, et j'ai proposé à mes enfants de le tester pendant les vacances. C'est là que j'ai un peu déchanté, en toute franchise:
- la création de personnage est rapide, mais la création du village est longue et assez peu divertissante. On se repose exclusivement sur des tables aléatoires, et les personnages qui en résultent sont très peu étoffés si bien qu'on pourrait les créer à la volée que c'est serait quasiment la même chose.
- les personnages sont largement incompétents. Par défaut, la plupart ont une chance sur six de réussir une action, même dans le cadre de leur profession. J'ai beau être un MJ qui demande peu de jets de dés, les joueurs se sentent vite incapables...
- les tables aléatoires d'événements sensées fournir de la matière à jouer sont trop succinctes pour vraiment permettre de rebondir dessus.
Aucun de ces problèmes n'est rédhibitoire, mais il font que (pour moi) le jeu n'est pas praticable sans un peu de travail. J'ai déjà quelques idées dans ce sens, en pillant des bonnes idées à droite et à gauche (les "oui, mais" de La Lune et Douze Lotus, des relations et des traits comme dans Donjon & Cie pour le village, et une préparation un peu moins sur le pouce pour les "aventures"...)
Mais du coup, ça me met un peu en porte à faux par rapport à une recommendation d'achat. Je dirais que si le thème vous parle, vous pouvez y aller, mais attendez vous à devoir bricoler un peu. Dès que j'aurais le temps de coucher ça sur le papier, je proposerais les modifications qui me semblent pouvoir résoudre les problèmes que j'ai perçus à la table de jeu.
En conclusion, je dirais que si je ne regrette pas mon achat, je suis parfois surpris de certaines traductions Françaises qui rendent très sexy un petit jeu (graphiquement, l'objet est superbe, contrairement à une édition US plus bricolo, si j'ai bien compris) qui n'a sans doute pas été playtesté avec le sérieux de productions plus ambitieuses. Du coup, les attentes sont fortes, et on risque parfois la déception. J'avais eu le même souci avec Enemy Gods dont les faiblesses mécaniques pouvaient être excusées dans un jeu PDF à $10, mais étaient moins acceptables dans une production VF papier se voulant plus pro (et forcément plus onéreuse).
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